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Sur un grand plateau nu, Renaud Séchan est assis, seul. Seul comme il l’est depuis que sa Dominique, son bel amour sa déchirure, l’a quitté, provoquant sa chute dans un éthylisme morbide qui a duré plusieurs années et l’aurait assurément allongé au tapis pour le compte s’il s’était prolongé.
Aujourd’hui, ça va. Sa blessure ne sera jamais complètement guérie, mais ça va assez pour que Renaud reste assis là à parler pendant trois heures à un vis-à-vis invisible et muet, à raconter, alors que défile devant lui sa vie sur écran géant, «l’histoire d’un mec de 50 balais qui est un peu revenu de tout», un mec «désabusé par le côté vain de toutes choses» et qui, comme tous les humains, a «sa part d’ombre et sa part de lumière».
Un demi-siècle passe dans ce document fascinant, émouvant sans tomber dans le pathos, laudatif et (auto)critique tout à la fois: l’enfance «douce comme le miel», les turbulences de Mai 68 qui placeront le jeune homme sur le chemin sans retour de la contestation — le rouge —, les premiers pas du gratteur de guitare qui voulait devenir comédien, le succès considérable des années 1980 et 1990, les deux femmes de sa vie (Domino et Lolita), le poids de la célébrité, le mal de vivre, la descente aux enfers — le noir — et la réémergence. Le tout sans artifices ni complaisance, servi sur le ton de la confidence par un poète au talent immense, lucide, désespéré, passionné de la vie et dégoûté du monde.
Et, évidemment, on a droit à des extraits de ses plus belles «chansonnettes», Société tu m’auras pas, Mistral gagnant, La Ballade nord-irlandaise, Dès que le vent soufflera, Fatigué, Miss Maggie, Putain de camion, Manhattan- Kaboul et plein d’autres. Disons-le, un pur délice. Seul défaut: trois heures, c’est trop court…
Musicographie / Renaud – Le rouge et le noir
Musimax, 20h
Source : Le Devoir