Chanson française : beaux coffrets pour immenses répertoires

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Yves Montand 1961 / – Jacques Aubert
l’essentiel
De Ferré à Renaud, de Montand à Mitchell, la période de Noël est propice à l’évocation de superbes carrières, qui donnent des coffrets qui sont autant de cadeaux réjouissants.

L’intégrale de Léo Ferré dévoile son volume 3 avec un coffret de 18 CD consacré aux années 1968-1974, période faste s’il en est dans l’œuvre du libertaire bougon. Le titre choisi, « La solitude », qui est celui d’un album de 1971 réalisé avec le groupe Zoo, reflète l’état d’esprit d’alors d’un homme fracturé, ayant mis fin à 22 ans de mariage. Solitude que Ferré retrouvera d’ailleurs en 1974 sur le plan professionnel quand il quittera la maison de disques Barclay après 15 ans de fructueuse collaboration. Impliqué de près dans l’élaboration de cette intégrale, Mathieu Ferré met en exergue, de sa prose volcanique (tel père, tel fils), deux albums qu’il juge essentiels : « Il n’y a plus rien » (1972) et « L’espoir » (1974), plus, évidemment, un des enregistrements publics que contient le coffret, celui de mars 1971 à la Mutualité, à Paris (avec « Cette blessure », « Poète… vos papiers ! », « Ni dieu ni maître »…et des impros politiques). A l’époque, les concerts de Ferré sont plus que jamais des morceaux de bravoure, une partie de son public n’hésitant pas à le haranguer et lui à les envoyer paître. Autre moment fort : une séance de studio inédite en piano-voix en 1972. Et « Avec le temps », où se place-t-il ? On apprend que cette chanson mythique fut longtemps décalée (« trop triste », disait Barclay) avant de sortir en catimini en 45 tours… et de connaître un tel triomphe qu’elle intégra finalement le volume 2 d’« Amour anarchie » en 1970 (18 CD et livret de 58 pages, Barclay/Panthéon/Universal).

« Travail d’orfèvre »

Une photo de Jeanloup Sieff illustre le coffret « Yves Montand 100e anniversaire ». L’artiste affiche un sourire malicieux sous un chapeau placé de côté. Tout l’homme est là, connu au cinéma pour son fort caractère et ses emportements bourrés de charme et dans la chanson pour son « travail d’orfèvre », sa « méticulosité obsessionnelle », sa « maîtrise du geste », comme le résume Alain Raemackers, qui a conçu et réalisé le projet. 12 CD composent ce coffret chronologique, depuis le tube initial « Les plaines du Far-West » en 1945, jusqu’à « Hollywood », chanson marquante signée David McNeil pour l’album du retour, « Montand d’hier et d’aujourd’hui », en 1980. Evidemment, « Luna-Park », « Battling Joe », « Les enfants qui s’aiment », « Grands boulevards », « La chansonnette » ou « A bicyclette » (et même « Le jazz et la java », de Nougaro) figurent au programme. Mais les surprises sont nombreuses, embusquées entre deux classiques. Et « Les feuilles mortes » ? Entendue dans « Les portes de la nuit », mauvais film de Marcel Carné tourné en 1946, la chanson n’est pas vraiment applaudie quand Montand la chante en concert. Il attendra 1949 pour l’enregistrer… et ce sera l’explosion d’un ultra-standard mondial (12 CD, 298 titres, Mercury/Panthéon/Universal).

Toujours gaillard, Eddy Mitchell, 79 ans, vient de sortir un nouvel album, « Country rock », qui figure parmi ses meilleurs. Et pourtant, la barre était haute vu le palmarès dont il peut s’enorgueillir ! Un coffret, « Acte II » de son intégrale couvre la période 1980-2020, réunissant 18 CD et 1 DVD inédit (Olympia 1980) et vient rappeler à quel point le chanteur a toujours su maintenir un sacré niveau d’exigence, qu’il s’agisse des textes (les siens, impeccables, sur le fil entre émotion et ironie) ou des musiques (la plupart composées par le fidèle Pierre Papadiamandis). Réécouter des albums comme « Happy Birthday », « Le cimetière des éléphants », « Eddy-Paris-Mitchell » ou « Rio Grande » fait un bien fou et rappelle, c’est sûr, bien des souvenirs, dont plusieurs concerts au Zénith de Toulouse jusqu’au clap de fin avec Dutronc et Johnny en juin 2017. Le coffret, complété par un livret de 46 pages, propose nombre de raretés et d’extraits de concerts, le plus souvent enregistrés à l’Olympia (18 CD, 1 DVD, 363 titres, Polydor/Universal).

Des cadeaux, « ta ta ta ! »

Les coffrets consacrés à Renaud sont nombreux. Pour renouveler un peu le genre, sa maison de disques doit donc faire preuve d’un peu d’imagination. Et c’est ainsi que déboule – ta ta ta ! – un « Putain de best of ! » aux larges épaules. Dans sa version « Super Deluxe », il propose trois CD et deux vinyles, les premiers couvrant toute la carrière du zèbre, de 1975 à 2019, d’« Hexagone » à « Toujours debout », les derniers – tout habillés de bleu, le truc supercollector ! – ne démarrant qu’en 1985 avec le bien nommé « Mistral gagnant ». Cela ne suffisant pas à faire un super cadeau, voici en bonus un puzzle, un jeu de dominos, une affiche, etc., le tout dessiné par Gérard Lo Monaco (Parlophone/Warner).

Jean-Marc Le Scouarnec
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Source : La Dépêche