16 octobre 2004
La saga du journal TANT PIS POUR VOUS continue
Par Grégory Protche
Une fois de plus, nous donnons la parole à Grégory Protche, co-rédac chef avec Karim Boukercha du journal Tant Pis pour vous (diffusion nationale en kiosque au prix de 3,50 euros).
Une manière de faire le point avant la sortie imminente du numéro 4 (première semaine de novembre). Pour l’heure, toujours en kiosque, le numéro 3 : retour sur un journal qui progresse à sa façon, avec sa démarche chaloupée qui doit autant à Tony Montana qu’à Jean Lefebvre. Dans la pénombre médiatique actuelle, nous avons besoin de canards comme celui-ci ! Alors, encore une fois, bienvenue à TPPV.
Bien sûr, il y a deux ou trois autres sujets, portraits, opinions, critiques, etc., dans le numéro 3 de TANT PIS POUR VOUS (voir sommaire, ci-dessous).
Mais enfin, faut bien avouer que le chorégraphe de la Star Académie et la question posée en une auront a priori plus retenu l’attention…
Où en sommes-nous ?
4000 exemplaires du numéro 1 vendus.
2500 du numéro 2.
Baisse logique, dit-on. Mais pas hémorragique.
Donc, pas de plainte.
Procès Renaud ? En cours. On a profité d’un droit de réponse qu’il a publié dans le Nouvel Obs, courant juillet, dans lequel il nous insultait :
« Cher Nouvel Obs,
Vous ironisez sur l’action en justice que j’intente contre le torchon « Tant pis pour vous » pour « insultes publiques à particulier ». Outre l’habituel procès consistant à me faire passer pour un rebelle qui n’hésite pas à faire appel à la justice lorsque ses intérêts personnels sont en jeu, alors que, si « rebelle » je suis, je ne vois rien de paradoxal à être par ailleurs épris de justice, vous n’hésitez pas à m’accuser de porter atteinte à la liberté de la presse, accusation que je ne saurais tolérer. J’espère de tout mon coeur que la justice, à laquelle je fais appel pour la première fois en trente ans, me donnera raison et que les 15 000 euros que je réclame à l’auteur de l’article me seront attribués. Sachez qu’ils seront immédiatement reversés à l’association Orphelinat mutualiste de la Police nationale que je soutiens financièrement. Je vous rappelle que « Tant pis pour vous » m’a traité de « répugnant, sale, réac blasé, raciste, suceur de prolos », j’en passe et des meilleures. Je me demande quelle réponse apporter à de tels propos qui portent atteinte à ma dignité et à mon honneur et me contre-fous de porter atteinte au portefeuille de ces écrivaillons haineux qui m’ont insulté de manière diffamante comme aucun brûlot de la presse d’extrême droite ne se l’est jamais permis. Bien à vous…
RENAUD »
(Droit de réponse de RENAUD à la suite de l’article de Bernard Loupias concernant le procès intenté au journal TANT PIS POUR VOUS in Nouvel Obs, juillet 2004)
…pour, à notre tour, utiliser le droit de réponse, vu qu’il nous incriminait nominalement :
Cher Nouvel Obs,
Vous avez publié une lettre de Renaud dans laquelle il insultait le journal Tant Pis Pour Vous (« torchon »). À vous, un droit de réponse. À nous, une assignation (pour injures). Il a mal pris mon article (in Tant Pis Pour Vous n°1), qui avait le mauvais goût de trouver rentable une dépression utilement mise en avant. J’ai donc réussi à tirer de sa torpeur tropézienne l’ex-chanteur énervé et énervant désormais fatigué et fatigant. Procès, donc. D’où un papier de Loupias chez vous, puis la réponse de Renaud. Euh, précision, Renaud ne nous demande pas un euro symbolique, mais 15 000 euros… Aurait-il voulu tuer un journal associatif (nous vivons toujours, numéro 3, consacré aux Arabes en France, en kiosques actuellement). J’ai l’honneur d’être le premier journaliste qu’il poursuit (à part, bien sûr, pour obtenir d’eux des articles !). Plus troublant, Renaud compte reverser les 15 000 euros à l’orphelinat mutualiste de la police… (lui qui « crachait » dans « leurs calots »). Question : pour un chanteur de gauche, n’eût-il pas été plus judicieux, de reverser cette somme à des victimes des bavures policières ? Mais je ne suis pas Renaud. La preuve, j’écris. Je n’assigne pas.
Grégory Protche
Co-rédacteur en chef de TANT PIS POUR VOUS
(droit de réponse au droit de réponse de Renaud, in Nouvel Obs, le 7 octobre 2004)
En vrai, c’est pas tant pour lui répondre que pour s’assurer un peu de pub pour le numéro 3 dans un hebdo à gros tirage.
À part ça ?
Vu qu’en termes de promo, pour le 2, comme des gros fainéants, on n’avait pas foutu grand chose, pour le 3 on s’est décidé à se remuer un peu le cul. Tracts, petites affiches…rédaction de textes de présentations mis en ligne par divers sites…
Un COUP marrant : 577 exemplaires, accompagnés d’une lettre, dûment mis sous enveloppes et déposés à l’attention des députés à l’Assemblée Nationale. Résultat : les députés de droite sont plus polis que les députés de gauche. Les seuls à avoir, au minimum, accuser réception d’une lettre type, et, au maximum, d’un mot disons d’encouragement et de remerciement.
Autre coup : profitant de la première projection du nouveau film de Pierre Carles, Ni Vieux, Ni Traîtres – consacré aux anciens de la mouvance d’extrême gauche, proches d’Action Directe, etc., et à leurs évolutions -, à Paris, nous distribuons gratuitement les exemplaires restant du numéro 2. Collé sur chaque exemplaire, un stickers représentant la couverture du numéro 3. « Si vous aimez le 2, vous irez acheter le 3, qui est en kiosques jusqu’à la fin du mois d’octobre. » Jolis moments : entrer dans la salle pleine d’un millier de personnes, et contempler ces rangs entiers en train de feuilleter TANT PIS POUR VOUS ; à la fin, au sol, des dizaines d’exemplaires, oubliés, abandonnés exprès…
Au même moment, sur Canal Plus, dans l’émission de Denisot, on montre la couverture du 3.
Comme d’hab’ : on ne se voit pas. La Télé Française Juive a diffusé huit fois l’interview de Karim et moi. On a beau passer notre vie devant la télé, on n’a jamais réussi à se voir. Ça doit avoir un sens, de ne jamais réussir à se voir, de ne jamais pouvoir succomber aux délices de l’autosatisfaction narcissique. Mais lequel ?
Voilà.
Alors, pour ultimement relancer les dernières possibilités de vente en kiosques du numéro 3, au lieu de recaser un texte de présentation déjà mis en ligne ailleurs, et, aussi, dans l’incapacité d’en pondre un autre (on va pas commencer à pipauter), voici le texte écrit par Karim Boukercha à propos de Kamel Ouali, le chorégraphe de la star académie. Plus, donc, le sommaire. Merci.
Kamel Ouali est un mec normal…
Une fois n’est pas coutume, On justifie le choix de la trogne célèbre mise en couv’. C’est vrai aussi que, pour une fois, on l’a pas mise en une, cette trogne, juste pour appâter et racoler. Pour une fois, elle est raccord. Et avec le contenu, et avec les ambitions de ce numéro. Et puis, qui sait, ça nous permettra peut-être de rajeunir notre lectorat, tout en le féminisant !
Je n’ai pas d’affection particulière pour Kamel Ouali, ni de haine d’ailleurs, je ne sais même pas si Kamel Ouali danse bien, car je n’y connais rien à la danse. Je vois juste que, Kamel Ouali a un nom et un prénom, là où Smaïn n’avait qu’un prénom. Qu’il se retrouve régulièrement souriant en prime time d’une émission populaire où il n’a rien à vendre, qu’il plaît autant aux minettes qu’aux mamans, et que pour l’instant il a toujours la bonne idée de ne militer qu’en étant souriant. Kamel Ouali est donc un être humain à la télé avant d’être un Arabe, Kamel Ouali est donc normal. Et pour le coup, en devient vraiment intéressant, brisant sans rien casser, l’image de l’Arabe, souvent condamné à faire le comique, le porte-drapeau, le bon en foot, le rappeur ou celui qui, à coup de lourdes phrases d’exposé de quatrième, se plaint en boucle, de ce qu’on a fait à ses parents pendant la guerre d’Algérie…
Alors oui, la guerre d’Algérie, les problèmes sociaux, le foot, c’est important, mais moins important, aujourd’hui, que d’avoir des nuls, des gentils, des mielleux, des libidineux, des petits gros, des érudits, des femmes, des garces, des cons, des ambitieux à gerber, des brillants, de toutes les communautés représentées. Pour enfin se dire, voir et constater au quotidien, que l’Arabe, comme le reste du monde, est capable du meilleur comme du pire, en revenir donc à être normal, et fatalement être accepté. Voilà donc comment paraître sympa et bon vivant, dans une émission assez merdique mais très regardée, peut faire quelque part beaucoup plus pour l’intégration ici, que douze nuits interminable spécial Algérie sur Arte, 19 albums de rap conscient, 180 vannes plus ou moins marrantes, et deux buts lors de la finale de coupe du monde. Tout simplement parce que le « normal », pour ce coup-ci, sort de tous les clichés, échappe à toute connotation, n’a pas le défaut d’identification que peuvent avoir le talentueux ou le prodige (car forcement pas donné au plus grand monde), et donc semble déjà mille fois plus accessible. Kamel Ouali, et ce qu’il représente indirectement, déjoue toute tentative raciste, par sa normalité, et moi je trouve ça bien et sain, qu’il soit accepté, aimé, sans faire de vague et rien prêcher… Comme je trouverais ça bien qu’on relativise le racisme à un trait de caractère, permettant ainsi de lui donner moins d’importance. Pour moi, le raciste lambda, c’est comme le vieux à l’arrêt du bus, de base il t’aime jamais et te regarde de travers, puis quand tu te mets à lui parler et à sympathiser, il se dit toujours « Oui, mais toi t’es pas comme les autres », alors que t’es juste pas comme les autres parce que tu lui as parlé. Le raciste lambda n’est pas raciste contre les Arabes ou les noirs, mais contre l’image qu’il a de certains noirs et certains Arabes. Le raciste lambda est l’allié du musulman, il pousse à ne pas sombrer dans la haine devant l’épreuve, à être bon et droit, à réfléchir… Permet de se construire en opposition à quelque chose. En clair, pour être utile, le raciste doit servir à l’étranger, pour que tout le monde y trouve son compte. Banaliser le racisme, et le rendre « utile », c’est le début d’une vraie intégration, qui laissera la place à quelque chose de plus divertissant mais nettement moins arrangeant pour les puissants, de quelques origines qu’ils soient, le racisme de classe sociale. Banaliser le racisme, jusqu’à ne plus y faire attention, c’est tout de suite lui enlever de son intérêt, éviter de perdre du temps dans des débats de toute façon infondée, où le grand gagnant est souvent l’ego et la mauvaise foi. Parler à un raciste comme si il ne l’était pas, c’est oublier les différences, et je vous assure que c’est une façon mille fois plus productive que de lui cracher votre haine (pas infondée, mais pas non plus plus intelligente) du raciste à la gueule…
Moi qui n’ai jamais milité pour tout ce qui va dans ce sens, je peux alors dire fièrement avoir converti à l’amour du mec normal : au moins cinq vieux dans le bus, quatre mecs qui jouaient au foot avec moi, trois patrons pour qui je travaillais, un propriétaire d’appartement, un beau père de pote, un videur de boîte de nuit, un Antillais, deux ou trois de mes voisins, sans jamais sucer personne. Juste en étant moi-même et oublier de leur rendre la pareille. Alors je finirais ce texte, en disant aux gendarmes de La Baule, qui m’ont insulté par haine du Parisien basané, au patron de bar qui refusait de me recevoir, au videur de la boîte péniche pour la soirée de fin d’année de mon école, qui m’a dit « T’es pas de l’école toi ? », et quelques autres : Messieurs, vous ne m’avez jamais faire perdre de temps, toujours donné de l’énergie, et de l’ambition, pas réussi à me faire devenir mauvais et aigri… C’est moi qui ait gagné…
SOMMAIRE TPPV 3
Septembre/Octobre 2004
p.1 : la couv’
p.2 : les deux éditos + l’ours + les cadeaux d’abonnement
p.3 : la nécrospirituelle de Philippe Person, qui réhabilite Pierre Poujade, contre les Winock et consorts… + les légendaires En Vrac (aka derniers scuds)
pp.4-5 : Itw Jean-Marc Mormeck, le grand boxeur que la France attendait, mais que les Acariès ont réussi à interdire de télé en France…
pp.6-7 : Dans Ma Télé : Mano est entré dans sa télé, dans le public du « Vrai Journal » de Karl Zéro même que c’était… marrant (illustré par Bibi Seck depuis Denver). + les Carnets d’un veilleur de nuits.
pp.8-9 : « 3 filles, 1 fille », cette fois-ci, nos trois meufs pas journalistes sont allés tchatcher avec une Road-Manager + itw-portrait de la bien belle yougo Zivanovic (se fait pas chier Person !)
pp.10-11 : « J’emmerde l’antiracisme », par G. Protche, pour qui le racisme n’est pas un sujet assez sérieux pour que les immigrés s’y intéressent… + une relecture du fameux « Arabicides », de Fausto Giudice
pp.12-13 : « Pour une fois, ils parlent » Dix Arabes de France passés à la question… Pour une fois, ils parlent, mais d’eux -même. Pour une fois, aussi, ils ne sont pas jeunes à casquette débiles, barbus illégitimes ou nanas ayant tourné… juste des Arabes comme vous en connaissez tous, pas des comme à la télé, donc.
pp.14-15 : Itw Oumma.com, le site muslim controversé, pour voir, après la Télévision Française Juive et Act Up, si le communautarisme qui embrase le pays soi-disant est bel et bien là, si on peut en discuter, et s’il est compatible avec la République.
p.16 : « Kamel Ouali est un mec normal », par Karim Boukercha. Ou comment démontrer que Kamel Ouali, via la Star Académie et les spectacles qu’il met en scène, sa joie de vivre, son non-militantisme benêt et sa réussite, a peut-être bien plus fait pour l’intégration que tous les antiracistes réunis !
p.17 : « La colère de Footrix », par Jérôme Reijasse. Illustrée par Popay. Apologie de Raymond Domenech, par un supporter des Bleus qu’en avait marre de se faire chambrer par le reste de l’équipe.
pp.18-19 : Itw Costes. Scato, hardcore, performeur, scandale sur pattes (7 ans que la Licra et l’UEJF lui courent au cul, alors qu’ils savent que rien ne tient dans leurs accusations), auteur (lisez dans Cancer son compte-rendu du tournage d’Irréversible), scénariste, réalisateur, chanteur-instrumentiste-bruitiste… + un texte de sa pote, Darline Monfort, sur elle, lui, leur jeunesse…
p.20 : 1° volet d’une grande enquête sur Marseille et le projet Euro-Méditerranée, par Pierre Pucho + 1 point de vue de journaliste belge sur la presse belge, à travers son allégeance à la presse française et deux affaires : Dieudonné et le RER D.
p.21 : « Saint-Just, évidemment », par François Devoucoux du Buysson. Prophétique apologie de l’archange de la Révolution (idole de Vergès, Bauer, etc)… l’homme qui (comme Raffarin), fut aux affaires seulement 2 ans…et fit pourtant tant pour la France, la Révolution et les jeunes gens de tous les siècles à venir.
pp.22-23 : « Pour l’amour de l’art », ITW de Claudine Bartel, organiste au Sacré-Cœur. Auto-définie ainsi (dans l’ordre) : catholique, femme et organiste par conviction religieuse. Un phénomène ! + 3 questions posées à la romancière Nora Hamdi.
pp.24-25 : « Les 10 Commandements de la SNCF (Soi-disant Nouvelle Chanson Française) », par Philippe Person, illustrés par Placid. Si vous aimez bien Biolay, Bruni, etc., cette page est pour vous ! ! !
pp.26-27 : « Si j’étais pédophile », par Michel Théodon. Plus la peine d’aller se faire chier à Manille ou à Bangkok, le paradis du pédophile est à Roland Garros. Illustré par Barto. + Hommage à Jean Lefebvre, en toute absence d’ironie + post-colonialisme (ça sent la demande de certif’ d’hébergement, on enverra aux courageux qui signaient jadis les pétitions contre Debré)
pp.28-29 : Livres : Sartre, Kellman, Vital, Agrati, Mano…
pp.30-31 : « Le Refusé » (une photo de Sylvie Biscioni) + « La parole est à la rue » + Lettre à Patrick Besson, par G.Protche + « Patrice aime les gens » + « Uda & les stars » (Gérard Lanvin).
Allez, juste pour rigoler un peu et vous allécher (peut-être) davantage, vlà aussi la lettre à Patrick Besson… sans les dernières coupes liées à l’espace restant au moment du départ à l’impression (un inédit quoi ! ! !).
LETTRE À PATRICK BESSON
Il va sans dire que si, dans une des quatre chroniques qu’il tient dans quatre importants hebdomadaires, Patrick Besson avait salué la naissance de TANT PIS POUR VOUS, je ne lui aurais jamais écrit cette lettre.
Il y a longtemps, Patrick, que tu es là. Et longtemps tu fus indispensable. Ce n’est plus le cas. Grand méchant mou inutile, tu ne nous sers plus à rien, parce que tu ne sers plus à rien tout court. Reste, à te lire, ici ou là, un bout de fierté. Aliéné comme je suis, voir une Sophie Marceau, un Passi ou un Montreuillois comme toi nager dans le blé me réconforte comme une revanche. Toujours ça que les fils de auront pas. M’aide à comprendre ces noires qui veulent à tout prix que Mariah Carey ait du sang noir, pour, virtuellement, partager un peu de sa gloriole – sans ses dollars.
Héros de Simenon, Patrick, tu avais « passé la ligne ». Un bout de banlieue était entré avec toi dans ce pays où les femmes sont sophistiquées, connues, riches ou filles de riches. Où on ne les baise pas avec un paquet de pépito ou une bouteille de coca. Où les puissants s’affranchissent des lois qu’ils font voter. Où les mecs sont un peu tapettes, repus, en quête de sensations fortes à même de faire le cul de leur neurasthénie congénitale de blackbass – ce poisson créé génétiquement sans satiété, condamné à toujours manger, donc à toujours grossir. Je n’étais pas seul à me réjouir de te voir publier chaque mois un livre bâclé, chaque fois mieux payé. Les trognes de ces enculés d’éditeurs, te signant des chèques. À toi tout seul tu as partiellement réussi à niquer la valeur symbolique de l’objet-livre, cette espèce de demi-Dieu devant lequel les prolos se prosternent, complexés comme des rappeurs devant le blanc qui parle bien.
Et tes articles ! En 1986, dans l’Huma, avec « Hafid et Mohamed », déjà tu disais toute la saloperie d’SOS Racisme. Arnaud Spire, qu’est-ce que tu lui mettais ! Tout ça parce qu’il avait manqué de respect à Genet. Et ce vengeur texte dans la gueule du gros Raphael Sorin. T’en avais des couilles, à l’époque. Grosses comme ton ventre aujourd’hui. Le plus beau, c’est que tu écrivais ces articles parfaits, inacceptables et réjouissants, en étant le petit romancier d’avenir, l’espoir des lettres, le couronné à 17 ans, petit Tadzio de mauvais goût, de grande culture et de sale esprit. Tu réussis même des hold-up – qui rendirent, je peux bien te le dire maintenant, Nabe si jaloux de toi -, comme la novellisation de « La Boum », la séduction d’actrices (Nicole C., Isabelle A). Le bien que tu nous faisais, Patrick, quand t’étais un type bien.
Le sommet de ta carrière de descendeur, de Stenmark de la critique, c’est dans l’Idiot International que tu l’as atteint. Ah, ce recueil, « Les Ai-Je Bien Descendus ? » ! Tu étais le seul à pointer la nullité (et les fautes de français) du quotaïque Ben Jelloun (« Madame Ben Bovary »). « J’attends Gilbert », pastiche atroce de la littérature pédée de Guibert (« En m’essuyant la bouche avec le papier hygiénique, je pense à ma mère. »). Elie Wiesel, Françoise Giroud (et son œuvre biodégradable), Guy Bedos, Martin Gray (« Le sot pleureur »). Aujourd’hui, tu n’es plus redouté que par les écrivains tafioles, les attachées de presse et deux ou trois sans-télé qui croient encore qu’un succès littéraire se fait sur un dossier de presse fourni.
Au fig’-mag’, ton ancien communisme ne fait plus ni sourire ni grincer aucune dent. Tu y as débuté en cinquième colonne chez les richards, et y finis en Jean Dutourd de gauche. À VSD, ton inculture cinématographique éclate chaque semaine davantage. Voler les voleurs n’est pas grave. Mais quand même. Quand je pense à la chance que tu as d’avoir une telle tribune. Au fric qu’on te paye… Que tu claques, en gros con de prolo que t’es pour toujours, dans des restaus inutiles pour baiser des tapins russes de seconde main, ou des parties de tennis au Négresco (paraît qu’en short blanc moulant, ton côté rougeaud et suant fait pitié)… Pauvre Patrick, qui aurait mieux fait de rester pauvre.
Dans Marianne, en bon gros matou, tu gères les affaires littéraires courantes : la nouvelle traduction de Joyce. Alors que Joyce, tu n’en as jamais rien eu à foutre. Tu n’as jamais aimé les génies. Tu préfères les Drieu, plus proches de toi, qui choisissent de faire cinquante débuts de roman, plutôt qu’un roman dont on reparlera dans cinquante ans… Tu encenses les souples de la mèche, les Nicolas Rien, les Florian J’ai-l’air, les Justine « j’avorte au cinquième mois » Lévy. Tu leur dois des sous ? Ou bien cet élevage de gitons littéraires, c’est pour blinder ta nécro ? Parce que là, ce n’est plus du dandysme, ce n’est plus pour faire chier ou par stratégie : tu règnes déjà ! Reste ta descente de Fred Vargas. Amusante. Mais ce sont des gammes pour toi. Pourquoi, par exemple, cartonner Sevran, et pas Soral ? Le point de vue de Patrick Besson sur Alain Soral, ça, ce serait utile. Deux anciens du parti, passés tous les deux un temps chez Chevènement. Lâcheté ? Ou le côté raclo entré dans le Show qui ne veut pas que d’autres en croquent, et ferme la porte en fermant sa gueule ?
Ne parlons pas du Point ! Avec une constance hebdomadaire qui doit faire rêver ta femme, tu y fais le malin. Dans le vide. D’un coco comme toi, on n’attend pas une défense de l’entrée de la Turquie dans l’Europe au nom de l’antiracisme, mais une condamnation de principe de l’Europe elle-même. Bientôt tu défendras les sans-papelards, trouveras les Français racistes et les communistes fascisants.
À 52 ans, Patrick, tu es devenu, dans l’orchestre médiatique, le soliste méchant de service. Payé comme une starlette. Mais pas comme une star. Bien sûr, intelligent, malin et vicieux, tu ne seras jamais vulgaire comme un nouveau riche. Mais tu seras toujours grossier comme un ancien pauvre. Ta gueule pue sa banlieue, ses frustrations et ses fantasmes misérables. Sauf qu’aujourd’hui, tu ne hais plus, puisque tu n’aimes plus. Il est bien mort l’affûté freluquet qui nous vengeait, en rotant à la table des saigneurs de la presse, en s’essuyant la queue dans les rideaux pourpres des radasses du livre, en arnaquant les épiciers de l’édition. À sa place, toi, ce qu’il reste de Patrick Besson, une sorte d’orque gisant, vautré dans les pinailleries littéraires, Alexandre Adler du persiflage ricanant et lourdaud. Comme disait Céline au lendemain de la guerre, il va falloir que des vagins et des appartements se libèrent. Pour les vagins, je ne sais pas où tu en es, mais pour les appart’ dans la presse, t’en as quatre. C’est trop. Surtout pour ce que tu en fais. Va-t’en, Patrick. Retourne faire des livres. Avant qu’on te retourne comme un autobus.
Grégory Protche
PS : Je sais, tu n’as pas 52 ans. 48 seulement. Un moyen comme un autre de te rappeler que pour les bons le temps passe pire encore que pour les autres. Tu es entré pour tout bouffer. Tu n’as pas été bouffé. Tu t’es contenté de bouffer. Comme les autres. Les purs sangs finissent bourrins de reproduction. Et c’est triste.
Le prochain TANT PIS POUR VOUS sera en kiosques dans la première semaine de novembre 2004.
Descendant d’une ancienne grande famille, moitié russe, moitié franco-anglaise, les Protche de Viville de Lonlay. A pour modèle son arrière-grand-père, qui instruisit le procès Bazaine, et décida d’abandonner (et non pas vendre) ses titres de noblesse, lorsque la famille n’eut plus les moyens de son rang. A pour idole son grand-père, ouvrier, donc alcoolique, chassé de Paris vers la banlieue en 1973. A cru longtemps que faire chauffer de l’eau dans la cuisine pour se laver était la norme. A passé son adolescence à jouer au flipper (au Chiquito ou au Café de la Gare à Savigny sur Orge), parce que ça coûte moins cher que les filles. A écrit pour raconter une France qui ne ressemble pas à celle de la littérature, de la télé, de la presse et du cinéma français.
Serigne Seck (aka mon nègre)
Co-rédacteur en chef avec Karim Boukercha du magazine Tant pis pour vous.
Sources : Les Éditions Hermaphrodite et le HLM des Fans de Renaud