En 1988, tel que mentionné dans une rare interview accordée au magazine Vérités et mensonges, Renaud a choisi de ne pas faire de promotion pour son nouvel album, « Putain de camion » :
Tu as décidé, pour la première fois, de ne pas faire la moindre promotion pour ton album – excepté la présente interview ?
Pour ce disque, je me suis à nouveau posé une question qui me travaille depuis des années : est-ce que le dois faire de la promo, est-ce que je dois faire Guy Lux ou pas – par Guy Lux j’entends l’ensemble des émissions de variétés – est-ce que je dois me marginaliser complètement ? Ou encore agir comme Maxime Le Forestier qui, un jour, a décidé de faire une « promotion intelligente », à savoir qu’il n’est plus allé que dans tes émissions où on l’attendait – chez Gicquel, chez Chance – et où il ne touchait que son public, et non pas le public. Moi j’étais d’un avis contraire, je lui disais : « Non, il faut aller chez Guy Lux, même si l’émission craint un peu, même si tes coincé entre Karen Cheryl et Hervé Vilard C’est là que tu touches les gens, tous ceux chez qui, sans ça, tu n’irais jamais… » Mais c’est à contre-cœur que j’y allais, ça me gonflait par rapport à ma déontologie personnelle.
Par contre, un album promotion fut enregistré en préambule à sa tournée pour soutenir l’album « Putain de camion », pour répondre à plusieurs questions qui lui étaient fréquemment posées. Cet album (très rare) est simplement intitulé « Interview » :
Face A – 1 : La promo
Salut !
Je considère que j’ai tenu quasiment en partie, heu, mes engagements, à savoir que mon album étant sorti depuis six mois.
La période la plus efficace pour faire la promo c’est quant on sort un album, et pendant ces six mois j’ai fait aucune promotion. Donc, j’ai t’nu mes engagements, à savoir que j’ai pas fait l’service après vente, qui consiste, heu, à chaque artiste qui sort son nouvel album, après s’être fait rare ou absent pendant des mois, à faire, là, toutes les chaînes de télé, toutes les grosses émission de 20 heures trente, de variété, qu’ce soit la Une, la Deux, la Cinq, ou Canal, faire toutes les émissions de radio, faire toute la presse branchée, heu.
J’ai refusé de jouer c’jeux là, et maintenant je revient à petits pas faire un tout p’tit peu d’promotion non plus pour la sortie du disque mais simplement pour faire l’information sur le fait que j’me donne en spectacle, que je reprend du collier, que j’attaque le Zénith et une tournée derrière. Et j’considère que j’me suis pas trahis ni déjugé, j’veux dire j’ai t’nu mes engagements, à savoir que, en plus, heu, beaucoup d’gens du métier m’disait « T’as raison, c’est formidable et tout, heu, fait pas d’promo, c’est génial, on va faire comme toi ». Ils ont pas fait comme moi, ils en ont fait, à savoir que ne pas faire d’promo, m’absenter des, des médias pendant six mois, ça a fait un peu d’peine aux gens qui m’aiment vraiment, et ça fait très plaisir aux gens qui m’aiment pas.
Le fait que je m’auto-censure comme ça, que j’me bâillonne, parce que pour moi faire d’la promo c’est aussi ouvrir ma gueule, c’est pas seulement, heu, parler d’mes chansons, c’est aussi, heu, prendre des positions, par rapport à des événements. Et puis, heu, la gauche r’attaque un tout p’tit peu, parce que mon attitude, heu, qu’y était peut-être pas trop excessive, était pas suicidaire, parce que c’est vrai que, ça aide pas. En fait, pas d’promo, c’est vrai que j’ai vendu un peu moins d’disques que j’aurais pu en vendre si j’avais fait le train-train habituel, tout ça. Mais en tout cas il m’semble que c’était quand même un attitude, heu, sans vouloir me j’ter des fleures, c’est quant même assez courageux. J’veux dire, tu vois, j’ai quant même tout fait pour que, pour me faire oublier. J’ai fait une pochette de disque, c’est moi qui l’ai conçue, heu, sans ma photo, avec mon nom écrit en tout p’tit, heu, pas d’promo, pas d’radio, pas d’télé. J’te dis, c’est, c’est pas, j’veux dire, je sais pas qui peut me reprocher d’avoir fait ça. Et maintenant, de revenir un tout p’tit peu, heu, seuls les gens qui m’détestent vraiment peuvent me l’reprocher.
Ceux qui m’aiment sont ravis que j’re-fasse un peu d’promo, et qui… Moi je, j’me suis, j’m’en suis rendu compte, heu, au courrier qu’j’reçoit, donc que j’lis. C’est que au début, les gens, les mômes, me disaient, heu, « T’as raison, c’est fait pas d’promo, c’est tous des cons et tout », pis au bout d’quelques mois me disaient, heu, « Quant même tu nous manque, heu. Si on t’voit pas, comme t’es pas en tournée en c’moment, on t’voit pas, même pas chez nous dans nos p’tites villes en province, on t’vois pas à la télé, donc, heu, on a l’impression qu’t’es plus qu’un produit, que t’es un disque, qu’on a chez nous, mais… Mais y faudrait qu’t’existe un p’tit peu. »
Et donc, heu, voilà j’r’attaque un petit peu. On peut pas dire que j’encombre, heu, les écrans de télévision ni, ni la presse. En plus, bon, heu, le fait de refuser d’jouer l’jeu, ça m’a pas fait que des amis non plus dans c’métier. J’veux dire, bon, j’ai pas fait d’interview, les journaux, heu, n’ayant pas d’interview, n’ont pas parlé d’moi. C’est-à-dire, qu’ils auraient pu quant même écrire des papiers sur la sortie d’mon disque, et faire des, des chroniques, des critiques. C’est passé, la sortie d’mon disque, est quasiment passée sous silence. Alors, vendre moins d’disques, c’est vraiment, c’est pas l’cadet d’mes soucis, mais franchement, je l’savais qu’j’en vendrais moins, en refusant de, d’aller l’vendre.
Mais pas contre, attaquer l’Zénith et m’retrouver dans des salles à moitié vide, ça, ça me, ça m’gonflerait un peu quant même. Il faut qu’les gens sachent, et j’crois comme des gens en province, des jeunes qu’y ont tous mes albums, qui savent même pas qu’mon dernier album est sorti, il y a six mois. Comme quoi la promotion c’est quant même, ça sert, ça sert pas à rien.
Face A – 2 : La FM en général
J’suis jamais rentré en guerre ouverte avec les FM, hein. Tout l’monde sait, les gens qui m’connaissent, qui m’aiment bien savent que les FM c’est pas vraiment ma tasse de thé, quoi. Qu’ j’fais pas d’la chanson pour les FM, pac’que les FM diffusent un certain type de musique. Moi, j’ai pas l’sentiment d’faire d’la musique, je … j’fais d’la chanson. Savoir qu’si les gens dansent dessus tant mieux mais j’préfère qu’ils écoutent, qu’il sourient, qu’ils pleurent, qu’ils… qu’elle leur ai apporté d’l’émotion plus que… . J’préfère toucher leur cœur, ou… que leur rythme, leur feeling. Donc… j’ai pas… j’ai pas un style de chansons qui s’adressent particulièrement aux FM. Il s’trouve que… pendant des années j’ai eu l’sentiment d’être un p’tit peu… pas boycotté par les FM mais que… Je passais pas trop, quoi.
Face A – 3 : La FM en province
Quand t’es en province et qu’t’arrives dans une loge de concert, que t’as une heure pour faire ta balance, ta répétition, une demi-heure pour bouffer un p’tit truc pa’ce que t’as pas bouffé d’puis la veille et que t’arrives dans ta caravane souvent un p’tit peu sordidos, cradingue et que t’as cinq radios FM du coin : trois commerciales, deux… une marginale, libertaire ou autre, une cinquième… Radio France ou tu as un correspondant local de Radio France, plus une télé, plus trois mecs d’une association qui viennent ‘vec leur p’tites mini-cassettes pourries, tu peux pas assurer tout, c’est impossible. Alors moi pendant des années, j’t’assure que j’ai… j’ai vraiment beaucoup donné aux FM, aux radios… libres d’abord, pirates… libres, ensuite radios locales privées. Ensuite j’ai essayé d’faire une p’tite sélection pa’ce que je… j’ai… j’passais trois heures avant d’monter sur scène à raconter ma vie, à m’expliquer, à m’justifier ; c’tait d’la folie, j’devenais barge. Et c’est épuisant en plus même physiquement, tu vois, de parler, de raconter et tout. De répondre à des questions intellectuellement aussi, de toujours s’justifier, s’expliquer et tout. T’es toujours… tu t’sens toujours un p’tit peu agressé, t’as l’impression d’être dans un tribunal, quoi. Et puis… et la presse, bon. J’estimais en plus que j’avais à peu près tout dit, quoi, sur ma carrière, sur mes idées, sur… Là, j’suis parti en tournée en m’disant, la tournée entre – tu vois – le moment où j’arrive dans une ville de province et l’moment où j’monte sur scène, j’veux être peinard, j’veux pas, j’veux plus d’ce… d’ce truc-là. Donc, effectivement, à la dernière tournée, j’ai… j’me suis pas fait des amis, quoi, au niveau des… des médias de… province. Mais j’peux… Si demain… Quand demain j’vais r’partir en tournée ça va être pareil, j’vais dire… bon j’fais une FM par ville. J’vais arriver à Bordeaux, j’vais avoir 5 FM qui vont m’proposer une interview, j’vais choisir laquelle ? La plus populaire ? La plus écoutée ? Celle qui a l’plus de pognon ? Celle… la plus marginale ? Les mecs que… Celle… qui m’amèn’ra une journaliste canon ? Ou celle où l’mec aura l’air sympa et tout ? J’vais accepter… Radio Aquitaine, on va m’dire : « ouais, t’es… t’es dur, t’as accepté d’faire une interview pour Radio Aquitaine, c’est une radio du RPR et puis t’as rej’té Radio Noire, c’était des p’tits anars du coin et tout, t’es un enfoiré et tout. » Alors, qu’est-ce que tu veux faire ? Soit tu les prends tous, soit t’en prends aucun. La dernière tournée, j’ai… choisis d’en prendre aucun, de répondre à aucun, quoi.
Face A – 4 : Johnny Clegg
Quand les gens m’parlaient d’ma réussite… professionnelle et qui m’demandaient… c’que j’en pensais, comment j’analysais ça et c’que ça m’faisait, si ça m’rendait heureux, tout ça, j’avais tendance à répondre c’que répondait Coluche à la même question… genre : « Déjà ça m’arrive… Ca arriv’rait à mon meilleur pote, déjà j’s’rai content. Alors imaginez un peu si ça m’arrivait à moi ». Et ben moi j’disais pareil. J’disais… : « c’qui m’arrive c’est formidable. Mais déjà ça s’rait arrivé à mon… à … à un copain à moi, j’s’rai vraiment heureux alors en plus ça m’arrive à moi. » Et ‘vec Johnny Clegg, j’ai l’impression qu’ c’est c’qui s’est passé. Moi j’étais… quasiment pas au top mais tu vois, bon, j’avais des bases solides en France, beaucoup d’disques vendus, beaucoup d’monde dans les concerts, popularité et tout ça. Lui débarque, j’lui file un p’tit coup d’pouce, un p’tit coup d’main, j’donne trois coups d’téléphone, j’fais… j’envoie la vidéo d’son… d’son clip à Drucker, j’en parle autour de moi. J’l’ai rencontré en Afrique du Sud, on fait un p’tit film pour les enfants du rock. En un an, il a acquis une popularité que moi j’ai pas acquise en 10 ans, quoi. Enfin au moins… au moins une popularité au niveau des ventes et d’la fréquentation d’ses spectacles, c’était… c’était exceptionnel et tout l’monde a été surpris. Mais… pour… Je n’ ressens aucune amertume au fait qu’il nous aie tous niqués, tous pulvérisés au niveau des scores, au niveau des Top 50, Top 30 et tout, au contraire j’suis ravi, j’suis heureux. J’ai l’impression de… d’avoir assisté à un conte de fée qui lui arrive à lui. Quelque part d’avoir été un p’tit peu une des fées en question, quoi, qui a fait en sorte que l’espace d’un an ce type est d’venu une star européenne, bientôt mondiale; je pense, j’espère.
Face A – 5 : Le top 50
J’pense pas qu’il faille chanter des conneries affligeantes, forcément, pour rentrer au top 50, mais il s’trouve qu’ça doit être le goût des gens qui est… qui est bizarre, qui est capable de… les gens sont p’t être capable d’aimer des choses comme Johnny Clegg, des gens comme Johnny Clegg et en même temps des gens comme David & Jonathan. C’est possible, j’veux dire, moi j’aime autant… j’aime pas autant mais il m’arrive de… prendre du plaisir à écouter des chansons de Julio Eglesias ou de… de Mike Brant, quoi, et en même temps à écouter Sting ou Clegg. Mais j’constate que souvent dans les premières places du top 50, la chanson française est représentée par des gens dont la musique si elle est… bien que parfois… agréable ou dansante, souvent les paroles sont affligeantes et désespérantes de bêtise et de… c’est une insulte à la langue française en plus parfois. Donc j’trouve ça… J’trouve ça affligeant, ouais. J’veux dire… boys boys boys… franch’ment… ouais ben d’accord elle des loches… bon heureusement
Face B – 1 : Les élections
Ouais, j’ai pris une page dans l’Libé, où j’ai marqué, heu, « Tonton, laisse pas béton! ». Même que Guy Bedos, heu, a pas trouvé ça très drôle. Et qu’il a dit « Ouais, pourquoi pas « Tata, laisse pas béta! » ». Ça m’paraissait clair, comme engagement. J’voulais que Tonton soit encore là pour un bail, de sept ans !
Et le premier tour, contraction pour les imbéciles, je soutiens Juquin, heu communiste rénovateur. Je vois pas où est la contradiction, puisque y’a deux tours aux élections, et y’a plein de candidats au premier tour, y’en a plus qu’deux au deuxième. Selon toute logique, heu, Tonton s’rait là au second. Et au premier j’avais un choix plus vaste, et j’ai, j’ai, j’ai appelé j’ai pas appelé d’ailleurs, j’ai soutenu, heu, tranquillement dans mon coin, sans faire d’esclandre, le candidat du premier tour qui m’paraissait correspondre le mieux à mes aspirations et à mes idées, à mes utopies, à mes rêves.
Y s’trouve que Juquin correspondait complètement à ça, quoi. Et Juquin, en plus, heu, c’était d’la même famille, quoi j’veux dire, avec des propos plus, plus un peu plus révolutionnaires, p’t’être un peu plus subversifs, un peu plus idéalistes, que ceux d’Tonton. Mais j’savais que Juquin f’rait entre deux et quatre pour-cents, j’avais aucune illusion, mais, heu, j’ai aucune illusion sur bien des causes. Que je persiste quant même à, à défendre, et au second tour, ben heu, Tonton !
J’ai un peu voté Juquin aussi pour marquer mon désaccord avec la gauche, heu, classique, avec les, les notables du socialisme, heu. Mais, heu, si Juquin c’était trouver au second tour face à Tonton, par exemple, heu, je sais pas c’que j’aurais fait.
Face B – 2 : Jean-Luc Lahaye
C’était pas un chanteur autrefois, c’mec-là ? Non, non, il m’semble qu’ y’avait un Jean-Luc Lahaye qui f’sait des chansons, qu’il chantait pas mal, d’ailleurs. Une belle voix qu’aurait pu, s’il avait m’né sa carrière avec intelligence, piquer l’ public de Sardou alors qu’il piquait l’public d’Hervé Villars et je crois que depuis quelque temps il s’est r’cyclé; il fait… il fait Guy Lux maintenant.
Face B – 3 : L’intolérance
Mais… je… j’ai jamais considéré que… que la tolérance était une vertu et que l’intolérance était un vice. Moi, je ne tolère pas le racisme, je tolère pas les… les bourreaux, j’tolère pas les massacres, j’tolère pas les viols, j’tolère pas tout ça. Donc… l’intolérance, elle est parfois… légitime.
Face B – 4 : Francis Cabrel
Francis Cabrel, c’est la plus belle plume de la chanson française aujourd’hui, ex aequo avec… qui ? avec… Charles Trenet et … c’est un mec qu’écrit très, très bien, de très, très belles chansons, c’est un mec qui est discret, qui est humble et puis qui… qui la ramène pas et qui fait des chansons superbes, quoi, et puis c’est un pote. Il m’fait rire et il a pas l’air drôle pourtant; il est vraiment… il l’est et puis… puis c’est tout.
Face B – 5 : Jean-Jacques Goldman
Qu’est-ce qu’ vous voulez qu’j’vous dise sur Jean-Jacques Goldman, moi ?
Face B – 6 : Vanessa Paradis
Eh ben bizarrement p’t être que pour les fans les plus fidèles de… de Renaud, ça va p’t être être étonnant mais c’est une p’tite gonzesse pour laquelle j’ai une grande, grande admiration et en qui je crois beaucoup et j’crois qu’elle ira très, très loin parc’que c’est une personnalité d’enfer. Elle est mignonne et belle comme tout. Elle a une voix… d’enfer. Elle chante très, très bien, exceptionnellement bien même. J’crois qu’elle va… qu’elle est là pour longtemps, quoi, qu’elle va durer que c’est pas… c’est pas un coup éphémère ou un tube éphémère, c’est vraiment une carrière qu’elle s’prépare. Parc’que y a quelque chose, quoi. C’est authentique, c’est…elle a quelque chose dans l’ventre. Voilà. J’aime bien ce qu’elle fait.
Face B – 7 : La révolution des pierres
Ben voilà, quand je dis.. dans une émission d’radio ou autre, un tel c’est un crétin, l’autre c’est un facho, ben ça fait les gorges chaudes, tout l’monde en parle et tout. Ben alors qu’c’est des mots, c’est du vent, c’est… c’est rien. Je fais un truc important, politique, artistique à l’Olympia avec des artistes qui soutiennent la révolution des pierres et les enfants palestiniens qui s’font… qui s’font dégober tous les jours, là personne n’en parle. Et pour réunir un plateau sur cet Olympia qui était bourré à craquer, on a trouvé deux artistes : Bernie, le chanteur de Trust et Graëme Allwright, artiste français, francophone, car paraît qu’il est Néo-zélandais, je crois, et tous les autres c’était, y’avait 25 artistes arabes de première génération, deuxième, Sapho, y’avait Sheck Kader et ça été fabuleux c’concert… un grand moment de… de music-hall, un grand moment de solidarité et effectivement personne n’en a parlé parce que ça dérange, parce que c’est pas médiatique, parce que c’est pas… y’a pas d’paillettes y’a pas la télé, c’est pas top 50, voilà. Ca… c’est politique. Les gens étaient même étonnés qu’ça ait lieu à l’Olympia ; ce genre de concert en général a plutôt lieu à la Mutualité.
Face B – 8 : Israël
Depuis… quelques années dans mes chansons, dans mes interviews, dans mes propos, je fais allusion au peuple palestinien et à leur problème, leur situation… en Palestine occupée. Je continuerai tant que… la paix s’ra pas rev’nue dans c’coin-là et tant que les Israéliens auront pas restitué les territoires occupés. Et si on peut plus parler d’ça sans… être taxé d’antisémitisme, sans que des imbéciles fassent pas l’amalgame… à savoir : anti-Israël, donc antisémite, eh ben je prends l’risque, tant pis. Je pense… avoir eu dans toute ma carrière… des… des options assez claires en c’qui concerne le racisme et l’antisémitisme. Si des gens peuvent me soupçonner d’antisémitisme, c’est que, c’est qu’ils m’ont pas bien écouté, quoi. Et si les gens… prennent le prétexte que j’défends la Palestine et que je vomis l’armée israélienne pour faire un amalgame un peu facile c’est qu’ils sont bête, franchement, ou qu’ils sont méchants. Alors, effectivement, la botte étoilée… je savais un p’tit peu que ça choqu’rait et j’aime bien provoquer, quoi. Provoquer des réactions pour faire bouger les gens. La botte pour moi c’est l’synonyme de l’oppression, quoi, de l’armée qui écrase un peuple, une terre et c’est complèt’ment l’cas… dans les territoires occupés. La botte ne renvoie pas forcément à l’armée allemande et… pas forcément non plus aux nazis et… et au… et au génocide.
Face B – 9 : O.L.P.
Si l’OLP… reconnaît pas l’existence d’Israël, je suis pas pour l’OLP. Et en aucun cas je f’rai un gala d’solidarité avec l’OLP. Là, j’avais fait un gala de soutien aux populations palestiniennes, en dehors de tout parti, de tout mouv’ment, de toute… Et d’ailleurs elles-mêmes, ces populations… ‘fin leur mouv’ment de… de révolte spontanée, l’OLP a essayé d’le récupérer, ce mouv’ment.
Face B – 10 : Les grandes causes
Si demain… quarante artistes français ou un artiste, ou deux ou trois, font appel à moi pour… faire un disque ou un concert… pour une cause aussi importante que celle qu’on avait défendue y’a trois, quatre ans, à savoir… essayer d’faire bouffer des enfants qui subissent la famine en Ethiopie, bien sûr que j’irai, au galop.
Face B – 11 : Renaud dans 20 ans
Comme dans la chanson Cent ans, assis sur un banc avec une canne, à contempler le monde qui s’effondre, les hommes qui s’entre-tuent puis… p’t’être que j’aurai renoncé à prendre ma guitare… pour dire c’qui m’plaît pas dans c’monde et je… regarderai pousser les platanes, écoutant chanter les oiseaux et r’gardant mes enfants grandir. Mais j’sais pas, j’m’imagine pas d’me voir dans vingt ans mais quand j’vois Hugues Auffray, par exemple, qui a soixante balais, je trouve qu’il est plutôt bien comme mec aujourd’hui. Mais si j’suis comme ça… dans vingt ans… ça m’déplaira pas.
Face B – 12 : Lolita dans 20 ans
J’aim’rai qu’elle soit heureuse, dans un monde… au moins, pas plus… comme c’lui d’aujourd’hui, quoi. Mieux j’y crois pas. Meilleur j’y crois pas. Mais au moins pas pire, quoi. Un monde respirable où y a encore des forêts, des oiseaux et d’la couche d’ozone au d’ssus d’la terre, qu’les pluies acides aient pas décimé toutes les forêts, que les trafiquants d’ivoire aient pas décimés tous les éléphants, qu’il reste des animaux sauvages, qu’il reste des rivières propres, qu’il reste des… c’qu’il en reste aujourd’hui. Qu’il reste des forêts… la faune, la flore, qu’il reste des hommes libres, qu’il reste des gens heureux et pis qu’il reste aussi des… des combats à mener, quoi. Sinon… qu’elle fasse le métier qu’elle veut du moment qu’elle s’y épanouit dedans et qu’elle veut être… artiste… fonctionnaire ou boulangère… c’est l’cadet de mes soucis. C’que j’veux, c’est qu’elle fasse le boulot qu’elle a envie de faire et qu’elle… qu’elle soit heureuse de l’faire.
Face B – 13 : Tournée en province
Ah, le fait d’commencer mon spectacle à Montpellier c’est pour plusieurs raisons : d’abord parc’ que quand on fait un nouveau spectacle sur Paris… après deux ans et demi d’absence, c’est toujours sympa de trouver une p’tite idée originale, quoi, pour… pour changer, pour… pour varier, pour étonner les gens. Donc le fait d’faire la première parisienne à Montpellier c’est déjà un p’tit truc… marrant. Ensuite c’est pour des raisons… économiques, culturelles, … ma volonté délibérée de décentraliser, d’être étonné, voire indigné par le fait que tout s’passe toujours à Paris, d’abord, et ensuite en province comme si… c’est un côté un peu méprisant, à part dans le théâtre où parfois les pièces de Robert Hossen par exemple se montent à Strasbourg ou à Nancy avant d’venir à Paris. Dans l’music hall et l’rock-n-roll et la chanson c’est… c’est assez rare, quoi. Les gens arrivent d’abord à Paris, première parisienne, la presse, les médias, et ensuite quand l’spectacle est rodé… on amène le spectacle en province. Souvent les artistes en plus amènent pas le même spectacle en province Et là donc, j’ai… j’ai eu envie que… que pour une fois ce soit la province et Montpellier qui aient la… la primeur de mon spectacle. Pourquoi Montpellier, pourquoi pas Bordeaux ou Toulouse ou Metz ou Nancy ? Parc’que Montpellier c’est une ville pour laquelle j’ai beaucoup d’attachements sentimentaux parc’que d’abord j’trouve qu’c’est une ville très, très belle et puis c’est la ville où mon papa est né, où grand-père a vécu, où mon père a vécu. Mon grand-père, qui était prof de lettres, a enseigné dans l’université. Et après tournée en province dans tout l’reste de la France, Suisse, Belgique avec le même spectacle. Et heureusement avec le même décor, même nombre de musiciens, même mise en scène. Et l’décor c’est quand même… en province c’est quand même cinq camions.