Un événement pour marquer l’inauguration de « Renaud, des mots et des images », exposition regroupant jusqu’au 14 septembre vingt œuvres inspirées des chansons de l’artiste (à la mairie du XIIIe arrondissement de Paris, place d’Italie entrée gratuite). Des pièces uniques créées sous l’impulsion d’Ernest Pignon-Ernest qui seront vendues le 13 septembre aux enchères au profit de l’Unicef (à 19 heures à la mairie et en direct sur ). L’enfance, une cause chère au cœur du rockeur qui l’a souvent chantée.
Gauvain Sers, Gaëtan Roussel…
« Renaud, Renaud, Renaud », le public acclame et scande son nom alors qu’on le voit disparaître dans les coulisses. Il est un peu plus de 21 heures, débute alors une longue séance de dédicace avec tous ceux qui parviennent à se glisser jusqu’à lui.
« Ce concert est un réel cadeau », s’est plus tôt réjouit Jérôme Coumet, maire du XIIIe et hôte de ce concert gratuit pour lequel certains ont fait plusieurs heures de file. « On est arrivé aussitôt après l’école », confie Juliette venue de Malakoff (Hauts-de-Seine) avec son fils, Paul, et son ami Brieuc. Âgés de 10 ans, les deux meilleurs potes sont archi fans. L’un a un bandana rouge, l’autre le t-shirt de la tournée en cours. « Avec mon mari, on écoute depuis tout jeune et on continue, sourit Juliette. Et eux aussi. Ses chansons racontent des histoires et abordent une multitude de thématiques, il faut parfois les expliquer aux enfants, mais ça leur parle, ça les touche, ils y sont très sensibles. »
Parmi ces thématiques, l’enfance, donc, qui « ne va pas bien, en France, la pauvreté augmente et celle des enfants avec, a tenu à rappeler Adeline Hazan, la présidente d’Unicef France. Et à l’étranger, elle va encore moins bien, à Gaza, en Ukraine, en RDC ou au Soudan… Pour tous ces enfants-là, merci d’être là et croire à l’action qui est menée pour eux ».
Les chansons illustrées et interprétées ce jeudi soir ont donc été choisies pour leur lien avec l’enfance. À les écouter les unes après les autres, dans des interprétations d’une grande sensibilité, on constate combien il aura si bien brossé l’âme humaine, celle d’hier comme d’aujourd’hui. Avec souvent cette mélancolie qui lui colle à la peau, comme dans « J’ai la vie qui m’pique les yeux » que chantera Benoît Dorémus. « Cette chanson raconte très bien Renaud, estime-t-il. Et aussi la mélancolie. En ça, elle nous parle un peu à tous ».
« Les chansons de Renaud sont intemporelles »
Le premier à monter sur scène est Jef Aérosol, street artiste et chanteur. S’il a illustré « Manhattan-Kaboul », c’est « Triviale Poursuite » qu’il entonne. Une qui n’est pas dans l’expo, mais tellement d’actualité avec ces mots parmi les premiers : « Où est la Palestine ? Sous quelle botte étoilée ? Derrière quels barbelés ? Sous quel champ de ruines ? » « Les chansons de Renaud sont intemporelles, et comme l’histoire se répète, avec ce qui se passe en Ukraine ou à Gaza, difficile de ne pas avoir cette chanson tous les matins dans la tête », souffle de son côté Noé Preszow.
À lui « Morts les enfants », chanson terrible et belle à la fois : « Morts les enfants de la guerre, pour les idées de leurs pères ». Un frisson parcourt l’assistance. Il y en aura quelques-uns ce soir. Sur « Chanson pour Pierrot » que venait d’interpréter Martin Rappeneau, « Morgane de toi » dont Martin Luminet offre une version d’une douceur caressante. Assise à même le sol, Lolita, la fille de Renaud, filme sur son portable tout en chantant les paroles. C’est fou, et touchant, de se dire que cet hymne à l’amour paternel a été écrit pour elle…
De « Mistral Gagnant » à « La ballade nord-irlandaise »
Il y a bien sûr « Mistral Gagnant » que Marion Roch nous transmet avec élégance — « te raconter enfant, qu’il faut aimer la vie, et l’aimer même si le temps est assassin, et emporte avec lui, les rires des enfants… » — ou « Marchand de cailloux » par Clou. L’émotion est palpable. À sa place, Renaud, souvent les yeux dans le vide, articule quelques-unes de ces paroles qu’il a écrites pour dénoncer, raconter, transmette. Dire l’enfance et son innocence parfois trahie par les adultes qui façonnent la réalité et son absurdité.
C’est ce que dit la chanson suivante, « C’est quand qu’on va où ? », dont s’est emparé Gauvain Sers. « C’est l’une de mes préférées, sinon ma préférée de Renaud, nous explique-t-il. C’est un bon résumé de toutes les facettes du personnage, il y a à la fois la tendresse et l’absurdité du monde ». « Tu dis que si les élections, ça changeait vraiment la vie, y’a un bout d’temps, mon colon, qu’voter ça serait interdit », chante-t-il. Un couplet qui provoque quelques applaudissements d’acquiescement dans la salle. D’actualité, encore.
« Merci Renaud d’avoir écrit cette merveille », lance-t-il à l’adresse du chanteur dont il est grand admirateur. « Les enfants sont toujours les premiers sacrifiés dans le monde qui payent les erreurs des adultes », souligne encore Gauvain. « À chacune et à chacun, tu es la bande-son de nos vies », lance de son côté Gaëtan Roussel qui se lance dans « La mère à Titi ». Puis « La ballade nord-irlandaise » qu’offre Coline Rio saisit la salle qui reprend en chœur dans une communion réjouissante.
Un livre disponible en librairie
À chaque morceau, l’œuvre inspirée des mots de Renaud est projetée sur le grand écran. Toutes sont regroupées dans un petit livre qu’on peut trouver en librairie (« Renaud, des mots et des images », 80 pages, 20 euros, Éditions Alternatives) et dont tous les droits d’auteur sont reversés à l’Unicef. Les petits Paul et Brieuc ont chacun le sien qu’ils se dépêchent d’ouvrir pour tenter d’obtenir une dédicace en fin du concert. Ils l’obtiendront et ressortiront des coulisses les yeux brillants. « C’était génial ! », s’enthousiasme le premier qui le tient bien serré contre lui.
Assis à une table, Renaud enchaîne les signatures, ravi de cette soirée qui s’est « divinement » passée, « entouré de mes amis, pour une belle cause, l’Unicef, c’était magnifique ! ». On le trouve presque surpris du spectacle et de combien tous ces titres touchent au cœur. « Je les redécouvre ces chansons avec ces interprétations différentes », souffle-t-il, confiant ressentir « comme un coup de blues… » après ce concert. Comme un retour de flamme mélancolique. Vivement la scène alors ? « Oui ! C’est en octobre ».