Renaud

Journal inconnu, date incertaine (1988 ou 1989)

Quel parcours! Quel itinéraire ! Quelle route accomplie jusqu’à aujourd’hui par le garçon dont d’aucuns pensent qu’il est quelque peu fini puisque pour lui c’est déjà hier ! de le faire passer pour un has been relève purement et simplement de la calomnie. Oui il s’est parfois trompé, et quand il n’avait rien à dire, il aurait effectivement mieux fait de fermer sa gueule. Seulement voilà, n’est pas Renaud qui veut ! Mais est Renaud qui peut ! Tout commence en 1952… La France renaît des cendres de sa drôle de guerre et à l’époque on fait des enfants dans le noble espoir de repeupler l’hexagone. Le 11 mai de cette année là, une date à retenir, toute la famille Séchan est en émoi… Un petit garçon de race blanche, le cheveu blond, l’œil bleu, un bon arien quoi ! voit le jour. On le baptise Renaud parce que ! et alors. Papa agrégé d’allemand, Maman, fille de mineurs de fond ne soupçonnent pas encore qu’ils viennent de mettre au monde un sacré emmerdeur… 

Très tôt ils comprendront leur amère douleur ! car à la communale déjà, le petit brille par sa présence. Il envoie en effet ses profs dans les roses de sa mauvaise humeur et privilégie l’école buissonnière aux prix de bonne conduite. Subversif, rentre dedans, Renaud n’est pas mec à perdre son temps sur les bancs universitaires. Il claque à 16 ans, la porte du lycée et ce au grand dam de son paternel. Plus intello que lui tu meurs. Traînard, couche tard, grand dragueur de gonzesses devant les bistrots éternels. C’est au café de la gare, au moment où 68 tourne le dos aux valeurs de maman, qu’il fixe le lieu de ses errances. Il y rencontre des garnements tout aussi fous que lui, qui ont pour nom : Coluche, Dewaere, Depardieu, Lanvin, Miou Miou et plein d’autres. A travers cette bande de jeunes, Séchan, le fils indigne se fend la gueule. Il gratouille sur sa guitare des morceaux anarcho, médusards ! il crache dans la soupe et à mesure qu’on le refoule, il défoule les atmosphères. Comédien de 20e zone, sans avenir prometteur, Renaud ne connaît pas d’emblée le succès, bien au contraire. C’est la galère. Via Panam, c’est la bohème version Aznavour… ET puis, la plume efficace, la veine chansonnièrement transmissible, ce garçon original finit par se faire entendre du métier. On parie sur lui, on n’a pas tort ! Et son « Hexagone » ne marche pas plus longtemps à l’ombre de l’anonymat. Renaud, un prénom mieux, un identité, voire une référence, existe depuis bientôt 15 ans… Chiant, Prêchi, prêcheur de toutes bonnes causes, on a envie de lui suggérer parfois « mais de quoi tu te mêles ». 

Propalestinien en pleine guerre de Kippour. Éthiopien pendant la sécheresse, Pro mitterrandiste avant les élections, Renaud est partout même là où on ne lui demande pas d’y être ! Engagé, il nous casse les bonbons. Empêcheur de tourner en rond, on se demande « mais de quel droit nous assène-t-il de telles leçons ». Et puis Renaud, c’est aussi la tendresse pure et douce, la poésie façon faubourg Montmartre de « Manu » à « en Cloque » en passant par « Mistral gagnant ». Papa poule d’une Lolita de 8 ans d’âge, époux fidèle d’une Dominique à qui, il serine à longueur de journée « Me jette pas ». 

Renaud habite Paris, monte en bateau et auprès de ses arbres à la campagne, rejoint ses racines. Écorché, tous les malheurs du monde trébuchent sur ses santiags et ce bourgeois, culpabilise d’avoir réussi dans la vie ! C’est dur d’être et célèbre. Oh oui !

Source : HLM des Fans de Renaud