N° 54, 7 juillet 1993
Renaud : Bille en tête
Je vous résume
Mardi. Des potes organisent une partie de foot et m’obligent à jouer avec eux. Première touche de balle, je me fracasse le gros orteil sur une motte de terre. Finalement, je choisis d’être goal. En deux mi-temps de vingt minutes, dans mes cages de handball, je n’encaisse que huit buts ! Et quand je dis « encaisse », je suis poli…
Mercredi. J’apprends par Globe Hebdo que je fais partie des « parrains » de L’Idiot international (sous-entendu appartenant donc à cette mouvance bolchevico-fasciste). Les quelques chroniques que j’écrivis pour L’Idiot durant la guerre du Golfe me valent en effet, malgré moi, de toujours figurer dans l’ours au titre de « conseil ». Comme Sollers ou Arrabal, qui, eux, ne sont pas cités comme parrains. Elles me valent apparemment aussi d’être toujours sur la liste noire de Globe Hebdo…
Jeudi. Roland Perrot, dit Rémi, dit le grand-père, est mort aujourd’hui. Il était l’un des fondateurs de Longo Maï, la communauté dont nous parlions ici il y a quelques semaines. Cancer salaud ! Adieu, mon pote…
Vendredi. Le procureur de la République de Valenciennes a tellement l’air de vouloir faire la peau à Tapie qu’il nous le rendrait presque sympathique. Rassurez-vous, « presque sympathique », ça veut quand même dire antipathique.
Samedi. El Cordobés reprend du service. Ça faisait quelques années que ce paisible retraité se la coulait douce, quand un désir soudain, irrépressible, l’a poussé à redescendre dans l’arène pour affronter les cornes et faire mouiller les connes. Il faut le comprendre : ça doit être dur de vivre si longtemps sans tuer un taureau. Moi-même, qui n’en ai pas tué un seul depuis quarante ans, des fois je me sens frustré…
Dimanche. Grand Prix de France de Formule 1. Avec leurs innovations technologiques à la con, ces courses sont devenues d’un chiant ! T’as plus jamais un pilote qui se tue. Je souhaite la mort de personne, d’ailleurs je suis un grand fan de Prost. Je suis sûr que c’est lui qui se tuerait le plus vite.
Dimanche soir. Je tombe sur une corrida sur Canal +. Le torero se tord la cheville au moment de la mise à mort, qu’il rate. Pendant que le taureau gesticule des quatre fers en beuglant dans une mare de sang, les commentateurs, indifférents, plaignent le pauvre con qui s’est fait mal au genou. « Le pauvre doit souffrir horriblement… »
Canal +, finalement, entre le foot, le cul, les films à la con et la corrida, c’est vraiment la chaîne des beaufs.
Lundi. Nouvelle décision du ministre de la Justice au sujet de la présence de l’avocat pendant la garde à vue : dorénavant, un inculpé aura droit à un avocat dès sa condamnation.
P.-S. C’est au tour de mon pote Christian Laborde de se voir coller une étoile brune sur le front. Par le journal Le Monde cette fois. Laborde qui vient de démissionner de L’Idiot parce qu’un de ses textes dénonçant justement le « national-communisme » y fut censuré. Laborde qui est édité chez Régine Deforges, éditeur entre autres du Manifeste des 50 contre le Front national et de Le Pen, c’est la guerre. Le directeur littéraire des éditions Régine Deforges écrit au Monde : « Christian Laborde est un humaniste virulent. […] Il s’est toujours battu pour défendre les droits de l’homme, la liberté d’expression et la dignité humaine partout où ils étaient menacés. Jamais Régine Deforges et moi-même n’aurions exprimé publiquement notre fierté d’être les éditeurs de Christian Laborde si nous avions perçu de sa part la moindre dérive antisémite ou extrémiste. »
C’était mon quart d’heure « Je suis l’avocat de Laborde ».
Sources : Chroniques de Renaud parues dans Charlie Hebdo (et celles qu’on a oubliées) et le HLM des Fans de Renaud