Cahier C
LE WEEK-END
Québec, vendredi 13 janvier 1989
MONTRÉAL — Vingt minutes avant de rencontrer en groupe les journalistes du Québec, Renaud a la Gitane un peu tremblante au bout des doigts.
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par LOUIS TANGUAY
LE SOLEIL
En conversation privée, il trouve « épouvantable pour moi et sans doute pour vous » l’épreuve qui doit avoir lieu en ce jeudi après-midi dans une salle voisine d’un grand hôtel du centre-ville de la métropole.
En France, il n’accepterait pas d’être ainsi confronté à 50 représentants des médias qui. plus souvent qu’autrement. tentent de l’« enfoncer à la moindre occasion ».
Ici, les relations sont différentes. mais il ne se cache pas d’avoir accepté à reculons la formule de rencontre proposée par le producteur la partie québécoise de sa tournée 88-89.
Malgré le succès, il dit assumer très mal la tradition commerciale reliée à son métier et ça l’empêche encore de dormir de devoir « vendre » des chansons écrites d’abord pour dénoncer un système social mercantile.
En contrepartie, il aime bien exprimer ses opinions, mais davantage sous forme de réquisitoire qu’en tant qu’accusé comme c’est souvent le cas chez-lui où il se sent face a la presse comme devant un tribunal. Il avoue de plus ne pas se gêner pour utiliser les médias pour dénoncer les médias électroniques qui matraquent les jeunes avec de la dance music, au lieu de les éveiller aux réalités sociales.
Loi et langue
À ce bagarreur souvent pris à partie dans des dossiers politiques. on ne pouvait manquer de demander son opinion sur le débat linguistique entourant les lois 101 et 178 au Québec. Prenant bien soin de préciser qu’il n’est pas en possession de tous les éléments du dossier (il a appris à formuler des réserves depuis son premier passage ici en 1984), il n’arrive pas à comprendre pourquoi les porte-parole des mouvements francophones aussi bien qu’anglophones sont mécontents de la nouvelle loi, mais Renaud se dit inquiet de l’avenir de la langue française dans le monde entier et particulièrement dans un côtoiement aussi proche que le nôtre d’un géant anglo-saxon.
Il se range donc parmi les « farouches défenseurs de l’esprit de la loi 101 » mais ajoute que sa sympathie naturelle pour les minorités l’empêche d’être insensible au sort de la minorité anglophone au Québec.
Pour lui, la lutte pour la qualité de l’environnement demeure cependant plus urgente.
Il commence par ailleurs à se sentir un peu citoyen de Montréal, puisqu’il y a acquis, l’été dernier « une très jolie petite maison ».
Les chansons
Il n’écarte d’ailleurs pas la possibilité de faire au Québec son prochain disque. Les chansons ne sont encore qu’à l’état d’ébauche, mais il a déjà choisi un style musical « plus acoustique » (deux guitares, un accordéon comme au début), moins rock, moins agressif pour l’oreille, en vue d’une forme de spectacle qui requiert une moins grosse équipe que cette fois-ci.
En effet, il est arrivé mercredi avec ses huit musiciens, pour un spectacle qui sera le même qu’au Zénith à Paris, sauf pour le décor en forme de baobab qui avait créé un fort effet à Paris
À Québec, Renaud ne chante que deux soirs à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre, la semaine prochaine, le jeudi 19 (il restait hier une centaine de billets) et le vendredi 20 (environ 300 sièges libres).
Si on lui demande par quoi il entend remplacer l’arbre de son décor parisien, Renaud répond, non sans un sourire « par la sève de mes chansons ». Quant à ses propos tenus en entretien privé avant la conférence de presse, sur la chanson, sur l’enfance et sur la société, il en sera plus abondamment question dans notre édition de demain.
Source : Le Soleil