Sur son album sorti le 6 décembre 2019, « Radio Bistan », Reno Bistan reprend le succès intergénérationnel de Renaud, Hexagone, avec un discours très « écolo ». Selon un article de Michel Kemper publié dans le magazine NosEnchanteurs :
Bistan vers la dictature verte
A force de ruiner l’avenir de la planète, il fallait bien que notre vieux monde – inclus celui prétendument nouveau qui n’était que le même mais avec encore plus d’escrocs – s’effondre. Et ce jour est un jour venu : les écologistes ont le pouvoir dans cet Hexagone élégamment rebaptisé Bistan. Les écolos ? En fait le Président Bistan, qui fait régner l’ordre moral et écologique qui s’impose, au même titre que la culture intensive des légumes et légumineuses.
Voici donc un disque d’anticipation, de politique-fiction, possible scénario pour un Hexagone qui ronge ses coins. C’est le nouvel album du génial sauvageon Reno Bistan, « une œuvre chansonnesque et radiophonique où l’on retrouve la verve humoristique, politique et poétique du chanteur lyonnais à travers dix chansons entrecoupées de séquences radios déroulant une journée au Bistan ». Scénario passionnant, un tantinet effrayant il faut le dire. En tout cas le disque le plus fou, le plus imaginatif de l’année, que même Katerine, trop englué dans son biznesse bobo-balisé, n’aurait su concevoir.
Voici donc Hexagone 2020 :
Et voici les paroles de cette chanson (du moins, ce que nous en avons compris !) :
Hexagone 2020
Être né sous le signe d’la classe moyenne
C’est pas c’qu’on fait d’mieux en c’moment
On s’embrasse au mois de janvier
Dans la joie et dans l’insouciance
On se souhaite une bonne santé
Pour l’année nouvelle qui commence
Il vaut mieux l’avoir la santé
Vu qu’l’hôpital crève en silence
Les services publics sont flingués
Dans la plus grande indifférence
Lorsqu’en plein mois de février
Il fait 30 degrés à La Meije
On veut quand même aller skier
On réclame les canons à neige
Pour notre loisir égoïste
On videra les réserves d’eau
Mais on ne quittera pas la piste
Et notre bel combi fluo
Lorsqu’au mois de mars
On élit
De l’autre côté du Mont Blanc
Un apprenti Mussolini
Pas très cool avec les migrants
Certains quand même trouvent ça flippant
Ne veulent plus prendre le Fréjus
Mais on oublie qu’notre président
Aussi a r’fusé l’Aquarius
En avril c’est les premiers ponts
Week-end à Rome ou à Lisbonne
On est très fan de prendre l’avion
On s’fout bien du bilan carbone
EasyJet, Airbnb
C’est l’opium des classes moyennes
Se faire le monde en mode selfies
Si possibles trois nuits par semaine
Être né dans la bonne classe moyenne
Souvent c’est penser qu’à sa gueule
Souvent c’est répondre aux sirènes
Qui t’disent qu’on s’en sort mieux tout seul
En mai y’a un nouveau suffrage
Mais il n’y a qu’un seul candidat
Celui qu’y est censé faire barrage
À la peste, au choléra
On crie partout qu’les abstinents
Mériteraient la chaise électrique
Ben ouais trois jours tous les cinq ans
On s’shoppe une conscience politique
En juin y’a la nouvelle saison
Sur Netflix de cette série
Qui vous scotch’ra à la maison
Avec un plateau de sushi
La Terre peut s’arrêter d’tourner
L’écran restera face à nous
Tant qu’un larbin vient nous livrer
Dans sa tenue Deliveroo
En juillet on apprend comme ça
Que tout se meurt sur la planète
Que bientôt à part l’chihuahua
Y’aura plus une plante plus une bête
Face au changement climatique
Aux grosses vagues de chaleur
La seule réaction c’est tragique
C’est d’s’acheter un climatiseur
Au mois d’août on ressort les Bobs
Nous c’qu’on aime s’est voyager
On s’demande bien quel coin du globe
On pourrait aller saccager
On laisse les beaux Faps à la Vasse
On veut se distinguer du lot
Bali s’est quand même plus classe
Pour Instagram et son maillot
Être né sous l’signe des classe moyennes
C’est pas la gloire assurément
De Kéluir jusqu’à la Maillène
C’est p’t’être un voisin vigilent
En septembre c’est la rentrée
L’abonnement aux salles de sports
On veut de beaux abdos fessiers
Putain qu’on est fan de notre corps
Tout part en couille partout autour
Mais en bon monstre autocentré
Nos regards débordent d’amour
Pour ce Youtubeur beauté
En octobre le salon d’l’auto
Dit que Pick-Up et SUV
Tiennent maintenant le haut du plateau
Qu’on aurait tort de se priver
Alors comme la tendance est là
Qu’on a quelques sous à la banque
C’est comme ça on réfléchit pas
Et désormais on roule en tank
Lorsqu’en novembre sur les ronds-points
Ça s’met à bouger tout-à-coup
Vu qu’ça concerne le prix du plein
On dit « Ouais à fond avec vous »
Mais quand la révolte s’étant
On veut changer les règles du jeu
On dit d’un ton condescendant
« T’as eu 100 balles, qu’est-ce tu veux d’mieux ? »
En décembre c’est l’apothéose
La grosse bouffe et les p’tits cadeaux
On veut pas se la jouer morose
Se dire qu’on en fait un peu trop
<Y’a d’la joie, y’a d’la joie>
Mais bien qu’on veuille se faire rêver
Avec l’iPhone du fiston
Au fond on sait qu’on va crever
De cette hyper consommation
Être né sous le signe des classes moyennes
Ce n’est pas une fatalité
Pour peu qu’un jour l’envie vienne
De faire un pas de côté