N° 935, du 26 décembre 2024 au 8 janvier 2025
MUSIQUE
CULTURE
Attention, collector, Renaud se fait coffret !
L’album « À la belle de mai » de Renaud fête ses 30 ans. Pour l’occasion, la sortie d’une réédition copieuse avec un objet disque comblera tous les fans du chanteur.
Que cette décennie 1990 fut difficile à notre Renaud national : parenthèse ouverte pour les utopies, réalignement libéral, peine à digérer la disparition d’amis proches (Coluche, Desproges, Gainsbourg) et début d’une dépendance délétère à l’alcool… En surgiront pourtant deux albums fabuleux, « Marchand de cailloux » (1991), traversé par la révolte des enfants de Belfast, et un dernier chef-d’œuvre, « À la Belle de mai », publié en 1994. L’album trentenaire fait l’objet d’une réédition copieuse avec inédits, livret grand format, planches de stickers et figurines qui renvoient aux ambiances de fête foraine qui illustrent la pochette. Après avoir célébré le peuple des mines avec 1 ’émouvant mais plus anecdotique « Renaud cante el’ Nord » en 1993, direction Marseille et le quartier qui donne son nom à la chanson titre, allusion pagnolesque à un Bernard Tapie venu se refaire au soleil.
On peut trouver des qualités aux albums qui suivirent, mais aucun n’approchera plus cette écriture tendre et nerveuse, cette capacité à chanter les marges avec sensibilité et vérité. Peut-être parce qu’ « À la Belle de mai » bénéficie de l’ultime concours de Jean-Louis Roques, acolyte de longue date et formidable accordéoniste et arrangeur, ou de trois chansons signées Julien Clerc dont la puissante « C’est quand qu’on va où », qui laisse à nouveau parler la nostalgie de l’enfance. On y trouve encore l’ombre des révolutionnaires latinos sur un air de samba (« Adios Zapata »), un hommage bouleversant à la classe ouvrière décimée avec « le bleu », (« Il a j’té “l’Huma” sur l’canapé près du chat/s’est assis dans un coin la tête dans ses mains ») ou l’antimilitariste « la Médaille » qui avait fait hurler la Grande Muette. Un objet collector, comme on dit, flanqué du concert donné à la Mutualité, à Paris, en 1995, avec un Renaud à la voix éraillée mais gorgée d’émotions. •
CLÉMENT GARCIA
clement.garcia@humanite.fr
Source : l’Humanité