Gainsbourg, Renaud, Canet… Il fabrique les décors des plus grands artistes

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L’Orne combattante

Par Maureen Marie
Publié le  

Installé depuis peu dans l’Orne, Pascal Chatton est chef décorateur depuis 37 ans. Pour des films, séries ou scènes, il conçoit les ambiances, du dessin jusqu’au tournage.

Pascal Chatton dans son jardin de l’Orne, devant l’enseigne d’une boutique, dessinée comme un clin d’œil à Coup de foudre à Notting Hill, pour le film Mon Héroïne de Noémie Lefort.
©L’Orne combattant

Des mercredis après-midi entiers à regarder dans le projecteur d’un cinéma, un premier court-métrage à l’âge de 12 ans…

S’il évoque spontanément « le hasard », Pascal Chatton trouve finalement plusieurs indices qui auraient pu laisser présager sa carrière. Installé à Montsecret-Clairefougère (Orne), l’homme est chef décorateur depuis 1987.

« Mon métier, c’est l’équivalent d’architecte dans le bâtiment, spécialisé dans le cinéma », sourit celui qui a collaboré avec des acteurs et artistes de renom, comme Guillaume Canet, François Cluzet, Gérard Depardieu, Annie Duperrey, Renaud, Serge Gainsbourg… 

20 à 30 décors dans un film

Dès que les scénarios lui sont communiqués, Pascal Chatton en imagine les décors. « Quand je lis l’histoire du film, les idées me viennent tout de suite », affirme celui qui est entré dans ses premiers studios par la Société française de production, puis a gravi les échelons de second, à premier assistant-décorateur jusqu’à être nommé chef décorateur.

C’est Marie-Christine Lefebvre, la fille de l’acteur Jean Lefebvre, qui m’a donné ma chance en 2002 et m’a confié le poste de chef décorateur pour la première fois sur un téléfilm de Patrick Poubel, Justice pour tous.

Pascal Chatton, chef décorateur

De son coup de crayon, l’ensemble des éléments du décor prennent vie, « le tout reproduit dans un studio ou un lieu naturel ». « C’est toujours un challenge, parce que sur un film, il y a en moyenne 20 à 30 décors. »

« Il faut parvenir à jouer avec les angles de vues selon ce que l’on veut montrer », poursuit celui qui fait équipe avec d’autres professionnels du monde du tournage.

Dessin de Pascal Chatton l’un des décors du long métrage Mazeppa, drame-comédie de Bartabas sorti en 1993.
©Pascal Chatton

« Faire croire que l’on est ailleurs, avec pas grand-chose »

« La première chose que l’on se dit quand on a l’idée d’un film, c’est ‘comment on fait’ ? » En s’adaptant au budget accordé pour les décors, Pascal Chatton doit créer tout un imaginaire, une atmosphère.

Une cave empoussiérée grâce à du ciment, une locomotive à vapeur sur rails, la chambre américaine de l’hôtel Carlton, la reproduction de rues parisiennes dans une base militaire…

Ce qui me fait le plus vibrer, c’est faire croire que l’on est complètement ailleurs, avec pas grand-chose. Tous les accessoires sont pensés, jusqu’à ce que l’acteur doit tenir dans sa main par exemple.

Pascal Chatton

Un travail qui passe par une phase essentielle de repérages et un sens du détail aiguisé. « J’aime jouer sur les seconds plans, aller au bout des clins d’œil, mais le temps passé n’a rien à voir d’un film à l’autre », poursuit celui à qui on doit les décors de 68 projets de télévision confondus, films ou téléfilms.

Parmi ceux vus à l’écran dernièrement, les deux séries phares de TF1, Ici tout commence et Demain nous appartient.

Un arbre géant pour Renaud

En parallèle des décors de films, il réalise parfois des affiches, des plateaux télévisés, des visuels événementiels… Pascal Chatton ajoute aussi l’univers musical à son éventail des possibles, avec l’habillage des scènes.

Par exemple, l’arbre géant sur la tournée de Renaud en 1988, c’est moi qui l’ai imaginé. Il a fallu 12 000 feuilles d’arbres, 600 coquelicots pour la chanson Putain de camion, de la pelouse pour recouvrir toute la scène.

Pascal Chatton

La même année, le décorateur collabore avec Serge Gainsbourg. « La scénographie fait partie de mon imagination, dans le domaine du théâtre aussi. Dernièrement, j’ai fait le décor d’une pièce dans laquelle joue Anny Duperrey. » 

Le décor de la boutique à l’enseigne bleue, installé lors du tournage à l’aéroport de Toulouse.
©Pascal Chatton

Son métier fait voyager Pascal Chatton dans de nombreuses régions, mais aussi à l’international. De la Roumanie à l’Afrique pour les projets précédents, il a fallu se rendre aux États-Unis pour le long-métrage Mon Héroïne de Noémie Lefort, en 2021. 

« C’était une aventure formidable, avec un tournage entre la région parisienne, Toulouse, Rouen et New York. »  

Son métier, « une aventure »

Au fil des années, les souvenirs (et les décors) s’entassent. « Parfois, on se dit qu’un film en efface un autre, mais il y a des périples difficiles à effacer, comme les trois mois passés au Sénégal en 2011 pour le film Les pirogues des hauteurs », se souvient le natif de Bourgogne qui a vu son métier changer.

J’étais l’élève de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), du temps des studios parisiens aux Buttes-Chaumont. Maintenant, le temps de tournage est beaucoup plus court, il a fallu se faire une place dans le milieu.

Pascal Chatton

Désormais, le chef décorateur considère son quotidien comme « une aventure » : « on ne sait jamais ce qui nous attend, et c’est ce qui est bouleversant ». 

« J’ai toujours un sac prêt pour partir »

Sur le tournage, le film se construit, et parfois les amitiés se lient. « Le chef décorateur fait partie de la famille du tournage, il y a des acteurs avec qui je suis resté très ami. » De ces moments de vie, Pascal garde quelques pièces de décors, mais surtout des échanges qui font grandir.

« En 1987, je suis parvenu à échanger au téléphone avec Alexandre Trauner, l’une des références comme chef décorateur. Il m’a encouragé à rester dans ce métier et je n’ai jamais oublié », se souvient-il en citant aussi les moments passés avec « la réalisatrice au franc-parler » Josée Dayan, et « le dessinateur de talent » Philippe Druillet. 

Pascal Chatton aux côtés de la réalisatrice Christine François, l’acteur Robinson Stévenin et la secrétaire de l’association du cinéma de Tinchebray (Orne) Monique Baudoux.
©Pascal Chatton

Il y a deux ans, l’homme âgé de 62 ans, mais qui n’est pas prêt pour la retraite, décide de poser ses valises en Normandie. « C’est un coin que je connaissais, pour avoir eu une propriété dans la Manche. Avec ma femme et ma fille, on cherchait à quitter Paris, et on a trouvé cette maison. »

Je me suis enrichi de toutes les régions, mais j’aime beaucoup le style normand.

Pascal Chatton

Un coin de verdure qu’il chérit, mais que Pascal peut quitter du jour au lendemain. « J’ai toujours un sac prêt pour partir. Cela fait partie de ma vie. »

   

Source : actu.fr