Publié le 10 novembre 2017 à 06h00 Modifié le 10 novembre 2017 à 10h20
Après plus de cinquante ans de carrière, il n’est pas devenu « un rocker à moumoute » et porte bien ses 75 ans. M. Eddy continue de s’amuser et fait ce qui lui plaît. Il vient de terminer le tournage « Les vieux fourneaux » et sort aujourd’hui son nouvel album « La même tribu » (Universal Music).
Pour cette série de duos empruntés à ses classiques luxueusement arrangés, Eddy Mitchell a réuni un beau casting: Johnny, bien sûr, Laurent Voulzy, Alain Souchon, Julien Clerc, Maxime Le Forestier, Thomas et Jacques Dutronc, Brigitte, Arno, Sanseverino et quelques autres… Une sorte d’accolade musicale à ses «amis» du métier qu’il aime bien et qui le lui rendent bien. Brève rencontre dans un hôtel parisien avec un rocker-crooner qui assure en bon pro le service après-vente.
Comment définiriez-vous cette « tribu » d’artistes ?
C’est très simple. On fait le même métier, on fait partie de la même tribu. Et contrairement à d’autres, les artistes sont des gens qui se respectent beaucoup, même s’ils n’apprécient pas tout chez l’un ou l’autre.
On croirait plus facilement le contraire dans un univers réputé impitoyable ?
Non. Ce respect existe dans le show-biz. Il n’y a pas que l’amitié, il y a aussi la fidélité.
Pas facile de réunir tout ce petit monde dans le même studio ?
Ça fait partie du jeu, qui a duré six mois.
Et comment avez-vous défini les rôles, attribué telle chanson à tel artiste ?
C’était évident pour Johnny dans « C’est un rocker ». J’ai fait aussi appel à des artistes d’une autre génération qui ont un son proche des bonnes chansons des années 60. J’ai pensé à Brigitte pour « La fille du Motel » et à Keren Ann pour « Toujours un coin qui me rappelle ». Ma fille Maryline s’est mise au chant il y a trois ans et comme elle chante bien, on reprend ensemble « Et la voix d’Elvis ». Il y aussi le chanteur américain Charles Bradley dans la reprise de « Otis » qu’il voulait retravailler. C’était sa dernière session, il est malheureusement décédé en septembre dernier.
Vous avez eu des refus, des absences ?
Pas des refus, plutôt des indisponibilités. Je pense à Véronique Sanson qui n’était pas en forme, puis après en tournée. Il fallait bien boucler, penser à la promotion et préparer aussi la suite.
Un second album déjà en route ?
Oui, on le termine fin novembre. La tribu s’est élargie. Il y a Pascal Obispo (« Esprit, Grande prairie »), Maxime Le Forestier (« Il ne rentre pas ce soir »), Laurent Voulzy (« Rio Grande »), Grégory Porter (« Sur la route de Memphis ») et des artistes inattendus comme Cécile de France que j’aime beaucoup et qui apporte une belle fraîcheur, je dirai presque comme une écolière, dans « La dernière séance ».
Qu’est-ce qui vous plaît dans la formule du duo ?
Ce qui est amusant, c’est de trouver des contre-chants qui n’existaient pas dans les originaux. On les découvre en écoutant l’autre chanter. Par exemple, Renaud dans « La route de Memphis », c’est une chanson qu’il aime beaucoup et qu’on avait chantée ensemble, il y a longtemps, à la télévision. Et les nouveaux arrangements apportent une couleur différente à chaque reprise. Ils sont particulièrement soignés en grand orchestre, dans l’esprit d’un Quincy Jones qui a supervisé tout ça (sourires), d’un Nelson Riddle et d’un Gil Evans.
Ces reprises sont-elles une façon de passer le relais à d’autres artistes, de ne plus les posséder ?
Moi, je n’ai pas le sens de la propriété. Ce n’est pas mon truc. L’important c’est de continuer à exister à travers les chansons qu’on aime – que j’aime tout au moins – et de leur apporter un sang nouveau. La démarche est intéressante et réserve des surprises.
Des concerts prévus ?
Ça me semble compliqué. J’ai eu déjà du mal à réunir tout le monde. Peut-être une ou deux dates, pourquoi pas ? On va voir.
La scène vous manque-t-elle ?
Non. J’ai déjà donné avec la tournée des « Vieilles Canailles », avec Johnny et Jacques Dutronc. Non, ça va. J’arrête là.
Vous avez des nouvelles de Johnny ? Vous lui téléphonez de temps en temps ?
Oui, bien sûr. Il est en studio d’enregistrement. Il va à son rythme, bien sûr mais il tient bon. C’est Robocop, lui ! Je ne me fais pas de souci. Les Vieilles Canailles, c’est un peu une bande de survivants… C’est vrai qu’on ne s’est pas beaucoup ménagé. J’ai encore la santé (croisant les doigts).
Des projets pour le théâtre après « Un singe en hiver » ?
Ah non, non, c’est fini. J’ai fait deux fois, ça va. Ce qui me dérange dans le théâtre, ce sont les loges (sourires). Sacha Guitry est mort là-dedans. Il y a encore des restes et elles n’ont pas été refaites depuis…
Et le cinéma ?
Je viens de terminer « Les vieux fourneaux », d’après la BD, aux côtés de Pierre Richard, Roland Giraud et Alice Pol. L’histoire de trois septuagénaires, amis d’enfance. C’est plus reposant que la scène. C’est une autre discipline. J’ai la chance de ne pas être réellement comédien entre guillemets. Ce n’est pas mon métier, je n’en vis pas complètement. J’ai donc le choix des films, l’envie ou non de tourner.
Source : Le Télégramme