En direct du collège Henri-Matisse

Charlie Hebdo

N° 1234, 16 mars 2016

Comme le raconte mon ami Jean-François Bernardini (leader du groupe I Muvrini) :

« Un journaliste demande un jour à un môme de 5-6 ans…

– Alors ? Elle est bien, ta nouvelle école? Il y a beaucoup d’étrangers dans ta classe ?

– Non, il n’y en a pas du tout. Il n’y a que des enfants. »

Jolie, non ?

Hier, je suis allé dans une école, le collège Henri-Matisse, dans le XXe arrondissement, porte de Montreuil plus précisément. Attendu que je leur avais envoyé de mes petits sous une somme rondelette pour financer l’achat d’arbres, de plantes et de clôtures, j’y avais été invité à l’initiative de la proviseure, dirigeante de l’association Veni Verdi, qui milite pour les abeilles, les légumes oubliés (ou interdits par Monsanto), les salades, les radis, concombres et autres courgettes et aubergines. Elle a une bonne douzaine de ruches sur le toit de son collège et produit son miel et sa propolis. La terrasse de son collège est jonchée de plants de tomates, d’herbes aromatiques, de lilas, de chèvrefeuille ou de champignons. Une merveille de jardin bio au cœur de Paris, aux portes de la banlieue. Bon, on est en hiver, ça ne pousse ni ne fleurit encore, mais ça donne déjà de bien jolis bourgeons vert tendre comme les yeux d’une belle que je connais et qui se reconnaîtra. Nous fûmes accueillis, mon pote Bloodi (pour tout dire, mon assistant) et moi, par une belle plaque en marbre et bronze où sont inscrits ces mots : « À tous les enfants du XXe arrondissement nés juifs, déportés vers les camps de la mort puis assassinés par les nazis avec la collaboration du régime de Vichy. Nombre d’entre eux fréquentaient ce collège ».

Après avoir salué le petit comité d’élèves et d’enseignants qui nous accueillaient (une petite dizaine), nous sommes montés au quatrième visiter, admirer ce jardin extraordinaire… Belle émotion, beau voyage écolo-romantique en ce lieu fréquenté, hélas, par moult pigeons, merles et corneilles qui viennent un peu trop souvent picorer graines et fruits dans ce verger conçu par les enfants, pour eux.

Puis j’ai eu le loisir de rencontrer à la cantoche de l’établissement une vingtaine d’élèves de 10-11 ans, en permanence because les vacances scolaires, c’est pas trop pour eux, de parents chômeurs, désargentés ou incapables de les garder à la maison, travailleurs qu’ils sont, j’imagine, aussi…. J’ai eu le droit aux photos, aux selfies (nouveau mot en vogue chez les ados et même les grands, mot dont j’ignorais le sens il y a encore un mois). Séance de dédicaces aussi pendant laquelle un môme genre black ou métis mais surtout enfant est venu trouver mon pote Bloodi :

« Salut, t’es son garde du corps, à Renaud ?

– Non, je suis juste un pote à lui, un ami…

– Vous êtes venus en limousine ? demande encore le gosse.

– Ben, non, on est venu en taxi.

– Et vous marchez comme ça, dans la rue, sans rien pour vous escorter ou vous protéger ?

– Ben, ouais, a conclu le Bloodi. »

En gros, le môme voulait savoir si il y avait beaucoup de chanteurs qui fonctionnaient comme ça, moi je lui est répondu que, non, il n’y en a pas du tout, qu’il n’y a que les enfants, mais j’aime pas piquer les vannes mignonnes et rigolotes à mes potes corses…

Merci, madame la proviseure, merci encore pour les champignons pieds-de-loup que vous nous avez offerts en partant, avec les radis et la salade, on va se faire un bon petit gueuleton ce soir. Merci aussi, Sandrine et Émilie jolie, vous avez illuminé ma journée aux couleurs de l’enfance.

Renaud

Source : Charlie Hebdo