Boucan d’enfer

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Le ar Chrystèle Mollon

Renaud

Renaud revient de loin. Sept ans après son dernier album original, il publie son quatorzième disque, Boucan d’enfer. Un album dont la gestation, entre alcool, médicaments et dépression, fut longue et douloureuse. La surprise n’en est donc que plus agréable de retrouver le Renaud poète, tendre et piquant qu’on aime tant. Musique !

On l’attendait depuis si longtemps que l’on n’y croyait presque plus, surtout depuis qu’il était apparu, fatigué et bouffi, ombre de lui-même, recevant un hommage au goût amer aux Victoires de la musique 2001.

Mais le chanteur énervant est revenu, plus vivant que jamais. Sept ans après A la belle de mai, son dernier opus original (il y avait eu entre temps Renaud chante Brassens, en 1995), Renaud nous a concocté là quatorze petits bijoux de chansons. Quatorze titres sortis des tripes d’un tout jeune cinquantenaire qui, ces dernières années, a connu l’enfer, l’enfer de l’alcool, de la dépression, de la fin d’une histoire d’amour, et de la vie qui passe.

C’est en effet en toute intimité que l’artiste se livre, jouant cartes sur table dès la première chanson : dans Docteur Renaud, Mister Renard, il nous raconte cette dualité qui fut (?) la sienne, le parallèle (la filiation ?) avec le Gainsbourg/Gainsbarre du regretté Serge étant clairement revendiquée.

Mais c’est forcément Docteur Renaud qui a triomphé (même s’il semble en douter dans le dernier couplet de la chanson), parce qu’un méchant Renard n’aurait jamais pu évoquer avec tant de sensibilité et de tendresse cet ami, Petit pédé, contraint de fuir sa province « coincée » pour se fondre dans le ghetto gay de Paris, sa fille Lolita qui grandit et devient femme (Elle a vu le loup), son ami corse François Santoni assassiné (Corsic’armes), ou tout simplement cet homme, lui-même, qui fut sur le point de Tout arrêter tant son Cœur perdu souffrait de sa séparation d’avec sa « gonzesse »… Séparation que le chanteur semble d’ailleurs n’avoir pas encore complètement acceptée, tant Dominique, (à qui l’album est co-dédié, comme quasi tous les autres) est présente tout au long de l’album : par exemple dans Boucan d’enfer (« Le bruit que fait le bonheur quand il s’en va »), qui s’achève sur le triste constat que « Y’a bien pire que mourir, y’a vivre sans toi »…

Entre rock, folk et musette, Renaud nous dévoile donc son cœur et ses états d’âme, sans toutefois oublier de mordre : il dénonce ainsi la superficialité de notre monde (surtout celui des paillettes et du strass éphémère) dans Je vis caché, la légèreté d’un BHL, « Jean-Paul Sartre dévalué », « entartré » à maintes reprises. La patte acerbe du Renard se retrouve encore dans le cynique et désabusé Mal barrés, qui fustige les croyances naïves d’un jeune couple d’amoureux, qui ignore encore que l’amour ne résiste pas au quotidien…

N’oublions pas bien évidemment le magnifique Manhattan-Kaboul, en duo avec Axelle Red : le titre inspiré par les événements du 11 septembre n’échappe pas aux clichés ? Et alors ? Que pourrait-on écrire d’autre sur cette tragédie ? Il n’en reste pas moins que les voix des deux artistes se conjuguent de manière si émouvante que ce titre, prochain single (sortie le 23 juillet), devrait connaître un succès bien mérité cet été…

Du grand Renaud donc, dont la poésie, toujours aussi touchante et efficace, fait oublier qu’il ne sait toujours pas chanter… Il faut dire aussi que ses rimes sont joliment mises en musique par ses complices de toujours, Alain Lanty et surtout Jean-Pierre Bucolo.

Signalons aussi le magnifique coup de crayon du navigateur Titouan Lamazou, qui a pour l’occasion troqué son ciré jaune pour son crayon et ses couleurs, pour illustrer le livret du cd de son ami.

Bref, Renaud est de retour, son come-back fait un « boucan d’enfer », et nous, on en redemande ! D’ailleurs, si vous aussi voulez en savoir plus sur le millésime 2002 du chanteur, précipitez-vous sur Bouquin d’enfer (éditions du Rocher, 17 €), écrit par son frère Thierry Séchan : sous la forme d’un dictionnaire, il vous apprendra plein de choses sur l’artiste. Et on attend déjà avec impatience d’aller l’applaudir sur la scène parisienne du Zénith, à partir du 19 décembre 2002, avant une grande tournée en province.

Chrystèle MOLLON / Juin 2002
Photo © Duplantier/Virgin


Renaud
Boucan d’enfer

    • Docteur Renaud, Mister Renard
    • Petit pédé
    • Je vis caché
    • Coeur perdu
    • Manhattan-Kaboul
    • Elle a vu le loup
    • Tout arrêter
    • Baltique
    • L’entarté
    • Boucan d’enfer
    • Mon nain de jardin
    • Mal barrés
    • Corsic’armes
    • Mon bistrot préféré

  

Source : Le HLM des fans de Renaud