Par Yannick Delneste
Sur la scène du Pin Galant de Mérignac et accompagné d’une formation idéale et d’arrangements somptueux, le chanteur de « Manu » fait à nouveau frissonner en revisitant son répertoire
« Oui j’aime le foot, mais quand Renaud passe, qu’est-ce que voulez que ça me foute ? » Même les fans riment dans les travées du Pin Galant qui se remplissent ce mardi 14 février. La Saint-Valentin de la chanson, c’est ici. Céline a amené son mari : « Il n’a pas eu trop le choix. Renaud, c’est mon premier concert, j’avais 15 ans. » Quarante ans plus tard, ce sont les retrouvailles avec la chetron sauvage, le chanteur énervant, aux plaies dépressives et bosses alcooliques depuis vingt ans.
Les bandanas rouges fleurissent. « Il fait partie de ma vie, il a eu des galères comme nous tous, et on lâche pas les amis », assène Christian, la soixantaine et le regard qui ne souffre pas, sur le sujet, la plus petite contradiction. On serre les dents, partagé depuis un bail entre joie de le retrouver et crainte que cela soit la fois de trop. En une heure et demie, Renaud va rassurer, réchauffer, se rassurer, se réchauffer à ce public à la ferveur populaire et solidaire qui n’avait d’égale que celle de celui de Johnny.
Trac
Son profil de « Métèque » (dernier album de reprises en date) disparaît avec le rideau qui s’ouvre sur huit musiciennes de deux quatuors à cordes, un accordéoniste, et le pianiste-compagnon de longue date, Alain Lanty. Et Renaud, une fesse sur une chaise, veste noire sur marinière rouge et blanc. On se crispe au « savonnage » dès le premier couplet de « Cent ans » qui ouvre la soirée. Ce sera le seul. « J’ai le trac, c’est le début de la tournée », plaide-t-il, pardonné dans la seconde.
La voix, douloureuse pour tous lors de la dernière tournée, charrie de la rocaille, fragile et caverneuse… mais a meilleure allure
« Le petit chat est mort » ouvre la série de titres issus de « À la belle de mai » (1995), l’album d’avant la première chute et toujours son plus beau. « C’est quand qu’on va où ? », « Mon amoureux », la merveille antimilitariste « Médaille » suivront avant « Son bleu », autre joyau qu’il enchaîne avec « Mistral gagnant ». La voix, douloureuse pour tous lors de la dernière tournée, charrie de la rocaille, fragile et caverneuse… mais a meilleure allure. Elle est aussi et surtout portée par des arrangements somptueux : les cordes l’enveloppent et la soulèvent, le piano l’apaise, l’accordéon la fait danser sur « Germaine ».
« Cœur perdu » pour Cerise
Le soutien et l’amour des 1 400 spectateurs sont le meilleur dopant. Renaud exhume « Adieu Minette » du deuxième album en 1977, son bouleversant « Manu » de 1981 mais aussi la pépite « Rouge-gorge », hommage à Doisneau sur l’album « Putain d’camion ». Les pas du chanteur sont comptés, la gestuelle économe mais il n’a jamais gambadé, le gars, alors on s’en fout. On regarde nos poils qui se dressent sur « En cloque », beugle avec lui sur « 500 connards sur la ligne de départ » et « Morgane de toi », chuchote sur « Tant qu’il y aura des ombres » ou « Cœur perdu » que Renaud dédie à Cerise, sa nouvelle amoureuse.
« Tuez vos dieux à tout jamais/Sous aucune croix l’amour ne se plaît » : la ballade nord-irlandaise termine un retour risqué mais franchement réussi. « Qu’est-ce que je te disais ? », tonne Christian, lumière rallumée.
En concert encore ce 15 février (complet) et le vendredi 6 octobre 2023. www.box.fr