« Avec Renaud, on est des frères spirituels » : les confidences de Frank Margerin, qui a illustré le « Putain d’coffret » du chanteur

franceinfo

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France Télévisions | Rédaction Culture

 

Le dessinateur Frank Margerin a illustré les neuf albums de Renaud parus chez Polydor entre 1975 et 1983, regroupés dans un coffret de douze vinyles, sorti le 28 octobre. L’auteur de la célèbre bande dessinée « Lucien » a répondu à nos questions.

Le poster présent dans le « Putain d’coffret » (Frank Margerin / Polydor-Panthéon / Universal Music)

Les univers de Renaud et Margerin sont intimement liés. La banlieue, les loubards, les bistrots et les mobylettes, des thèmes récurrents dans les chansons de l’un et les BD de l’autre. Leurs carrières se sont d’ailleurs croisées à plusieurs reprises. Le dessinateur a illustré la pochette du disque Ethiopie en 1986, la couverture de la BD La Bande à Renaud, ou plus récemment l’affiche de la Putain d’expo ! à la Philharmonie de Paris l’an dernier. Dernière collaboration en date : la sortie le 28 octobre de Putain d’coffret (Polydor-Panthéon / Universal Music). Douze disques vinyles regroupant les neufs premiers albums de Renaud parus chez Polydor entre 1975 et 1983, illustrés par Margerin, à la demande de David Séchan, le frère jumeau du chanteur.

Et l’un des liens les plus évidents entre les deux artistes est un certain Lucien. Le personnage créé en 1979 par Margerin ressemble étrangement à celui de la chanson de Renaud de 1977. Même le batteur de la BD s’appelle Riton comme dans les paroles !

Pourtant, cette apparente similitude est une pure coïncidence comme nous l’a expliqué le dessinateur, également mélomane, et qui avoue prendre sa guitare quand il en marre de dessiner.

franceinfo culture : Quand vous avez créé le personnage de Lucien, c’était en référence à la chanson de Renaud ?

Frank Margerin : Métal Hurlant avait décidé de sortir des numéros à thème. Comme Philippe Manœuvre venait d’intégrer l’équipe du magazine, il a suggéré de faire quelque chose sur le rock. Pour m’inspirer je me suis souvenu de mes répétitions avec mon premier groupe Los Crados, j’ai fait des clins d’œil aux copains, à mon frère…Et j’ai eu un déclic, je me suis dit : c’est ça qui m’amuse, raconter des choses vécues et pas des trucs imaginaires de science-fiction. J’ai demandé à Dionnet (rédacteur en chef de Métal Hurlant – NDLR) si je pouvais revenir de temps en temps avec mes petits rockers. Et ce qui au départ ne devait être qu’un one shot est devenu une série récurrente, mais où j’ai toujours eu une liberté totale.

Et ce n’est qu’après que j’ai réalisé que Renaud avait fait une chanson La bande à Lucien. Pendant longtemps je n’ai pas osé appeler ma BD « La bande à Lucien » à cause du titre de la chanson de Renaud. Mais pour mon dernier album qui s’appelle « La bande à Lucien », 40 ans plus tard, je me suis dit il y a prescription, je peux prendre le nom de la chanson ! (rires)

Quand je dessinais, il y avait toujours en toile de fond les chansons de Renaud

Frank Margerin

  

Et pareil de son côté, Renaud a chanté « toujours vivant, toujours la banane » et j’avais sorti un album un an avant qui s’appelait Toujours la banane, et je lui dis « t’as pris la même expression que mon bouquin » et il me répond  « ah j’savais pas ! » (rires) Il était un peu gêné, mais il n’y avait pas de raison, c’est une expression qui appartient à tout le monde. Et puis ça me fait plaisir qu’on ait les mêmes idées.

Vous avez pensé un jour faire l’inverse ? Que vous écriviez une histoire et que Renaud en compose la bande-son ?

Moi non, mais dans les années 80 le dessinateur Jacques Armand est allé voir Renaud et lui a demandé de lui écrire un scénario. Et Renaud passionné de BD a sauté sur l’occasion, ils ont sorti une histoire dans le milieu de la boxe. A l’époque j’avais été jaloux de ne pas avoir eu le même culot.

Vous préférez vous attacher au côté léger de Renaud, plus que son côté contestataire ?

Frank Margerin : Oui c’est un peu la seule chose qui nous différencie. Lui est plus militant, plus impliqué dans la politique. On avait tous les deux 16 ans en 68, mais lui avait déjà créé son collectif révolutionnaire « Gavroche » à la Sorbonne, alors que moi le seul truc que je regrettais c’était que les cinémas étaient fermés ! (rires) Et puis il a dans certaines de ses chansons une violence que je n’ai pas. Pour ma part j’ai toujours vécu dans l’insouciance, la joie de vivre, rire avec les potes. J’ai toujours été de nature heureuse et pas torturée comme Renaud. Et puis son énorme succès et sa position de porte-parole de toute une génération lui a forcément donné une pression que je n’ai pas. Moi je peux aller faire mes courses tranquille, personne ne me reconnaît ! (rires)

 

Comment avez-vous abordé ces illustrations ?

Frank Margerin : Au départ, je voulais illustrer des chansons que j’aime bien : La mère à TitiDès que le vent soufflera… Sauf que les albums ont chacun un titre, donc j’ai dû me caler dessus. Et finalement ça a bien fonctionné. Au début j’étais parti sur quelque chose de beaucoup plus compliqué avec des tas de détails, mais sur la quantité c’était trop surchargé et ça en devenait fatigant. Je me suis dit qu’il fallait rester dans l’esprit de Renaud : il y a de la tendresse, de l’humour, le tout sans être prétentieux. Il ne fallait pas que ça soit lourd, il fallait quelque chose d’agréable, de léger. C’est pour ça que j’ai opté pour la formule croquis avec juste un peu de gris pour le relief et un peu de rouge pour la couleur. Et forcément la couleur rouge était évidente en référence au bandana de Renaud.

Les 12 pochettes des vinyles du « Putain d’coffret » (Frank Margerin / Polydor-Panthéon / Universal)

Et puis j’ai eu beaucoup de chance pour la signature de Renaud. Je n’en trouvais pas et un jour dans un festival de BD quelqu’un me donne La bande à Renaud à dédicacer. Et Renaud avait signé la page de garde ! Je l’ai prise en photo et on a pu l’intégrer dans les visuels du coffret. Quand même, c’était un signe du destin !

On est un peu des frangins, je dirais qu’on est des frères spirituels.

Frank Margerin, à propos de sa relation avec Renaud

« Putain d’coffret » (Polydor-Panthéon / Universal Music)

Putain d’coffret est sorti le 28 octobre (Polydor-Panthéon / Universal Music). 

Il contient 12 vinyles regroupant les 9 albums de Renaud parus chez Polydor entre 1975 et 1983 (6 albums studio et 3 live), un livret de 80 pages reproduisant l’intégralité des paroles studio, avec plus de 50 dessins inédits de Margerin, ainsi qu’un poster de 60 x 60 cm.

Il est également disponible en édition limitée à 1000 exemplaires, avec numérotation et disques vinyles de couleur rouge sur la boutique en ligne. Les 180 premiers exemplaires contiennent de plus une lithographie dédicacée par Frank Margerin.

« Putain d’coffret » édition limitée et numérotée (disques rouges) (Polydor-Panthéon / Universal Music)

  

Source : franceinfo