Ils sont tous fous de Renaud !

Le Soleil

Le vendredi 19 janvier 2001
Cahier A

Ils sont tous fous de Renaud !

LE SOLEIL, PATRICE LAROCHE

Renaud a eu droit à une ovation monstre, hier, dès le moment où il a mis les pieds sur scène. Cette vague a donné le ton au spectacle et l’auteur de « Miss Maggie » a offert une performance de plus de deux heures, sans entracte, clôturée par au moins quatre rappels. La critique de Jacques Samson en page E 3.


Cahier E

CRITIQUE

Divin Renaud !

JACQUES SAMSON
JSAMSON@LESOLEIL.COM

L’histoire d’amour entre Renaud et le public de Québec s’est resserrée encore une fois, hier, pour la seule représentation de son spectacle, Une guitare, un piano et Renaud à la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre. C’était la grande première de sa mini-tournée québécoise.

Quand ce Français sympathique est débarqué au Québec, en 1984, ça a été tout de suite le coup de foudre et l’amour réciproque entre le public et Renaud ne s’est jamais démenti. La passion est toujours aussi intense de part et d’autre.

Hier, il renouait avec nous après une absence de près de 10 ans et c’est comme si on s’était laissé la veilles. Dès qu’il a mis les pieds sur scène. Renaud a été accueilli par une ovation monstre de plusieurs secondes. Cette vague a donné le ton au spectacle et Renaud y est allé d’une performance qui a duré plus de deux heures, sans entracte, clôturée par un minimum de quatre rappels. Après, je n’étais plus là pour vérifier, il fallait que je me précipite pour écrire ces lignes.

C’est un spectacle d’une grande simplicité. Il y a Renaud, son guitariste, son pianiste, un point c’est tout. Il ne reste de la place que pour ses chansons et croyez-moi, elles l’occupent toute cette place.

Tout au long de la soirée, Renaud y va de ses meilleures interprétations avec une très grande générosité, il puise dans tout son répertoire et amène une couple de nouvelles pièces.

Entre les chansons. Renaud utilise l’humour avec un magnifique doigté. Il y va même d’un petit clin d’œil pour dénoncer « l’impérialisme de la culture québécoise en France », où on entend que les Garou, Céline Dion et Lynda Lemay. Il conclut en disant : « Nous avons assez de supporter nos chanteurs à la con à nous. »

LE SOLEIL, PATRICE LAROCHE
Renaud souffre encore.

Renaud fait partie de ces hommes qui, pour rendre la vie de tous les jours un peu supportable, se créent une carapace de durs pour montrer que rien ne les atteint. Mais quand il monte sur scène, le masque tombe, la carapace s’effrite et toute sa sensibilité, ses émotions passent à travers sa poésie et sa musique. Renaud, en chanson, c’est une mise à nu ! C’est sur scène qu’il s’exorcise.

Au cours de la soirée, il a fait 22 chansons en commençant par La ballade à Willy, ce petit clin d’œil à Willy Brouillard le flicard, en enchaînant avec La mère à Titi (Titi, c’est son guitariste) et en débouchant sur En cloque, une chanson d’une grande tendresse sur sa femme enceinte.

Nous avons également eu droit à la magnifique Ballade de Nord Irlande, à Germaine sans bière ni accordéon, et à son extrêmement touchante chanson Morts les enfants qui traite de tous ces petits êtres qui souffrent à cause de la guerre, de la misère et de l’exploitation.

Le public a aussi eu droit à Miss Maggie, dans laquelle Renaud tape à bras raccourcis sur l’ex-première dame d’Angleterre, Margaret Thatcher. Tous connaissent cette chanson et Renaud en remet, surtout depuis que la dame de fer a récemment soutenu le bras de son ami Pinochet.

Cette chanson a été immédiatement suivie par une autre pièce d’une grande sensibilité, P’tite conne. Dans cette chanson, Renaud parle de Pascale, une jeune comédienne morte d’une overdose et qui repose au cimetière du Père-Lachaise depuis 15 ans. Renaud est touchant en parlant de cette fille qui avait un mal de vivre épouvantable et qui s’est défoncée dans la drogue.

Et tout à coup, aux trois quarts du spectacle, arriva ce qui ne devait pas arriver. Dans une entrevue à son frère, Thierry Séchan, Renaud déclarait qu’il ne faisait plus sa chanson Boucan d’enfer, cette chanson qui parle de sa séparation avec sa femme. Quelque part, il trouvait injuste de pouvoir exorciser sa douleur dans une chanson, alors qu’elle ne pouvait le faire. Mais il l’a quand même interprétée.

Quelle chanson ! Quel poème intense dans lequel il exprime toute sa souffrance, toute sa douleur, toute sa détresse ! Il se met l’âme à nu et avec l’intensité qu’il insuffle à son interprétation, on sent que les plaies sont toujours là, Renaud souffre encore. La thérapie, même après plus d’un an de tournée, n’est pas terminée.

Cette chanson à elle seule valait le déplacement.

Après, Renaud y est allé de quelques autres chansons dont la toute nouvelle Elle a vu le loup, un petit bijou d’humour. En rappel, quand le chanteur a prononcé les premières paroles de Dès que le vent, le public s’est levé d’un bloc et est resté debout jusqu’à la fin. Il en redemandait toujours et encore.

Durant ce spectacle à guichets fermés, même les billets de presse étaient très courus comme jamais. Renaud a promis de faire un prochain album.

LE SOLEIL, PATRICE LAROCHE
Renaud, en chanson, c’est une mise à nu ! C’est sur scène qu’il s’exorcise.

   

Source : Le Soleil