Comme un p’tit coquelicot…

Le Parisien

Lundi 10 octobre 1988


PARIS GUIDE


MONTPELLIER, première étape de la saga Séchan. Le père de Renaud y naît dans les années vingt. Montpellier : Renaud en concert. Dernière étape avant l’autre Zénith, celui de Paris, celui d’un retour qui crée l’événement.

Assis sur un banc, auprès de son arbre (une sorte de platane-séquoia géant où sont juchés ses musiciens et trois choristes mâles capés façon vampires) Renaud chante d’abord qu’il a cent ans. Malgré le Lewis beige et la Perfecto noir, il a bien le discours d’un philosophe millénaire : « Et je regarde mes contemporains, c’est dire si je contemple rien. » Cette première chanson raconte d’ancestrales aigreurs, celles de l’auteur d’« Hexagone » et du papa de « Gérard Lambert ». Pourtant, sous les éclairages du maître Rouveyrollis, on y sent déjà poindre, plus pure et spontanée que jamais, la constance majeure de son être : la tendresse.

« Qu’est-ce qu’il faut pas chanter comme conneries affligeantes pour espérer entrer un jour au Top 50 », enchaîne-t-il sous les vivats d’une foule déjà acquise, en manque de lui, guettant ses sorties verbales pour s’armer contre le mal-être et ses métaphores caressantes pour en panser les plaies.

On comprend vite qu’elle ne sera pas déçue. Mûri, reposé, épanoui, Renaud a pris du recul sur sa pudeur, sacrifie un peu de sa hargne au profit d’une désinvolture irradiante. Et, de même que ses mots affichent la maturité de ses doutes (« comment veux-tu que je sois d’accord avec toi… J’ai déjà du mal à être d’accord avec moi », de même, ses musiques font enfin la synthèse parfaite entre les sons du jour et les mélodies de toujours.

Alors on rit, on pleure, on le suit où il veut… brocardant les socialistes, jouant au Bobby Lapointe sur les autos tampons, « brocardant » dans les étoiles « Chez la mère à titi », pourfendant les fachos et questionnant sans cesse les injustices du monde.

On lui octroie aussi le trône laissé vacant par cet ami qu’un « putain de camion » lui a enlevé et auquel il rend hommage dans un cham de coquelicots.

Comme Coluche, c’est à blanc qu’il tire sur tout ce qui est noir. Comme Coluche, c’est le coquelicot des poètes qui colore de rouge la place où bas son cœur…

Alain MOREL

  Zénith : à partir du 11 octobre, à 20 h 30. Tél. 42.45.44.44

  

Source : Le Parisien