Attention ! Avec Renaud, il ne faut pas se fier aux apparences

Salut !

N° 88, du 7 au 20 février 1979

Depuis trois ans qu’il chante professionnellement, il a été écrit de nombreuses choses sur Renaud. On nous l’a présenté sous toutes les coutures. Pour certains, il représentait la violence, pour d’autres encore moins informés, Renaud avait l’air d’un voyou. Salut ! a décidé une bonne fois pour toutes de faire le point.

Fidèle à son image qui n’est pas celle que lui impose sa maison de disque, Renaud est arrivé avec sa panoplie habituelle : blouson de cuir, pantalon de cuir noir et des bottes western. Aujourd’hui, Renaud possède dans sa discographie trois 33 tours et quatre 45 tours. Son dernier disque comporte neuf chansons dont il a fait paroles et musique excepté celles de « Ma gonzesse » qu’il a composée avec son copain Alain Brice. C’est un poème plein d’humour de de tendresse. Ses chansons, Renaud les fait la nuit lorsqu’il ne trouve pas le sommeil ou alors dans les bistrots. Les sujets en sont ce qu’il voit dans la rue, ce qu’il a vécu. Mais dans ce dernier cas, Renaud pense avoir tout dit. « Pas exemple pour «Mon dernier bal », je me fous à la place d’un mec qui vit ce genre de problème. L’idée m’est venue par les journaux : c’est le problème de la légitime défense, très grave à mon avis. Comme celui de l’auto-défense. Délinquance implique répression et répression implique délinquance. Plus il y a de flics, plus il y a de voyous. Plus il y a de voyous, plus il y a de flics. Je suis contre la violence physique. Je me suis battu parce que j’avais le dos au mur sinon, pour aucune raison, je ne me battrais. Un mec peut me traiter de tout ce qu’il veut, la seule chose que je protégerai, c’est ma bonne femme ou ma famille. Par orgueil personnel, jamais ! Ce n’est pas de la lâcheté mais, je pense, de la prudence. Il y a quelques années c’était à peu près équilibré. Les voyous s’attaquaient aux flics ou aux bourgeois et c’était à coup de chaînes de vélo, maintenant, on ne sait pas si le mec en face ne va pas sortir un flingue. »

Pas de vrais copains dans le métier

Pendant dix ans, Renaud en a profité, presque toutes les nuits il était en virée dans les bals. Aujourd’hui, il s’est assagi. Quand il sort, c’est au restaurant avec des copains, ou dans les bistrots ou alors, il prend sa voiture et part en Belgique car là-bas, il estime que les jeunes savent encore s’amuser. Renaud n’est pas bon spectateur. Il fréquente très rarement les music-halls ou les théâtres : « J’ai pas de vrais copains qui chantent à part Alain Brice. Il y a des gens que j’aime bien mais je ne sais pas ce qu’ils pensent de moi. Par exemple, j’adore Souchon, je l’ai d’ailleurs vu dernièrement. Je ne supporte pas de rester deux heures dans une salle. Quand c’est bien, c’est frustrant. Je me dis que je n’arriverai pas à en faire autant. » Chez lui, Renaud écoute beaucoup de musique et qui l’aurait cru du classique, notamment Mahler, Vivaldi, mais aussi de la variété et du rock. Le rock, cette musique qui correspond à son allure physique. Renaud n’en a jamais interprété. Pourquoi ? « D’abord, explique-t-il, ce n’est pas la musique que j’avais dans la peau, comme la musette, par lequel j’ai été bercé. Mais je viens d’en enregistrer deux. Je ne pense pas pour autant faire une carrière de rocker. » Pour Renaud, la seule chose importante dans ce métier est de faire de la scène, ce qu’il fait depuis un an de façon très régulière. Nous pourrons l’applaudir à Paris au mois de mars au Théâtre de la Ville chaque soir du 18 à 19 heures. Pour lui, ce n’est pas à la télévision en play-back que l’on juge un chanteur. Son pied, c’est sur scène qu’il le prend lorsqu’il chante, micro en main, face à son public.

La chanson, un hasard pour Renaud

Un mot revient souvent dans la conversation de Renaud : « Ma gonzesse », personnage qui a l’air de tenir beaucoup de place dans sa vie. « Tout ce que je fais lui est dédié, toutes mes chansons. J’aime la vie de couple, je suis peut-être un peu bourgeois, j’ai beaucoup bourlingué et je me suis toujours dit : le jour où je rencontre chaussure à mon pied, ce sera terminé, je l’épouse. Et je suis fidèle. Je l’ai donc rencontrée il y a deux ans, je vis avec elle, c’est déjà une chose de faite, il y a juste un petit problème, je le dis d’ailleurs dans la chanson : elle est mariée Mais dès que sa situation est régularisée, je l’épouse et on aura des enfants. Chez moi, on était six et on s’est bien fendus la gueule. Et puis un mec c’est pas fait pour vivre seul. » Le saviez-vous ? Renaud a un frère jumeau qui est photographe. Mais il paraît que lui, il est plus costaud. 

Sa vie, c’est avant tout sa « gonzesse »

La chanson, Renaud considère que c’est une chose qui lui est tombée dessus complètement par hasard, mais il ne pense pas que ce soit son métier, ce n’est pas sa vie. « Si demain, ma gonzesse me dit : laisse tomber ce métier de con et on se barre sur une île. J’arrête et on se tire. »

Ce que l’on retire de cette interview c’est avant tout que Renaud est un garçon qui aborde les choses avec beaucoup de sincérité et de pudeur. Qui oserait le lui reprocher ?

Daniel Moyne

  

Source : Salut !