Interview : R.Wan

Le MAGue

Par Sophie Petit
le 31/05/2006

Mais si bien sûr !!, Erwan Seguillon aka R.WAN, Futur-ex chanteur de Java, c’est bien lui qui nous propose en solo l’Album Radio Cortex. Cocktail implacable aux registres Hip Hop, Rap, Musette, Reggae, ou encore Chanson Française…Que voulez-vous, ce type a décidé de remporter la palme avec un Album : catégorie tous bacs confondus en boutique ! Du coup, exceptés les chefs de crayons, vendeurs qui ne lui disent pas merci, nous on est ravi d’un tel mélange des genres, réunis avec une plume unique, celle de cet Auteur-Interprète nommé tout simplement R.Wan.

Radio Cortex, c’est le fantasme d’une radio qui diffuserait tes titres ?

C’est surtout l’idée de créer Radio Cortex, une Radio Pirate, qui me fait fantasmer. Le pirate est le premier personnage auquel je me suis identifié. Si l’on remplace la mer par les ondes, la radio pirate devient l’instrument de liberté de parole par excellence. Le cortex est le centre nerveux qui se situe dans le crâne, l’emblème du pirate. Je n’ai donc pas le fantasme d’une radio qui passerait exclusivement mes titres mais plutôt celui de pouvoir brouiller les ondes et de voyager dessus.

Tu proposes des adaptations sur ton album qui comporte 19 titres ?

Il y a deux parodies : « Radio Active » qui reprend « Petit papa noël », « Lâche l’affaire » qui est un remake de « Laisse Béton » et une reprise : « Océan indien ».

A propos de « Laisse Béton », pour un gars de banlieue comme toi, il s’agissait d’un morceau de référence ?

Je suis né en banlieue, j’y ai passé les vingt premières années de ma vie mais dans un pavillon coquet. Dès que mes parents m’ont vu revenir avec un survêtement Tachini et une coupe à la Waddle, ils m’ont envoyé dans un grand lycée parisien.

Par la suite, j’étais assez complexé d’être un petit-bourgeois et de vouloir faire de la musique « de rue » comme le reggae ou le rap. Je souffrais de ne pas avoir la classe de l’artiste « rive gauche » et en même temps de ne pas avoir la « street crédibilty » du banlieusard. Avec le temps, je prends ça comme une chance car je ne me suis pas enfermé dans un milieu. Pendant toute sa carrière, on a reproché à Renaud de ne pas être un vrai blouson noir.

Mais on s’en fout. Ce qui est important, c’est le langage qu’il a inventé. Quand Audiard fait parler des gangsters, il invente, il ne vient pas du « milieu ». Pour reprendre l’image de la piraterie, l’essentiel reste le voyage. Et comme le disait Brassens « y a que les cons qui sont fiers de venir de quelque part. »

Du coup avec « Lâche l’Affaire » quel fut le déclic pour réactualiser le texte de Renaud ? As-tu cherché à communiquer ta démarche à Séchan ?

Je ne pensais pas le sortir. J’ai parlé des parodies que j’avais écrites des chansons de Renaud à Pascal Fioreto qui m’avait proposé d’écrire un papier pour son canard, Fluide Glacial. C’est un ami de Renaud, une semaine plus tard j’ai reçu un mail de Renaud en personne qui me disait qu’il avait adoré. J’étais fier comme si j’avais eu un bar-tabac et j’ai donc décidé de mettre le morceau sur le disque.

Tu rends hommage à « Roger Kha » en interprétant « Océan Indien » ? Qui était-il ?

Roger Kha, était un grand poète malgache. Il est arrivé à Paris dans les années 60 et a monté divers groupes psychédéliques. 30 ou 40 ans plus tard, du jour au lendemain, il retourne à Madagascar, c’est là où je l’ai rencontré en 1993. Roger avait quatre frères, tous musiciens, poètes et pirates en même temps. La famille possède un bar à Diego Suarez au nord de l’île qui s’appelle le Libertalia, un nom donné à la première et seule république de pirates qui ai jamais existé au 18ème siècle. Ce que j’aime dans la musique de Roger, c’est qu’il a su mélanger la chanson française avec des rythmes de saleg qui est la musique typique du nord de l’île.

« Le Caramel sur la Cerise » que tu nous proposes n’est pas la recette d’un rhum arrangé à la mode, mais une musique effrénée avec laquelle tu vas réussir à faire bouger une foule en délire avec un hymne au cunnilingus ?

Je voulais qu’il y ait des morceaux dansants. Je suis autant fasciné par l’efficacité des musiques de « ragga » ou reggaton (version hispanique du ragga) que par la stupidité des textes qui les accompagnent. C’est quand même pratique de ne pas chanter en Français. J’ai pensé à la responsable marketing qui va s’offusquer d’un tutoiement mal placé au bureau et qui, le soir venu va se trémousser comme une folle en écoutant Daddy Yankee qui lui hurle dans les oreilles : « t ’aime ça la gazoline, j’vais t’ cracher mon foutre en pleine gueule ». Du coup, j’ai décidé de faire une version plus édulcorée, handicap de la langue oblige ! Un hymne rabelaisien au libertinage avec un je-ne-sais-quoi de french touch !

Qui est ton invitée Maud Legenedal qui interprète une très jolie déclaration d’amour avec « On se dit tu ? » ?

Maud Legenedal est comédienne. Je l’ai rencontré par hasard dans un train. J’étais au wagon bar et je l’ai entendu parler. Elle avait la même voix que Jeanne Moreau. On avait l’impression qu’elle s’était échappée d’un film des années cinquante.

Je suis retourné à ma place et j’ai écrit la chanson. Puis j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai rejointe. Je me suis présenté, je suis devenu tout rouge et je me suis mis à chanter. A ma grande surprise, elle a apprécié et nous nous sommes revus à Paris pour enregistrer. Comme quoi ça vaut la peine de se ridiculiser parfois.

Le deuxième Album de Java avait été enregistré au Brésil. Tu sembles encore inspiré par ce grand pays avec les couleurs de la pochette de Radio Cortex ou avec le titre « Peyotl » qui évoque la forêt Amazonienne ?

En fait, non je ne connais pas l’Amazonie, nous étions à Rio pour enregistrer. Et c’est surtout Fixi (accordéoniste de Java) qui est passionné par la musique brésilienne.

La pochette (réalisée par le grand artiste maudit Thomas Rimoult et Kouakou) fait d’avantage référence aux couleurs de mon label Makasound, spécialisé dans le reggae. Du Vert du Jaune, et une touche de rouge dans le livret…Le rouge, c’est moi. Dès que je chante, je deviens rouge, je clown de la tête aux pieds. Cela est dû à mes origines métisses : je suis moitié breton, moitié alsacien. Ah ça fait moins rêver que le Brésil ! « Peyotl », c’est un cactus hallucinogène qu’on trouve plutôt dans le désert du Mexique qu’en Amazonie.

J’évoque ainsi les rites chamaniques perpétués des contrées d’Amérique du Sud. Ce qui m’intéressait était de mélanger des bruits de jungle avec une musique « électro » très urbaine. Mon personnage est quelqu’un qui ne maîtrise pas les substances qu’il a ingurgitées. Comme l’indien qui ne supporte pas l’alcool, les raveurs sont des apprentis sorciers qui consomment des produits qu’ils ne peuvent gérer. Mais ils mettent le doigt sur un problème essentiel de nos sociétés occidentales : la négation de la transe et la perte d’un monde magique.

Ton comparse Fixi (de Java) est l’un des musiciens qui intervient sur ce disque ?
Peux-tu nous présenter les autres musiciens de Radio Cortex, et comment avez vous travaillé ensemble pour obtenir un album aussi riche ?

Merci pour le compliment mais si l’album te paraît riche, c’est avant tout un album de pauvre. J’ai du avoir le dixième d’un budget basique de major pour le réaliser.

Après avoir arrêté Java, je ne savais vraiment pas ce que j’allais faire. C’est un ami, Nicolas Maslowski, qui m’a proposé de produire mon disque. C’est un passionné de musique qui a monté le label Makasound. Il m’a laissé carte blanche à défaut de carte gold, on ne peut pas tout avoir. J’ai donc tout enregistré à l’arrache chez des potes. La plupart des musiciens possède aujourd’hui un petit home studio avec protusle ou cubase. J’ai travaillé avec K.mille (no one is innocent, uht), Arno Elbaz( Bazbaz, Mc Anuff), Climbié (Faudil club de France), Nicolas Kassilchik (26 Pinel), Jérôme Paret (Swaat) et Jérome Van den Hole ( Van Den Love). Avec une trentaine de morceaux, je suis allé voir Laurent Guénau, un ingé son reconnu avec de la bouteille. Il a accepté de bosser sur le projet avec enthousiasme, il a taillé dans le lard, épuré, rajouté quelques musiciens additionnels et mixé le tout en 3 semaines. De la première maquette au mastering, j’ai dû mettre entre 6 et 8 mois.

Ta « plume » c’est aussi l’ illustration du livret du Cd ? En l’occurrence sacré coup de crayon ?

Arrêtes, tu sais que je rougis facilement ! Quand je cherche des textes, des idées, je dessine en permanence. Mes petits croquis me font penser aux pirates qui élaborent des cartes pour tracer leurs itinéraires…

A l’époque de Java tu avais évoqué votre association avec un gros label, pour cette aventure solo tu roules donc avec Makasound, un label indépendant ?

Makasound est un label entièrement indépendant géré par deux personnes: Nicolas Maslowski et Romain Germa. Ils sont passionnés de reggae et partent régulièrement en Jamaïque pour enregistrer des disques. Ils travaillent avec des pirates sur cette île. Ils font des rééditions d’albums et se sont mis à la production pure et dure depuis 3 ans. Ils ont sorti une collection INNA DI YARD regroupant des légendes du reggae avec des disques magnifiques qui sont parfois d’avantage plus proches du blues que du reggae. Actuellement, c’est avec eux que Fixi de Java réalise le prochain album de Winston pour une rencontre entre Jamaïque et accordéon. Et nous ferons une tournée commune avec Java, Radio Cortex et Winston Mc Anuff pour un abordage à la rentrée.

Alors avec Java, il y a eu la période « Sexe, Accordéon, et Alcool » (Album Hawai)
Puis « Sexe, Liposucion et Cholestérol » (Album Safari Croisière)
A présent quelle serait ta formule pour te laisser le mot de la fin ?

Si je me laisse allé au pessimisme, je te dirais : Foot, Pavillon et Paracétamol. Mais comme j’y crois encore j’espère que la paix viendra en musique car comme on dit à Belleville : Inchalala………..

Radio Cortex, R-WAN, sortie le 5 juin 2006 sur le label Black Eye

Le Label Makasound

  

Source : Le MAGue