Festival des Vieilles Charrues 2003

M-la-Music

Le 21 juillet 2003
Par Bertrand Niquel

Carhaix, les 18-19-20 juillet 2003

Finalement épargnée par le conflits des intermittents du spectacle, l’édition 2003 des Vieilles Charrues, très médiatisée (autant en raison du conflit dont elle fut l’objet que des artistes qui en composaient l’affiche) s’est tenue dans une ambiance familiale.

vendredi 18 juillet

« Le festival est bloqué par les ravers du technival, et de toutes façons il y a deux heures de queue avant d’arriver dans Carhaix. » Eh bien, tout cela s’annonce chaudement… Voilà le discours que nous a tenu un raver qui avertissait de la même façon toutes les voitures se trouvant sur la route Lorient à Carhaix vendredi après-midi. En bons disciples de Saint Thomas, nous préférions voir, de nos deux yeux voir, ce qu’il en était réellement. Et ce qui devait faire office de barrage quelques mètres plus haut n’était en fait qu’un simple rassemblement de teufers un peu navrés qu’on leur bloque l’accès à quelque prairie que ce soit pour poser leur son. Et les deux heures d’attente, que nenni ! Pourtant ce jeune chevelu n’a pas empêché à nombre de festivaliers un poil crédules de faire demi-tour. A savoir ce qu’ils ont fait par la suite… Dieu seul sait !

En arrivant on découvre la foule, énorme, de cette douzième édition, et on se dirige vers la scène Glenmor pour apercevoir The Pretenders… Chrissie Hynde en forme donne la pêche à un public déjà content que le festival ait finalement lieu.

Un petit tour sur la scène Xavier Grall pour découvrir quelques nouveautés programmées, dont Monsieur Orange, kitch à souhait, qui s’accompagne de claviers pour chanter des textes légers portés sur le quotidien. Sympathique, mais un poil répétitif.

On se dépêche de revenir vers la scène Glenmor, la principale, pour apercevoir Renaud (heureusement que les écrans géants disposés de chaque côté de la scène sont là !) le jean, le t-shirt noir et la clope au bec, alors qu’une foule incroyable s’est déjà agglutinée devant la scène, mais aussi très loin derrière la régie. C’est avec une voix fatiguée que Mister Renard s’est présenté ce jour-là devant son public. Plus terne et roque encore qu’à l’habitude, se distinguant à peine des instruments qui l’accompagnent, on se dit qu’il aurait au moins pu prendre la peine de chauffer un peu sa voix, qui allait bien finir par s’éclaircir (enfin s’éclaircir s’entend à l’échelle Renaud !). Un poil de provoc’ gentillette (« Le public était meilleur hier à Nantes ! »), et des chansons que tout le monde connaît, tant les anciennes (« Mistral gagnant », « Dès que le vent soufflera », « Marche à l’ombre »…) que les plus récentes (« Manhatan-Kaboul », « Docteur Renaud, Mister Renard »…).

Du côté des chanteurs français, on aura préféré Laurent Voulzy, contre toute attente. Mais il est vrai qu’en le voyant sur scène, on se rappelle avec évidence que ce gars-là est bien sympathique, à l’instar de son collègue Souchon, qu’il ne se prend pas la tête. Simple en somme. Il nous a toujours offert des chansons d’une légèreté à fleur de peau… « Belle Ile en Mer », « Le soleil donne », « La fille d’avril »… Mais surtout un « Rockollection » d’une demi-heure ! Dès les premiers accords, on imagine déjà toute cette foule chantonnant ce petit bout de chanson nostalgique et on frissonne. Coup de cœur de cette édition des Vieilles Charrues !

Retour sur la soirée du vendredi, où Stupéflip se produit. On était sceptique… eh bien on le reste, parce qu’avec une pareille (contre) performance, ils ont eu moyen de ne pas se faire que des amis ! L’ensemble est mégalomane, avec masque, cassage de guitare et micro sur scène… Sans oublier une belle provocation un poil déplacée : « Les Vieilles Charrues vous êtes merdiques ! ». Comme on dit souvent… dans ce cas-là ça passe ou ça casse. Là ça casse.

Avant l’arrivée de Röyksopp, une cassette audio gonflable a été soigneusement disposée sur la scène avec le nom du groupe marqué au feutre noir. Un décor qui reste sobre, mais qui suffit à faire monter le suspense. Torbjørn Brundtland et Svein Berge sont installés en avant, de part et d’autre de ce superbe décor (hum). Performance impeccable, rien à redire si ce n’est que la fraîcheur de l’énergie nordique dégagée était en décalage avec la saison, d’autant plus que la nuit fut chaude.

Il se fait à présent trois heures du matin, heure pour nous d’un repos bien mérité (oh oui ! une journée bien difficile !), avant d’attaquer la deuxième journée.

samedi

14:30 La performance d’Arthur H était bien programmée dans l’après-midi et intéressante pour quelqu’un qui ne connaissait point trop le personnage. Une voix et un gestuel qui évoquent Gainsbourg, et parfois des délires psychédéliques, avec une réalisation sur écran qui tenait plus que la route. On aura d’ailleurs pu remarquer tout au long de ces trois jours l’impressionnante réalisation à la volée, tant de la part des cadreurs que du réalisateur lui-même. Le DVD aurait quasiment pu être distribué dès la fin du festival (si on oublie bien sûr toutes les étapes de post-production et de fabrication).

Nada Surf ont étonné plus par leur français parlé impeccable que par leur performance. Cela ne signifie pas qu’elle ne fut pas bonne, au contraire il n’y a rien à en redire… Mais pas « étonnante ». En tout cas le groupe a bien profité de cet atout linguistique pour faire passer son soutien aux intermittents et discuter des tensions franco-américaines du moment. Ces prises de position par des groupes en plein festival nous ramènent au rôle social prédominant des arts et en particulier de la musique, qui touche une population plus étendue. Et pour prouver une fois de plus son attachement à la France, le groupe reprend « L’aventurier » d’Indochine, avant de terminer sur le « Popular » qui l’a fait connaître.

Un petit tour vers la petite scène Xavier Grall pour voir ce qu’ont à nous proposer les découvertes, avant d’assister sur cette même scène, à la soirée Ninja Tune. Le groupe Tahiti Bob est assez décevant… On ne savait trop à quoi s’attendre derrière ce pseudonyme, en tout cas pas à ça. Malgré une section cuivres et un côté festif, malheureusement pas assez poussé vers le fun, il y a un manque scénique certain… et un chanteur pas charismatique pour deux sous !

Ecurie Ninja Tune… J’ai manqué Cinematic Orchestra, mais nous arrivons à temps pour DJ Vadim (photo), excellent hip-hop avec présence scénique du couple basse-batterie, et d’un autre DJ. On se demande parfois comment ils font pour déléguer les sources sonores entre les platines et les instruments. Deux rappers sont en plus là pour assurer la vivacité scénique.

DJ Food était représenté ce samedi par on ne sait qui… C’est chacun son tour en tout cas paraît-il, derrière ce pseudonyme qui cache en fait plusieurs personnalités du label. Une performance incluant entre autres Justin Timberlake et Beyoncé… Pas sûr que tout le public aurait trouvé ça bon en sachant ce qu’on lui mettait dans les oreilles !

Superbe performance de The Herbaliser. Deux claviers, batterie, basse… Section cuivre (trompette, sax alto, trombone, sax baryton), parfois le baryton échange son gros instrument contre une flûte traversière (notamment pour « Sensual Woman »), et un DJ. Scratches et cuivres se marient et s’enchaînent à merveille, avec beaucoup de sensualité. Une musique qui garde l’énergie du hip-hop et l’ambiance du jazz. En bonus, un petit gars blanc correctement enveloppé (mais pas trop) qui danse devant la foule façon rap et qui ne cesse de scander « We are the Herbaliser ». T’inquiètes bonhomme, on a bien retenu le nom de ton groupe, et on n’oubliera pas non plus cette joyeuse performance.

Plus tard dans la soirée on a choisi Gotan Project, pas Amon Tobin (allez savoir pourquoi !). Un projet autant visuel qu’auditif sur scène, puisque la Glenmor fut habillée d’un écran à moitié transparent sur lequel étaient projetées des images en noir et blanc, alors qu’on apercevait le groupe jouer à travers cette toile. Une danseuse est ensuite venue pour travailler d’avantage encore cette profondeur, se plaçant devant l’écran. Un set qui reprend parmi d’autres « Queremos Paz » (superbe !) et « Last Tango in Paris », ponctués de quelques samples tels que le « Sound of da Police » de KRS One (que beaucoup confondent avec un sample de NTM qui dirait « assassin de la police ») déjà repris dans le célèbre mix de Cut Killer dans la B.O. de « la Haine » (dans lequel il mélange également « Rien de rien » d’Edith Piaf).

Finalement, de la journée on aura échappé à Carlos Nuñez (j’avoue un certain manque de sensibilité à l’égard de la musique celtique), mais aussi et surtout aux Wampas, à Zazie, à Mickey 3D, à Tricky et autres Peuple de l’Herbe. Avec un certain regret, en particulier pour Zazie, qu’on aurait aimé voir sur scène. Car s’il fallait être aussi surpris qu’avec Laurent Voulzy, c’eut été dommage de manquer l’occasion.

Dimanche 20 juillet

18:15 Nous voici au troisième et dernier jour de ce festival, et après Voulzy (voir plus haut) on enchaîne sur Bikini Machine, inconnus au bataillon, alors c’est avec beaucoup d’intérêt et de curiosité que nous avons assistés à leur performance. Très balancé seventies, leur son est un rock funky, mais pas très catchy, et c’est finalement ce qui semble manquer pour faire mouche. L’interprétation ressemble à une répétition interminable de boucles, une par morceau. Ce qui devient vite lassant. Par contre côté prestance, ils ont fait un peu plus fort que Tahiti Bob, puisqu’ils sont sur scène affublés de costards, ce qui donne du style et un certain caractère à l’ambiance de leur musique.

Les Supergrass ont été très bons, en grande forme, influant sur presque tous les corps (ah bon ? tous ?). De plus ils ont fait preuve d’un très grand rendement, bouclant chaque morceau d’un simple « Thank you » et enchaînant juste derrière. Les anglais auront été la transition parfaite entre le jour et la nuit…

Malheureusement l’ambiance dansante a été interrompue par Calexico. Non pas que leur performance n’était pas bonne, mais sûrement mal programmée. On les aurait plutôt imaginés en plein après-midi, en plein soleil d’été, histoire de reconstituer l’ambiance de leur Arizona natal. Du coup, l’intérêt se tournait plus vers la buvette que vers la scène… peut-être que c’est aussi une particularité de l’état de l’Arizona. Très regrettable, car on est sûrs que mis à part le manque d’animation sur la scène (la musique de Calexico invite en effet plus à l’intimisme), cette prestation aurait été l’occasion de découvrir les qualités de ces musiciens. Petite erreur de programmation pour le coup !

Enfin… R.E.M., qu’on ne présente plus. Les chansons s’enchaînent les unes après les autres comme un set bien rodé, trop peut-être. Et la foule des grands soirs ne semble pas trop convenir au groupe, qui n’a pas l’air très à l’aise devant un tel public. En tout cas seules trois chansons auront fait un effet unanime (c’est peut-être cette facilité à conquérir un large public avec les mêmes rengaines qui ennuie le groupe) : « Losing my religion », « Everybody hurts », et enfin « Invitation of life ».

1:30 Une masse humaine se déplace tranquillement vers la sortie, apparemment enchantée, avec déjà l’envie d’en être de nouveau l’an prochain.

Et ils risquent d’être nombreux pour la 13e édition, car avec le buzz médiatique créé « grâce » aux intermittents (« aura, aura pas lieu »), et le fait que finalement les Vieilles Charrues aient eu lieu, il semble nécessaire d’agrandir le site, et pourquoi pas d’ajouter une scène de plus. Déjà 162.000 personnes accueillies cette année en cumulé sur les trois jours… Combien l’an prochain ?!

Bertrand Niquel

lundi 21 juillet 2003

Photos : Bertrand Niquel

  

Sources : M-la-Music et le HLM des Fans de Renaud