« Il ose être réac, c’est sympa » : Philippe Lellouche se lance dans le stand-up

Le Parisien

Culture & loisirs

Par Sylvain Merle, envoyé spécial à Nantes (Loire-Atlantique)
Le 14 septembre 2023 à 20h26

À 57 ans, Philippe Lellouche se (re)lance dans le seul-en-scène avec « Stand Alone », un spectacle à découvrir en tournée, puis à partir de décembre à Paris. En rodage à Nantes (Loire-Atlantique), le frère de Gilles nous a reçus et parlé de son nouveau défi.

Non sans autodérision, Philippe Lellouche, sur scène à Nantes ce mercredi, critique d’entrée «tous les mecs de 50 ans qui essayent de faire jeune avec des baskets blanches, des t-shirts sous les costumes». Alex Poitard

« Autour de 50 ans, tous les mecs pensent en avoir à peu près 35… Allume la salle ! Ah oui ! Bonne moyenne de 35 ans. C’est bien ! Un spectacle de vieux animé par un vieux », pouffe Philippe Lellouche. Jean, tee-shirt et veste sombres, baskets blanches et micro en main, le comédien se tient seul sur la petite scène de la Compagnie du café-théâtre, à Nantes (Loire-Atlantique), ce mercredi 13 septembre. Il y achève le rodage de « Stand Alone », son premier one-man-show depuis plus de vingt ans. Après cinquante dates pour le construire, l’homme aux multiples casquettes (animateur télé, scénariste, metteur en scène…) lance une tournée le 26 septembre avant de jouer à Paris, en décembre.

« Stand Alone », debout seul, une idée soufflée par Gad Elmaleh, qu’il ne remerciera jamais assez. « Il m’a offert un rôle, ça a été à moi de le créer, mais il m’a dit : Prends ce rôle- là, il t’ira bien », nous explique- t-il après la représentation. Ce rôle, c’est aussi le sien, celui du mec de 50 ans « qui veut rire de tout ce qui l’énerve dans ce monde qui change, ce qui ne manque pas ».

« Je les vois, tous les mecs de 50 ans qui essaient de faire jeune avec des baskets blan­ches, des tee-shirts sous les costumes, c’est ridicule », lance-t-il avec malice. Lui affiche 57 années au compteur, mais décide de n’en avoir que 28. « Quand on voit ce qui se pas­se avec les identités… Vous avez vu les xénogenres qui veulent être reconnus com­me écureuil ou licorne ? […] OK, t’es une licorne, alors moi pourquoi j’aurais pas le droit d’avoir 28 ans ? »

Je n’attaque personne, je dis juste des conneries
Philippe Lellouche

Le plus dur, c’est de le faire accepter. À la Sécu, notam­ment, qui continue à envoyer son invitation annuelle à la coloscopie… Il revendique aussi une certaine « nostalgie heureuse ». « Ça ne vous fait rien, qu’on ait arrêté les slows ? demande-t-il. Il y avait deux sessions, une autour de minuit et si ça n’avait pas marché à la pre­mière, il y avait celle de rattra­page, vers 5h30 […] Là, il fallait se contenter des invendus. » « Oh non ! », s’indigne une spectatrice. « Mais nous aussi on était des invendus », répli­que-t-il. En tant que « fémi­niste révolutionnaire », il ren­drait le slow obligatoire. « Aujourd’hui, des hommes ont un problème avec le non. Nous, à l’époque des slows, on avait bien compris ce que c’était […]. J’avais un pote qui avait une théorie : cinq râteaux, une pelle. »

À la pelle, les thèmes qu’il tisse avec gourmandise : la masturbation qui prévient le cancer de la prostate – « au bout de combien de fois par jour ? », s’interroge-t-il naïve­ment — « les cons, les com­plotistes »… « On voit des gens intelligents essayer de leur expliquer. C’est comme si les abeilles passaient leur temps à expliquer aux mou­ches que le miel est meilleur que la merde.»

Un illustre spectateur

Il en a d’autres dans la besace. Gims et ses pyramides-cen­trales électriques – « Et les menhirs, c’était des relais SFR ! » La polémique Juliette Armanet et « les Lacs du Connemara », une chanson de droite. « Du coup, je n’écoute plus Montre-moi ton zizi, de Francky Vincent, c’est d’extrême gauche. »

Dans son viseur, encore, les vélos qu’il ne peut pas « saquer », et leur chef, Anne Hidalgo. « Elle a écrit : Je me lève tous les matins en me disant que tout le monde m’aime, ça m’évite de me poser des questions… Ben tu devrais t’en poser, quand on fait 1,7 % à la présidentielle… C’est le score des matières grasses dans un yaourt. »

Bonhomme et grande gueule, à l’aise, le voici râleur de mauvaise foi, un peu gras parfois. « Je me moque de tous mes travers, mais je le suis un peu, opine-t-il. Avant, être réac, c’était vouloir plus d’ordre et de sécurité, aujour­d’hui c’est vouloir plus de liberté. J’en peux plus, qu’on m’interdise des choses, c’est ça, être réac ? Ou vieux con ? Alors il faut en jouer… »

Il aura écrit avec Arnaud Tarride, « qui [l’]empêche d’être totalement un vieux con », avec l’objectif de rire avec et non contre. « Je n’atta­que personne, assure-t-il. Je dis juste des conneries. » Il ne sera pas « non plus politique­ment incorrect uniquement pour l’être ». « Uniquement si c’est drôle, qu’on puisse se dire : Je ne suis pas d’accord, mais je me suis marré. »

Nantes (Loire-Atlantique), mercredi. Philippe Lellouche passe à la moulinette les quinquas, les complotistes, Anne Hidalgo…

Il fait rire. Il a une nature pour. Il touche aussi, replon­geant en enfance pour évo­quer son père. « Il a eu deux fils, mon petit frère, Gilles, que vous connaissez peut-être, un petit comédien qui démar­re, et moi. » « Il nous disait : Vous ne serez jamais acteurs, vous n’êtes pas beaux, pas très intelligents et vous n’avez pas de talent… » Un « Lino Ventura à l’accent pied-noir » avec lequel il clôt, sur une touche tendre et touchante.

« J’ai adoré ! » Dans la salle, un spectateur particulier : le chanteur Renaud, venu avec Cerise, sa compagne. Peu disert, il aura aimé « les rap­ports avec son père, ça me parle toujours ». « C’est une belle surprise, c’était très sympa », note Christelle. « Et je fais du vélo », appuie son mari, Christian. « Il ose être réac, pas uniquement dans la mouvance, c’est inhabituel et très sympa », relève Ève.

  

Source : Le Parisien (ici et ici)