Entre romantisme et révolte, la bande sonore de Mai 68
Il y a dix ans, pour le quarantième anniversaire de Mai 68, une dizaine de compilations sont revenues en chansons sur les événements qui ont paralysé la France. Dix ans plus tard, la source s’est tarie mais les airs qui ont accompagné la révolte sociale demeurent. Même si tous ces titres reflètent à vrai dire toujours moins la réalité que le fantasme de ce qu’aurait pu être la bande-son de l’érection des barricades et des défilés étudiants.
Mai 68 a en fait surtout inspiré les chanteurs après les événements: du « Street Fighting Man » des Rolling Stones, en passant par « Paris mai » de Claude Nougaro ou « Revolution » des Beatles. Davantage constats que mots d’ordres, ces chansons font écho des mois plus tard aux mouvements de révolte.
Une révolte qui, en 1968, gronde par contre dans les mots de Renaud, alors étudiant anonyme, dans un « Crève salope » qui fustige l’autorité: « Je v’nais de manifester au Quartier/ J’arrive chez moi fatigué, épuisé/ Mon père me dit : Bonsoir fiston comment qu’ça va ? J’lui réponds : Ta gueule sale con, ça t’regarde pas! Et j’ui ai dit: Crève salope! ». Alors que Dominique Grange, dans un élan tout aussi spontané, se fend d’un « A bas l’état policier » qui fait grand bruit.
Les chansons sur les ondes en 1968
Lorsqu’éclate la révolte, ce sont des titres romantiques (« Comment te dire adieu » de Françoise Hardy) et légers (« Siffler sur la colline » de Joe Dassin) qui trustent alors plutôt les ondes de la radio française.
A l’instar d’un autre tube du nouveau venu Jacques Dutronc, « Il est cinq heures, Paris s’éveille », qui décrit Paris et ses ouvriers déprimés un lendemain de fête. Les paroles de Jacques Lanzmann se voient par contre détournées et récupérées par Jacques Le Glou, un producteur de cinéma engagé, pour investir le pavé et les barricades sous une nouvelle forme où l’on chante désormais: « Les 403 sont renversées/ La grève sauvage est générale/ Les ports finissent de brûler/ Les enragés ouvrent le bal/(…)/ Le vieux monde va disparaître/ Après Paris le monde entier/ Les ouvriers sans dieux, sans maîtres/ Autogestionnent la cité ».
Le titre désenchanté de Dutronc résonne toutefois en parallèle de celui du jeune Michel Delpech, « Inventaire 66 », qui souligne la lassitude d’une génération et se plaint à la fin de chaque couplet: « Et toujours le même président » (de Gaulle). Tandis qu’Antoine, dans ses « Elucubrations », chante la rébellion de la jeunesse et sa soif de changement: « Mettez la pilule en vente dans les Monoprix ».
La postérité de Mai 68 en chansons
Si ces nouvelles voix de la chanson annoncent la contestation à venir, les grands auteurs-interprètes se saisissent quant à eux de Mai 68 a posteriori. Ainsi de Claude Nougaro, qui sort à l’automne « Paris mai », de Léo Ferré qui publie « L’été 68 » l’année suivante, de Jean Ferrat qui interroge « Au Printemps de quoi rêvais-tu? » dans « Ma France (1969) ou de George Moustaki chantant « Le temps de vivre » dans « Le métèque » (1969). Quant à Georges Brassens, il attendra 1976 pour évoquer Mai 68 dans « Boulevard du temps qui passe ».
Au fil des ans, d’autres artistes reviendront avec nostalgie sur les évènements. Ainsi d’Hubert-Félix Thiéfaine avec « 22 mai » (1978), Gilbert Bécaud avec « Mai 68 » (1980) ou encore Pierre Bachelet avec « Vingt ans » (1990).
Tandis que côté anglo-saxon, les Rolling Stones, alors en studio pour l’enregistrement de l’album « Beggar’s Banquet », sont marqués par les violences à Paris, mais aussi par l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril, et écrivent « Street Fighting Man » qu’ils sortent en août.
Olivier Horner
Option Musique consacre, du 23 avril au 4 mai à 11h15, une capsule quotidienne à la bande sonore de Mai 68. Toutes les capsules peuvent être retrouvées sur Play RTS.
Publié lundi le 23 avril 2018 à 05:37 – modifié jeudi à 11:09
Source : RTS