N° 68, 13 octobre 1993
Le basket-ball est le sport le plus sportif du monde. Il fut inventé par un mec très grand, à Limoges, en l’an 11 pendant Jésus-Christ, et s’appelait à l’origine le « trou d’ball », le jeu consistant, à l’époque, à mettre la baballe dans un trou-trou, un peu comme aujourd’hui, sauf qu’on n’avait pas encore ajouté le filet-bas résille autour du trou en question pour le rendre plus bandant.
Le basket-ball fut de tous temps un sport réservé à une élite : celle des grands cons de plus de 2 m. Le jeu présenterait strictement le même manque absolu d’intérêt s’il avait été conçu par un con normal, disons de 1,70 m, et le trou-trou placé plus bas, mais c’eût été laisser la porte ouverte aux tricheurs qui en eussent profité pour engager dans leurs équipes des joueurs géants afin de niquer les plus petits. C’est pourquoi l’on fixa la barre le plus haut possible (le filet culmine à 2,90 m) afin de pallier ces exagérations, mais en privant du même coup 99,9 % de la population mondiale des joies que procure la pratique de ce sport, sans parler des Pygmées.
Le basket-ball se pratique sur un parquet, un peu comme la danse classique, mais la ressemblance s’arrête là. Deux équipes de cinq joueurs s’affrontent, ce qui, à 2,20 m de moyenne par joueur, représente la hauteur d’un immeuble de huit étages. Les quatre premiers étages doivent aller en courant jeter la baballe dans le trou-trou des étages adverses et réciproquement. On n’a pas le droit de toucher la baballe avec le trottoir sinon on est puni, pas le droit non plus de déstabiliser son adversaire en l’étranglant avec une corde à piano, comme dans la plupart des sports, d’ailleurs. Comme vous le voyez, les règles sont d’une simplicité enfantine et le vainqueur est celui qui a 97 ou quelque chose comme ça. Parfois, pendant le jeu, les arbitres autorisent des « temps morts », les joueurs en profitent alors pour montrer à la caméra de FR3 la boisson gazeuse qui les sponsorise, tandis que les entraîneurs, juchés sur des escabeaux, leur prodiguent à l’oreille de précieuses directives dont la plus courante reste : « Tenez bon, les mecs, on va se les manger, ces enculés ! »
Le basket-ball fut décrété discipline olympique aux Jeux de Berlin en 1936. Cette année-là, la médaille d’or fut remportée par les États-Unis devant l’Amérique suivie de près par les USA. Hitler refusa de serrer la main des vainqueurs, et les Noirs, pardon, les joueurs, s’en furent, dépités, murmurant : « Cet homme n’aime pas les grands… »
Malgré cet incident, le basket-ball continua à se développer jusqu’à devenir chez ces enculés d’Améri chez nos amis d’outre-Atlantique le sport numéro un, très très loin devant le football. Le nombre de buts marqués durant chaque match n’étant pas étranger à l’engouement provoqué auprès des bœufs. Ainsi, alors qu’au football le score est souvent de 3, au basket on peut en atteindre des qui sont « fleuves ». Nul, en effet, n’a oublié ce fameux match Harlem Globe-Trotters – Neuilly-sur-Seine qui vit, en 1965, la victoire des premiers sur les seconds par 4 576 à 2.
Aujourd’hui, le basket-ball se développe aussi très fort dans nos banlieues, où une petite main au panier n’a jamais fait de mal à personne. Jeunes blacks et jeunes beurs voient, en effet, dans le basket, à travers l’exemple magistral de leur idole Michael Jordan, la preuve qu’on peut chausser du 67 à la naissance et n’en finir pas moins milliardaire. Les municipalités, conscientes que ce sport peut permettre aux jeunes de sortir de la spirale infernale « chômage-drogue-violence », multiplient les terrains de basket un peu comme elles multiplieraient les pâtisseries tunisiennes si elles pensaient que la consommation de loukoums dissuade de faire la révolution.
En France, question basket-ball, on n’est quand même pas terribles mais, comme disait l’autre enflure, l’essentiel est de participer
Source : Chroniques de Renaud parues dans Charlie Hebdo (et celles qu’on a oubliées)