Ajouté par Pol De Groeve le 28 mars 2022.
Bruxelles, le W:Halll, 24 mars 2022,
Il monte sur scène la guitare à la main, dans son uniforme de gars ordinaire. Coiffé bien entendu de son inévitable gapette brune, la même que l’on peut acheter au stand merchandising, réservée aux fans purs et durs. Il attaque avec la chanson-titre de son troisième album, Ta place dans ce monde. Après le premier refrain, il est rejoint par ses musiciens : un guitariste (le fidèle Martial Bort, of course), un bassiste, un claviériste et un batteur. Entourage classique et efficace. On devine que l’originalité et l’invention musicale ne seront pas trop de la fête, mais vient-on applaudir Gauvain Sers pour ses musiques ?
C’est donc le chanteur à casquette en velours côtelé originaire de la Creuse, tel qu’il continue à se présenter avec humour, que Bruxelles accueille ce soir. Une foule nombreuse est venue l’applaudir, de toutes tranches d’âge, avec une majorité de trentenaires. Rien que pour avoir réussi à baisser la moyenne d’âge du public de la chanson française, que Saint Gauvain soit remercié ! Un public heureux d’être là, qui semble connaître toutes les paroles et chante à l’occasion en chœur avec l’artiste sans s’en faire prier.
Gauvain Sers, c’est indéniable, est éminemment sympathique. On devine sans peine derrière l’homme public le gentil garçon qu’il est assurément. Sincère dans tout ce qu’il fait, écrit et chante, comment dès lors émettre des réserves sur son travail sans passer pour un pisse-froid ? Cela aurait-il d’ailleurs un sens ? On sait que l’homme a la plume facile et prompte à fournir des chansons bien tournées, d’une poésie simple, accessibles à tous, sans que rien ne dépasse qui pourrait faire polémique. Des chansons qui, c’est si rare, ne tournent pas autour du nombril de leur auteur, mais se soucient des autres, des gens d’en bas., des oubliés de la classe moyenne, des rejetés du système. Des chansons débordantes d’empathie, bien que vacillant parfois sur le fil ténu de la moralisation facile. Une œuvre respectable, qu’il serait cynique de mépriser. Qu’importent alors les défauts que les esthètes pourraient y trouver, comme ces rimes que l’on anticipe ou le manque de finition de certains textes écrits a priori trop vite…
Ce soir en tout cas, pas de Christine Angot dans la salle, mais un public tout acquis à sa cause. Comme l’artiste va se donner sans compter (plus de 2 heures de concert), inutile de préciser que les applaudissements seront nourris et les spectateurs ravis. La setlist pioche à parts égales dans les trois albums du chanteur. De son dernier opus, nous avons droit à la tendre Elle était là, le portrait de la France des gens qui passent, la pittoresque Les toits de Paris, la confession du Convoyeur ou ce Sentiment étrange porteur d’espérance. Mais les fans de la première heure ne sont pas oubliés, puisqu’aux côtés de l’incontournable Pourvu sont alignés les Hénin-Beaumont et Entre République et Nation dans une version rock, un Dans mes poches repris en chœur ou, dans le quart d’heure intimiste, Mon fils est parti au djihad.
Trois inédits viennent s’immiscer : un morceau relatant le coup de fil qui a changé sa vie (celui de Renaud l’appelant pour lui proposer de faire la première partie de sa tournée), une lettre chantée au Président et un poème écrit dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine pour exprimer son désarroi. Des paroles naïves ou mièvres, peut-être, mais sincères. La Lettre au Président emprunte bien sûr sa forme aux deux Déserteur de Boris Vian et de Renaud, tandis que son J’y suis pour rien va puiser dans le Qui a tué Davy Moore de Dylan/Allwright. On peut y voir un hommage respectueux aux artistes qui l’ont précédé et ont contribué à forger sa personnalité, mais aussi un aveu implicite de sa volonté de s’inscrire dans une certaine tradition de la chanson, sans toutefois parvenir à la dépasser et la renouveler…
En ultime rappel, Les oubliés, repris par toute la salle, démontre combien Gauvain Sers a pu toucher le cœur des gens avec ce titre préfigurant les gilets jaunes. Respect.
La boutique de Gauvain Sers, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
« Elle était là » :
« Tu sais mon grand » :
Source : NosEnchanteurs