Par Thierry Coljon et Roger Milutin
Actualité culturelle
Lundi 6 novembre 1995
Durant plus de 150 minutes, dans une salle pleine, Renaud a fêté ses deux décennies de carrière.
Il s’en est excusé lui-même devant son public qui n’a rien perdu de la chaleur et de l’enthousiasme de mars 1989, quand il était sous son arbre. Si ça fait si longtemps qu’il ne s’était plus produit dans une (pardon dans la) salle bruxelloise, c’est qu’en 1992, le principe de concert né au Casino de Paris était de parcourir les petites salles de « province », bref en Wallonie. L’idée était de revenir début 1993 à Forest mais le Claude Berry de « Germinal » l’a obligé à remplacer six mois de tournée par six mois de tournage. Voilà pourquoi Renaud était attendu dans la capitale par un public qui a rempli le vaisseau rénové. Les fans ne savaient pas encore, à 20 h 30, que leur excitation qui se traduisait par des manifestations quasi hystériques allait se voir récompensée par un concert de plus de deux heures et demie qui passerait en revue l’ensemble de la carrière du Titi.
Ce n’est pas innocent évidemment vu que les deux compils « The meilleur of Renaud » venaient de nous rafraîchir la mémoire : cela fait vingt ans que le chanteur énervant alterne tendresse et coups de gueule. Cela méritait bien une petite fête. Pour ce faire, Renaud avait choisi un aquarium de loupiotes en guise de décor et une tonalité acoustique chère à son fidèle arrangeur accordéoniste Jean-Louis Roques. « La ballade de Willy Brouillard », « Dès que le vent soufflera » et « Deuxième génération » ouvrent le set qui nous restitue un Renaud à l’aise, bavard juste comme il faut. Car il en a des choses à dire : la France de Chirac lui inspire quelques commentaires bien sentis. Il n’est pas là pour chanter « Casser du noir », textes de Patrick Sébastien, musique de Jean-Marie Le Pen, on n’est pas sur TF1 mais bien entre gens civilisés. Si ça continue, Renaud, il demande l’asile politique en Belgique. Parce qu’à Paris, ça devient Santiago du Chili.
Renaud dit déjà septante et nonante. « Doudou s’en fout », « En cloque » et « La Ballade nord-irlandaise » viennent ensuite mettre un peu de tendresse car c’est bien connu, c’est très mauvais pour le cœur de s’énerver. Rien de tel que de s’asseoir avec l’accordéon sur les genoux. « Aquarium », « Le déserteur » et « Mistral gagnant » ne traînent pas. Une section de cuivres vient de temps en temps faire joli. Renaud, qui a toujours eu le sens de la famille, n’oublie pas sa femme Dominique et sa fille Lolita présentes (tout comme son frère Thierry) et leur fait plaisir en reprenant « Hexagone » qui n’a rien perdu de son actualité. « Le petit chat est mort » et « Miss Maggie » précèdent « La pêche à la ligne », « Adios Zapata ! » et « C’est quand qu’on va où ? ».
L’HOMMAGE À BRASSENS
Renaud passe à travers sa douzaine d’albums dont même celui en chtimi avec « M’Lampiste » avant qu’il reprenne deux chansons de son maître Brassens (comme le très ad hoc « Je suis un voyou »), ce qui lui donne l’occasion d’annoncer cette déjà fameuse intégrale de 18 albums comprenant trois albums inédits parmi lesquels se trouve un disque entier consacré aux chansons gaillardes de Brassens. On passe ensuite à un long set en solo à la guitare acoustique avec un medley de « Rita », « Laisse béton », « Société tu m’auras pas », « Où c’est qu’t’as mis mon flingue ? », « Pochtron », « Chanson pour Pierrot », « P’tite conne », « Germaine », etc…
Le temps pour le groupe de revenir et « Son bleu » et « Fatigué » terminent ce long panégyrique de toute une œuvre avant le rappel par « 500 connards sur la ligne de départ », « La médaille », « Dans mon HLM » et le très attendu « Manu ». Rien, et surtout pas le long timing, n’a entamé la ferveur du public qui était véritablement à l’unisson avec son chanteur préféré, chantant avec lui (et parfois par-dessus lui) des chansons qui nous ont accompagnés ces vingt dernières années. Mais c’est promis : il reviendra l’année prochaine…
Sources : Le Soir et le HLM des Fans de Renaud