Lundi 10 octobre 1988
PARIS GUIDE
Recordman du disque et de la scène, il fait sa rentrée au Zénith
Dès ce soir à Belleville Charles Dumont et les Petits Chanteurs à la croix de bois rendront hommage à Édith Piaf dont on célébrera demain le vingt-cinquième anniversaire de la mort. Hasard du calendrier, ce même mardi au Zénith « Visage Pâle » alias Renaud effectuera sa rentrée à Paris. Une coïncidence qui semble relever à la fois de la pérennité et de la magie du spectacle tant, plus que jamais, souffle entre la « Môme Piaf » et le titi de Montrouge une sorte d’esprit de famille.
CERTES Renaud n’a que peu de cordes vocales à son arc mais ses flèches, comme celles d’Édith, vont droit au cœur. D’un acier trempé dans les caniveaux de la capitale, les pointes aiguisées par le pavé, elles n’ont que l’amour pour carquois et sifflent avec la même gouaille. Comme « la Môme » mais aussi comme Chevalier ou jadis Gavroche, il exprime la sensibilité des poulbots, l’âme à la fois rebelle et malicieuse d’une terroir sans espaces, d’un microcosme dont les racines d’entremêlent au béton.
Chaque matin, au bistrot, il lit « le Parisien » après avoir conduit Lola à l’école et, quand il part en vacances pour mettre « sa tronche au soleil », il reste blanc… « car c’est le soleil qui rougit ». Enfant de la ville, insolent et frondeur, ce recordman des ventes de disques et des tickets d’entrée à ses concerts avant décidé, pour cette rentrée, de boycotter les médias. Mal lui en avait pris, l’information ne circulait pas. Alors il réapparait en brandissant son fameux cri « tatatssin » et la mobilisation de ses fans s’est aussitôt effectuée.
Un public qui, véritable phénomène de société, n’a ni âge, ni profil culturel, ni autre vrai besoin que celui d’amour.
De l’humour aussi, ainsi qu’en atteste sa définition du Zénith : « Une grosse baleine grise échouée dans le bitume de La Villette et qui est aux artistes ce que le Parc des Princes est aux footballeurs. Sauf que le Zénith est plus petit mais qu’on y fait plus de monde que le Matra Racing au Parc. Parce que les musiciens, contrairement aux footballeurs, mieux ils sont payés, mieux ils jouent. »
Alain MOREL
Source : Le Parisien