Montréal, samedi 25 juin 1988
RENAUD
L’album
Dominique Sanchez
et Thierry Séchan
Paris, Messidor, 124 pages, 1987
POUR sa tendresse ou sa révolte, son humour ou son irrévérence, les Québécois aiment Renaud, même s’ils peinent parfois à démêler les pelotes de son parler populaire.
Ils liront donc avec bonheur cet ouvrage qu’ont écrit Dominique Sanchez, journaliste, et le frère de Renaud, Thierry Séchan. On y retrace pas à pas le véritable raz de marée que fut à ce jour la vie du « chanteur impertinent ».
Renaud est né le 11 mai 1952, en pleine guerre de Corée, dans une maison de brique rose, à l’extrême sud de Paris, à deux pas de la porte d’Orléans. Très tôt dans son enfance, se remémore son frère, le vacarme de l’histoire lui parvint. « La guerre d’Algérie fut notre premier traumatisme, le second devait être la guerre du Viêt-Nam », écrit le frangin de l’autre.
Au lycée, le petit Renaud ne fut pas un élément particulièrement brillant, y apprend-on. Déjà il n’aimait pas « le travail, la justice et l’armée », comme il le chantera plus tard.
Gagné par la « révolution » des années 60, il a fêté ses 16 ans sur les barricades du Quartier latin, en mai 68. Installé dans la Sorbonne occupée avec sa guitare et son sac de couchage, il compose sa première chanson (« Crève, salope ») et fonde le groupe . .. Gavroche révolutionnaire ! Il tire à bout portant sur les parents, les profs, les flics et les curés. En 1969, il abandonne évidemment ses études et devient vendeur dans une librairie du Quartier latin. Ses amis se constituent des bibliothèques fabuleuses !
En 1972, après trois mois d’ennui à Avignon, il revient à Paris et vit ce que son frère appelle son époque « dandy ». L’année suivante, guitare en bandoulière, Renaud devient chanteur de rue, flanqué de son copain Michel Pons à l’accordéon.
En 1975, il enregistre son premier 33-tours. Dès lors, il monte. Il monte jusque sur les planches de Bobino en 1980. Guichets fermés. En janvier 1982, il fait l’Olympia, juste après Yves Montand. En 1984, avec « Morgane de toi » et la petite Lolita, il bat tous les records français de ventes de disques. Au Québec, il charme toute une génération de jeunes adultes avec sa chanson « En cloque » qui décrit la beauté de la maternité comme personne d’autre ne l’avait fait.
Aux yeux de son frère et de Dominique Sanchez, qui présentent une centaine de photos de l’artiste, Renaud est davantage qu’un chanteur. Il est un symbole, une lampe témoin d’une époque pour une partie de ceux qui la vivent.
Source : Le Devoir