PAR JEF | | 2% COMMENTAIRES | ALBUMS, FRANCAIS
En janvier 1979 arrivait dans les bacs le troisième opus de Renaud, communément appelé ‘Ma Gonzesse’ du nom du premier morceau.
Un loubard au coeur tendre
« Malgré le blouson clouté sur mes épaules de velours, j’aimerais bien parfois chanter autre chose que la zone » Dès le premier vers du morceau d’ouverture (qui donne communément son nom à l’album, à défaut d’en avoir un inscrit sur la pochette), Renaud annonce la couleur : du cuir, des mobs, la banlieue d’accord, mais aussi de l’amour et de la tendresse. Une dualité illustrée sur la pochette réalisée par Jean-Baptiste Mondino : la DS qui brûle derrière, mais le chanteur avec sa compagne en premier plan. L’album sera pétri de ce savant mélange entre portraits virils avec C’est mon dernier bal, Chtimi Rock, La tire à Dédé, Salut Manouche et peintures sentimentales au cœur d’artichaut : J’ai la vie qui m’pique les yeux, Chanson pour Pierrot, et la chanson-titre donc, qui elle-même oscille entre le mec costaud jaloux et le timide qui fond devant sa « gonzesse » :
Le vers de fin du dernier couplet « son mari, il veut pas il dit qu’on est trop jeune » fait référence à Gérard Lanvin, alors encore en couple avec Dominique pendant que Renaud cherchait déjà à la convoiter. Ce même Gérard Lanvin qui sera raillé plus tard dans les deux chansons mettant en scène un certain Gérard Lambert.
Malgré cette situation un brin compliquée, le chanteur affirme vouloir « Y coller un marmot, Ouais, un vrai qui chiale et tout, Et qu’a tout le temps les crocs », et il renchérit dans Chanson pour Pierrot où il imagine un futur fils… mais ce sera finalement Lolita qui arrivera dans sa vie en 1980.
L’amour de la langue
Blouson de cuir et yeux doux certes, mais pas uniquement. Renaud renouvelle dans cet album son amour de la langue française et le plaisir de jouer avec les mots. Des rimes souvent tarabiscotées qui s’écartent des schémas classiques, des calembours à foison pas si éloignés de l’univers de Boby Lapointe dans l’enjoué Sans dec’, mais aussi dans le musette Tango de Massy-Palaiseau ou encore avec le sketch façon Stand-up Peau aime, enregistré en public, qui clôt l’album. Un humour souvent proche de celui de Coluche, son pote.
Même le sinistre C’est mon dernier bal se trouve parsemé d’évocations qui font sourire. Et en concert, les arrangements « Wap-dou-wap » renforcent ce côté humoristique tout en traitant du sujet sérieux de la très discutable légitime défense que le chanteur nomme précisément dans sa présentation du morceau :
Des nouveaux musiciens
Pour cet album, Renaud est accompagné du groupe Oze, constitué de Jean-Luc Guillard (batterie), Michel Galliot (basse), José Perez (pedal steel guitare, mandoline, flûte, chœurs), Khaled Malki (clavier, flûte, percussions), Mourad Malki (guitares, banjo et chœurs). La pedal steel guitare, instrument peu courant dans la chanson française, est très présente notamment sur La tire à Dédé et le mélancolique J’ai la vie qui m’pique les yeux. Il est amusant de noter que sur ce morceau, le chanteur évoque à la fin du dernier refrain « une petite fille qui m’rend heureux », avant la naissance de Lolita.
Enfin, un invité de marque vient compléter l’équipe en la personne de l’accordéoniste Marcel Azzola, rendu célèbre pour avoir été apostrophé par Jacques Brel dans la chanson Vesoul (« chauffe Marcel ! »).
Une façon peut-être pour Renaud de s’inscrire dans la lignée de ses illustres prédécesseurs du répertoire français. On le savait fan de Brassens, voilà qu’il s’adjoint les services d’un musicien de Brel. Du rock en perfecto certes, mais aussi de la chanson française issue des grandes références. Renaud, ça a toujours été ce mélange bien dosé, notamment dans cet album, sorti il y a 45 ans ce mois-ci.
© Jean-François Convert – Janvier 2024
Source : Textes, Blog & Rock’n Roll