Le Journal Du Centre
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Publié le 25/08/2019 à 09h00
À l’occasion des 200 ans de la Révolution française en juillet 1989, de vives critiques émergent à l’égard des célébrations officielles prévues. Renaud, Gilles Perrault et plusieurs syndicats décident d’organiser un contre bicentenaire le 8 juillet à Paris en signe de solidarité avec le tiers-monde.
« Dette, apartheid, colonies, ça suffit comme-ci » : c’est le slogan en forme de contrepèterie des manifestations qui ont lieu le samedi 8 juillet 1989, à la Bastille (Paris). Le chanteur Renaud et l’écrivain Gilles Perrault ont imaginé ce « contre bicentenaire » de la Révolution française pour deux idées : la première est celle que « le Tiers état [de 1789], c’est aujourd’hui le tiers-monde ». La seconde est l’occasion pour eux d’exiger l’annulation de la dette des pays en voie de développement.
Un contre-bicentenaire pacifique
Renaud invite pour l’occasion Johnny Clegg, fidèle de Nelson Mandela, pour un concert qui rassemble ce jour-là 30.000 insoumis selon les organisateurs. Beaucoup ont apporté des tee-shirts qui, selon La Montagne, « parodient sous le slogan “Bicentenaire mon cul !” les oiseaux tricolores de Folon, logo officiel des 200 ans de la Révolution française ».
En la matière, Renaud n’en était pas à son premier fait d’armes. En 1975, Renaud dénonçait dans L’Hexagone une Révolution imparfaite et inachevée : « Ils font la fête au mois d’juillet, en souv’nir d’une révolution qui n’a jamais éliminé la misère et l’exploitation. »
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Le 14 juillet 1989, débute « La Marseillaise », un gigantesque opéra-ballet mis en scène par Jean-Paul Goude. Un million de spectateurs parade sur les Champs-Élysées. « Paris n’avait vu un tel rassemblement populaire qu’en de très rares occasions depuis la Libération […] : les obsèques des manifestants anti-OAS du métro Charonne, mai 1968 et les manifestations en faveur de l’enseignement privé, le 24 juin 1984. »
33 chefs d’États sont présents aux côtés du président François Mitterrand pour cet anniversaire historique. Le défilé des troupes laisse rapidement la place au spectacle « original ».
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Toute la soirée, des percussions chinoises remplacent les habituels tambours militaires. Se succèdent danses sénégalaises, valses, moonwalk et ballets sur patinoire. La Montagne se risque à l’exercice du calembour, en souhaitant aux lecteurs « Goude night et un rendez-vous dans cent ans pour le Tricentenaire ».
Un G7 mouvementé, organisé par la France
Ce même jour marquait également le point de rendez-vous des dirigeants des sept pays occidentaux les plus riches du monde à la Grande Arche de la Défense, inaugurée un mois plus tard. Trois jours durant lesquels règne un climat de zizanie à Paris. Pour recevoir tout le gratin, la sécurité est à son comble. Peut-être même un peu trop. Michel Rocard peut en témoigner : le Premier ministre de l’époque s’est vu barrer la route dans la cour de l’Élysée. Même sort pour le président états-unien George H. W. Bush, bloqué par un garde républicain quand il lui prit une envie pressante à La Défense…
Sur le fond du Groupe des sept (plus la CEE, représentée par Jacques Delors), les chefs d’État et de gouvernement se sont quelque peu divisés sur l’appel de plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine à relancer le dialogue entre Nord et Sud.
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Dans son édition du 15 juillet, La Montagne résume le déroulement de la première journée du G7 : « Le président Mitterrand a appelé les sept pays industrialisés à prendre en considération [cet] appel. […] Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont, eux, exprimé leurs réticences quant à la réunion d’un sommet Nord-Sud. » Pour la cohésion de groupe sur ce sujet, on repassera. En revanche, sur la question environnementale, l’ensemble des sept pays ont souligné « l’urgence de prendre des mesures pour comprendre et protéger l’équilibre écologique et d’aider les pays en développement à participer à la lutte contre la pollution planétaire, éventuellement par des remises de dette ».
Ce quinzième G7 est le premier lors duquel les sept pays les plus industrialisés de la planète semblent être préoccupés par la défense de l’environnement. La Montagne indique le 17 juillet que « les États-Unis ont manifesté leur intention de prendre la tête des efforts dans ce domaine ». Trente ans plus tard, le président états-unien Donald Trump qualifie le changement climatique de canular. Triste retour en arrière.
Lucas Archassal