Après les compils, avant l’intégrale

Le Soir

Journaliste au pôle Culture
Par Thierry Coljon

Magazine des arts et du divertissement (MAD)

Mercredi 25 octobre 1995 page 36
(Publié le 5/04/2016 à 14:11)

Puisqu’il nous vient en concert, reprenons la conversation. Après les compils, avant l’intégrale

A la sortie de son album « À la belle de mai », Renaud nous avait reçu dans son café de Montparnasse préféré. On avait gardé pour la fine bouche de quoi l’accueillir dignement avant son concert à Forest-National. Mais l’actualité ne manque de toute façon pas avec celui qui, après les deux compils « Le Meilleur of », annonce pour les fêtes de fin d’année l’intégrale incrustée dans un distributeur de boules. D’ici là, retaillons une bavette avec lui…

Ton frère Thierry (Séchan) peut se montrer encore plus méchant que toi avec ses livres « Nos amis les chanteurs ». D’où cela vient-il ? De vos parents ?…

Je ne sais pas. Je peux difficilement parler pour lui, mais dussé-je en souffrir – et Dieu sait si j’en souffre – je suis parti du principe que je ne veux pas plaire à tout le monde et que, pour défendre mes idées, je suis prêt à me fâcher ou à être mal vu ou haï par une partie de la population, des médias, des hommes politiques… alors que la majorité des artistes veut plaire à tout le monde. Sans quoi je serais le plus consensuel et anodin possible… Je défends plus souvent des opinions qui divisent que celles qui rassemblent. En faisant « Tonton, laisse pas béton », je savais que je me mettais à dos 50 % des électeurs.

Tu pêches toujours autant?

Moins qu’avant, car, comme définitivement, ce qui me passionne le plus c’est la truite pêchée à la mouche, c’est surtout l’été.

Tu as beaucoup de copains dans le milieu du show-business, t’aimes bien te trouver avec eux, même en télé pour une bonne cause ?…

Non, pas du tout. Je suis tellement mal à l’aise. Je suis paranoïaque à un point où c’est pas permis. J’ai toujours l’impression qu’ils ne m’aiment pas, qu’ils font semblant, qu’ils pensent que je suis un très mauvais chanteur… Non, non, moins je les vois, mieux je me porte. Je préfère passer un tête-à-tête d’une demi-heure avec Cabrel dans sa loge ou boire un verre avec Julien Clerc, avec notre femme. Mais quand je suis dans des lieux où ils sont tous là, avec leurs attachés de presse, les photographes… j’ai envie de me barrer en courant. Les bonnes causes, c’est incontournable. Mon absence serait considérée comme une fuite ou un manque de générosité. Faut pas se leurrer : on ne fait pas ce genre d’émissions par réel souci d’aider. On finit par banaliser la misère, on se pâme quand il y a une opération montée par les Restos du coeur et, du coup, on ne se scandalise plus du fait qu’il y ait des sans-logis. Je me suis toujours méfié des causes qui rassemblent, qui donnent bonne conscience aux gens. Même si les restos et les autres, c’est efficace.

Te considères-tu comme un chanteur démodé ?

Oui, je risque de l’être encore longtemps. Ma façon d’écrire, de structurer est désuète. « Lolito Lolita », c’est presque une chanson des années 50-70. Toute la mouvance alternative qui me chiait dessus il y a quinze ans quand je chantais Bruand et Fréhel à l’époque où ils faisaient du hard-punk, ils se mettent à faire du bal-musette avec l’accordéon. Les Garçons bouchers en l’occurrence.

Un souvenir à l’heure des compils : d’où vient l’expression « Morgane de toi » ?

Moi, je l’ai appris d’une fille qui me parlait de son mec en me disant : Je suis morgane de lui, amoureuse de lui. Elle m’a dit que c’était une expression manouche. L’argot des Gitans, quoi. Je l’ai lu dans un dictionnaire d’argot : morganer, c’est manger. Donc, je te mords, je te dévore. Je suis mordu de toi. Sinon, il y a la fée et le pirate, le capitaine Morgan. La pub a repris l’expression, et ça commence à m’énerver car plein de gens pensent que j’ai vendu les droits et que je touche. J’aurais dû. Tant qu’à faire…

Tu viens toujours aussi souvent à Bruxelles ?

Moins qu’avant. J’allais dans quelques librairies BD spécialisées qui m’ont en partie ruiné. J’y vais moins, surtout parce que ma fille a un calendrier scolaire chargé, elle bosse même le samedi matin…

Renaud sera à Forest-National le samedi 4 novembre. Infos : 02-347.03.55.

  

Sources : Le Soir et le HLM des Fans de Renaud