Par MIGLIORINI Robert, le 12/6/2003 à 12h00
Il n’est pas encore tout à fait rassuré, l’énergique Bénabar. Il redoute déjà de se répéter. À 34 ans,
Bénabar est toujours un jeune homme pressé, tenté par divers moyens d’expression. Son nouvel
album – le troisième – s’appelle d’ailleurs « Les risques du métier ». Sympathique clin d’œil au
cinéma qui est toujours présent dans les références de ce fils de régisseur de films, tombé amoureux
de l’écriture et des mots. Allez comprendre, le précédent album, « Bon anniversaire », s’est tout de
même vendu à 160 000 exemplaires et Bénabar figure en bonne place dans la nouvelle galaxie des
artisans de la chanson française. Les récentes Victoires de la musique en ont fait une des trois
révélations de l’année même si, au final, il n’a pas obtenu le trophée.
Toute autosatisfaction est prématurée chez Bénabar habitué à progresser pas à pas. Il n’a donc pas
attendu avant d’enchaîner avec un nouvel opus. Pour profiter de l’énergie emmagasinée pendant sa
tournée et ne pas succomber à une trop forte pression. L’album est l’œuvre de l’équipe qui tourne
avec lui. Il travaille d’ailleurs en famille avec ses deux frères. « J’ai donné 300 concerts avant que la
presse ne s’intéresse vraiment à moi », observe-t-il sans amertume. Henri Salvador lui a donné un
sacré coup de pouce en l’invitant en première partie de son « Jardin d’hiver » en 2 000. Depuis,
Bénabar sait se faire apprécier. « Je ne remplis pas encore les stades mais ça va », lâche-t-il.
Avec l’œil du photographe, il capte les détails de la vie
Celui qui a fait ses débuts dans les bars où il chantait deux titres avec un copain aborde ce métier en
pariant sur les gens. Un art acquis comme apprenti photographe et technicien de cinéma. Il croque
leurs mœurs. Comme son maître au cinéma, Claude Sautet. Il saisit le quotidien des trentenaires sans
s’enfermer dans un ghetto pour désabusés. Le petit peuple de Bénabar nous ressemble. Ici, celui qui
découvre qu’il ne vit désormais plus seul chez lui ou, là, ces voyages en minibus, source de bonheurs
et de mésaventures. Tout part de l’observation. Son art des détails touche les sentiments les mieux
partagés.
« Je ne suis pas sensible aux grandes images », reconnaît-il. Il ne dénonce pas, il souligne et n’en
pense pas moins. L’humour, parfois noir, l’autodérision, est une nécessité pour celui qui a participé à
l’écriture de séries pour Canal +, comme H (pour Hôpital) ou « Le 17 » ou encore « La famille Guérin
». L’album « Les risques du métier » sonne un peu plus sombre comme dans le piano de Je suis de
celles où il parle de ces filles que l’on trouve faciles ou encore dans l’évocation de ces pots de départs
à la retraite, sans fanfares. Bénabar privilégie toujours la fête par rapport à la noirceur. L’univers du
cirque a marqué son parcours.
Pour son nouvel album, Bénabar est allé enregistrer à Bruxelles, où il vit en alternance avec Paris. Les mots d’amour de Brel ne sont pourtant pas les siens. Celui qui a été élevé en banlieue, à Saintry-sur-Seine, a toujours aimé Renaud, pour son écriture simple et touchante. Sans se transformer, comme l’auteur de Miss Maggie, en un chanteur énervé. Il reconnaît son goût pour une chanson française, riche de ses textes. Sans fustiger les autres goûts du public. « Je n’ai pas passé ma jeunesse à écouter Léo Ferré mais des chanteurs comme moi bénéficient d’un certain ras-le-bol du public envers des formes de musiques très formatées. » Bruno « Bénabar » préfère s’attaquer à la démagogie. Sur scène, son terrain de prédilection, il aime reprendre des chansons plus anciennes, comme celle popularisée par Yves Montand et Cora Vaucaire : Trois petites notes de musique. Il a également participé à l’hommage récent pour Serge Reggiani en interprétant L’Italien, sa façon d‘évoquer l’histoire de son grand-père maternel, exilé en France.
Robert MIGLIORINI
L’album «Les risques du métier» de Bénabar est sorti sous le label Jive/Zoa/BMG. En tournée cet été
et à la rentrée, à Paris, les 7 et 10 octobre.
Source : La Croix