Benoît Dorémus vide son sac et se ceint suaire

NosEnchanteurs

Ajouté par Michel Kemper le 20 février 2022.

Benoit Dorémus (photo Yann Orhan)

Tiens, v’là le revenant qu’il dit être. « Ça fait quinze ans que je vide mon sac / Ça fait quinze ans que je vis de mon art / Quinze ans que je tiens la note / Ça fait quinze ans que je tiens la barre ». À la sortie de son premier CD, en 2005, Chorus voyait en lui « une belle éclosion à surveiller de près ». Quatre albums plus tard, Benoît Dorémus, qui nous fait toujours songer à la voix et au talent du Renaud d’avant le déluge, n’en finit pas de nous séduire, toujours à épier du coin de l’œil. L’éclosion ne s’est pas faite dans la terre aride du show-bizness ; faute de présence médiatique, on est triste pour ceux qui ne le connaissent pas encore et ne savent pas ce qu’ils manquent. « Pour venir à vous je navigue à vue / Je n’ai pas la nostalgie de mes débuts / Je dis non non quand on me demande si j’ai disparu / Je dis oui oui quand on me demande si je suis connu ». Ce n’est pas la première fois qu’il introspecte en vers et dans le laser, nous instruisant de son parcours, fait de hauts et de bas.

Dorémus est grand bavard, capable de vous retenir l’oreille, de vous capter, de vous coincer sur des choses importantes et d’autres qui ne servent à rien. Ici sur une danseuse blessée, là sur son surf sur le net et sa collecte de mots dont on sait vaguement l’usage mais pas trop le sens. Ou sur Paris désert en plein mois d’août : « Je sais pas encore comment mais je vais arrêter le temps / Je reste au mois d’août ». Son art s’est décalé un peu, parfois beaucoup, entre chanson et slam, un entre-deux qui lui sied à merveille, avec une voix franche qui sait se faire velours…

Là, Dorémus fait dans la collection d’ossuaire et de suaires, retenant même les dates des morts en une surprenante chanson : « Pour les morts célèbres, je suis pas mauvais […] Allez, dites un mort ? » Ce juste après s’être Désolé pour les fantômes, élégant duo avec Clio, repoussant de concert la date fatale où on ne garde qu’un drap blanc pour tout vêtement.

Étrange et séduisant album que celui-ci. Bon, comme ses précédents vous me direz. Dorémus est vraiment un genre à part, sans franchises possibles. Qui certes emprunte un peu (quelques notes, mots, façons et réminiscences de Renaud, parfois) mais est quand même cas unique. Certes pas l’audience d’un Bénabar (avec qui il fait duo sur Drague la mère [et bien entendu l’autre la fille, juste répartition des rôles]) mais d’un auditoire attentif et fidèle.

Y’a de bien belles fleurs d’émotion en ce nouveau et luxuriant bouquet : Passé récentDouze ans sans te voir… et le superbe Pas d’enfant. Un disque à largement partager autour de vous, afin que, dès le prochain, il nous chante sa nouvelle vie du chanteur très connu qu’il sera devenu.

 

Benoît Dorémus, Désolé pour les fantômes, Déjà/L’Autre distribution 2022. Sortie nationale le 25 février 2022. Le site de Benoît Dorémus, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.

« On croit en moi » :

« Désolé pour les fantômes » (en duo avec Clio) :


 

  

Source : NosEnchanteurs