« C’est mon frère spirituel » : Frank Margerin illustre le « Putain d’coffret » de son ami, Renaud

franceinfo

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Le monde d’Élodie
Elodie Suigo
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Le dessinateur Frank Margerin à Nice (Alpes-Maritimes) le 4 juin 2016 (FRANCK FERNANDES / MAXPPP)

Frank Margerin est auteur de bande dessinée. Le dessin a été très tôt son refuge. Déjà, à l’école, les caricatures de ses professeurs occupaient le plus clair de son temps. Il a signé ses premiers dessins humoristiques pour la publicité avec quelques vignettes et bandes dessinées pour un chewing-gum, Malabar. Puis pour les magazines de charme, Lui et Playboy. C’est dans le magazine Métal Hurlant que sont publiées ses premières planches.

Avec son crayon, il est devenu le papa de Simone et Léon, du rocker Lucien, rebelle à la banane, de Manu, un adolescent turbulent de 14 ans, Perfecto et houppette blonde. Et il y aura aussi Momo, le livreur au grand cœur. En résumé, c’est un passionné, un artisan, un fin observateur de notre société.

Frank Margerin signe tous les dessins et croquis du coffret Putain d’coffret de Renaud. Soit 12 vinyles illustrés, 125 chansons, un livret de 80 pages dont 50 dessins inédits. C’est l’intégrale des années 75-82.

franceinfo : J’ai l’impression que c’est une belle déclaration d’amour et d’amitié que vous souhaitiez faire à Renaud.

Frank Margerin : C’est vrai. Pour moi, c’était génial d’avoir le sentiment de faire quelque chose avec Renaud. C’était quelque chose pour moi de tout à fait logique puisqu’on a le même âge. On a vécu le même parcours, on a un peu eu les mêmes passions. Lui, il aimait beaucoup le dessin, mais il n’a pas réussi. Moi, j’ai aussi pas mal chanté. À une époque, j’avais un groupe. Donc, on a eu les mêmes vibrations, les mêmes passions. Il aime la moto, les gens, écrire.

« Renaud a chanté. Moi, j’ai illustré un peu la zone, la banlieue. Je me suis dit : ‘la boucle est bouclée’. Ce coffret a été pour moi, la possibilité de faire finalement quelque chose un peu à l’image de Renaud, assez simple, assez léger, avec un peu d’humour, un peu de tendresse. »

Frank Margerin 

à franceinfo

Vous avez évoqué plusieurs points communs comme l’âge, l’amour des gens, la bienveillance, l’autodérision et il y a aussi cette critique sociale exacerbée.

Alors il est un petit peu plus dur que moi, il est un peu plus violent. Il y a même des moments où je le trouve trop violent quand il chante Gérard Lambert qui éclate les gens à coups de clef à molette, ça me fait drôle. Parce que c’est vrai que comme Renaud, j’aime bien critiquer la société, la montrer, rigoler. Par contre, je n’arrive pas à être violent, à faire des choses dures. Bon, il le fait avec humour, les gens rigolent bien, mais c’est le seul truc qui nous différencie.

Renaud dit de vous que vous êtes son frangin, en « marge ».

On se sent assez proches. C’est mon frère spirituel, on est vraiment très proches et à la limite, même physiquement, on se ressemble un peu.

Petit garçon, vous avez vraiment été plongé dans cette ambiance de dessin avec un père peintre et une maman portraitiste. Ils vous ont donné envie ?

C’est vrai que j’avais sûrement ça dans les gènes, enfin, on peut l’imaginer.

« Enfant, j’étais très timide et donc je m’évadais en dessinant. »

Frank Margerin 

à franceinfo

J’étais dans ma chambre. Souvent ma mère ouvrait la porte en se disant : « Mais il est toujours vivant ? Ça fait des heures que je ne l’entends pas », elle était inquiète. Et puis non, j’étais allongé sur le tapis avec un carnet de croquis. On se faisait des tas de petits dessins. J’ai toujours aimé dessiner, allez savoir pourquoi, c’est comme ça. Et après, c’est vrai que ma scolarité a été un peu gâchée à cause de ça, parce que j’étais toujours dans la lune. Je n’écoutais jamais. J’avais toujours envie de faire rire les copains. Comme j’étais un peu timide, c’était peut-être le seul moyen pour moi de me faire un peu remarquer. Le dessin m’a aidé parce que je faisais des petites caricatures, je faisais des petits trucs qui circulaient après et qui de temps en temps, étaient confisqués et là, j’étais un peu plus embêté.

On a eu Lucien, le fameux rocker, le rebelle à la banane. Ce personnage a marqué les esprits.

Oui, c’est vrai. Avant Lucien, je ne voulais pas avoir de héros. Je me suis dit : je serai l’auteur qui n’a jamais deux fois le même héros dans ses histoires. Et après, c’est difficile pour se repérer parce qu’on repart de zéro à chaque histoire. Pendant deux ans, je n’ai fait que des histoires avec des personnages différents. Et quand j’ai créé Lucien pour un spécial rock de Métal Hurlant, là, il y eu un déclic. Je me suis dit : c’est ça que j’ai envie de faire, en fait. Et j’ai mis pas mal de copains, j’ai mis mon frère. C’était aussi une occasion de les retrouver à travers la bd et passer un moment avec eux.

Il y aura Manu avec son nez pointu, sa houppette blonde, son Perfecto. Il y aura Momo aussi ! Tous vos personnages sont rock ‘n’ roll. Est-ce que vous n’êtes pas vous-même un homme rock’n’roll ?

C’est difficile à dire parce que moi, pendant longtemps, dans ma tête, être rock’n’roll, c’était avoir vraiment les vieilles Santiags, la dégaine, les rouflaquettes, le cheveu gras et la clope au bec. Je pense que dans ma tête, je suis rock’n’roll, mais pas trop dans mon apparence même si je ne suis pas non plus trop costard-cravate.

50 ans d’amitié, un coffret qui touche plusieurs générations. Quel regard portez-vous sur ce parcours ?

Je n’ai pas honte de ce que j’ai fait, c’est sûr. Parfois même, je prends du plaisir à rouvrir un de mes bouquins pour voir un peu ce que j’ai fait parce qu’on finit par oublier. Et je me surprends à me marrer en me disant : je suis trop con de rire de mes propres bêtises, mais je me dis que si ça me fait marrer, c’est que ça doit en faire marrer d’autres.

  

Source : franceinfo