Culture
Par A.K.
Publié le 01/12/23 à 05:39 – Mis à jour le 01/12/23 à 05:57
ALBUM. Touché par la ferveur du public pendant sa tournée « Dans mes cordes », qui s’achève en avril prochain et n’a cessé de se prolonger, le chanteur sort aujourd’hui un album enregistré avec un orchestre. On l’a rencontré à Paris.
Il rencontre la presse quotidienne régionale dans un restaurant du quartier de Montparnasse à Paris. Campé sur une banquette dans son veston Teddy rouge et blanc, une Puff rose bonbon saveur fraise dans la main, celle de sa nouvelle compagne Cerise dans l’autre, Renaud se montre d’abord réservé. Il confie que ce qu’il a dû apprendre du métier, en 50 ans de carrière, « c’est affronter les médias », « là je suis un contre quatre », dit-il, non sans esquisser un sourire. Créer une chanson a en revanche « toujours été fluide ». « Je ne fais jamais de brouillon, une fois que le premier jet est terminé, je ne reviens jamais dessus », ajoute-t-il de son phrasé rauque et saccadé, qui persiste malgré l’arrêt de l’alcool depuis deux ans et demi et de la cigarette il y a plus de 8 mois.
« Je suis un homme libre », se réjouit-il. Même s’il se plaît à entretenir la légende, du loubard tranquille, peinard, accoudé au comptoir… Quand on lui demande ce qu’il fait quand il arrive dans une ville pendant sa tournée, il nous répond du tac au tac : « Je suis au bar… à boire du Perrier ». En tout cas, Renaud l’affirme. Il va mieux, il chante mieux. Sa motivation pour arrêter de fumer, la seule fois de sa vie où il renonce au tabac ? « La tournée et Cerise. » Quant à la raison de cette tournée Dans mes cordes, qui a commencé à Avignon en janvier dernier et se poursuit encore en 2024 (le 12 mars au Pasino Grand à Aix-en-Provence) ? « Séduire Cerise », qui répond aussitôt, dans un échange de regards tendre : « Mais j’étais déjà séduite ».
Je ne sais pas quoi faire de ma vie, à part apporter un peu de bonheur aux gens.
S’il est remonté sur le ring, huit ans après le Phénix Tour qui a marqué son grand retour à la suite d’années de perdition, c’est aussi parce que Renaud s’ennuyait. « Je me suis dit : je vais partir en tournée, parce que je ne sais pas quoi faire de ma vie, à part apporter un peu de bonheur aux gens. Je vais donc apporter un peu de bonheur aux gens. Et je vais en prendre. »
Pour cette tournée, l’artiste iconique de 71 ans souhaitait être accompagné d’un ensemble à cordes, d’un piano, d’un accordéon, « un peu (sa) marque de fabrique ». « Et moi, je fais le chanteur statique, les mains dans les poches », s’amuse-t-il. Il a confié ce projet à son ami pianiste Alain Lanty qui l’accompagne sur scène. « Et quand il n’est pas là, parce qu’il fait aussi Sardou, il me confie son fils Pablo. »
Avec cette orchestration, il y reprend « ses chansons préférées », dont La teigne, Tant qu’il y aura des ombres… Parmi les 250 chansons qu’il a écrites, Renaud n’a d’ailleurs pas de mal à en citer quelques-unes. En plus de celles-ci, il évoque La pêche à la ligne, En cloque, Manu, Morgane de toi, Son bleu, Dans ton sac. Mais pourquoi a-t-il ainsi choisi de chanter avec des cordes ? « Mon père était un grand amateur de musique classique. J’avais 2-3 ans, il écoutait du Mozart à la maison, Petite musique de nuit. C’est pour ça que je la reprends sur scène. C’est ma Madeleine de Proust. Mais mon père m’a aussi influencé par ses disques de Brassens », souffle-t-il.
Parce que cette tournée s’accompagne « d’une ferveur », l’éternel chanteur au bandana rouge a décidé d’en faire un disque, mais avec seulement cinq titres en live, « ceux où le public chantait le plus ». « Je le dis toujours, mon public c’est mon meilleur pote », confie-t-il, sincère. Et d’ajouter : « Ça m’étonne toujours quand je vois qu’il y a des enfants de 7 ans comme des grands-mères de 77 ans ». Cette tournée, « plus facile » que la précédente, lui a visiblement donné des idées.
En 2025, Renaud envisage de parcourir les Zénith de France pour fêter ses 50 ans de chansons. « Je pense à plusieurs titres comme Les agrumes, Borne rouge, Miss Maggie… Avec l’envie de donner les chansons de façon plus électrique. » Et des nouvelles ? « J’ai deux brouillons inachevés. Je cesse un peu. J’essaie de faire une chanson pour Cerise, je n’y arrive pas. » À la réaction de ses proches, on comprend qu’il noircit le tableau.
Je le dis toujours, mon public c’est mon meilleur pote.
Nous sommes donc en 1975, lorsque des producteurs (Jacqueline Herrenschmidt et François Bernheim) découvrent Renaud dans un cabaret des Champs-Élysées, en première partie de Coluche. « Je ne savais pas du tout où je mettais les pieds, j’ai passé une audition chez eux, je pensais faire un single, ils m’ont proposé de faire un disque. Je me suis dit : ‘c’est super ! Ça va faire plaisir à ma mère et mes frères et sœurs’. Je ne pensais pas que ça me mènerait à une carrière comme ça ». Celui qui a commencé la chanson, « en dilettante », était par la même occasion « le trublion » du PAF. « Je détonnais un peu quand je suis arrivé à la télévision avec mon blouson en cuir, mon bandana, par rapport à Dalida, Carlos, Sheila qu’on voyait régulièrement chez les Carpentier », se souvient-il, en savourant son plaisir. Rebelle, l’écriture acide, la formule immédiate, une sensibilité à fleur de peau, Renaud est ainsi devenu, sans crier gare, un monument de la chanson française.
S’il a commencé sa tournée Dans mes cordes dans le Vaucluse, le chanteur, ému par la disparition de Robert Domenech, le patron du restaurant Le Bouchon, ne passe plus guère de temps à l’Isle-sur-la-Sorgue, où il a une maison. Il traîne désormais ses grolles du côté de Nantes, chère à Cerise, qui ne manque (quasiment) pas un concert. Tous les soirs, elle se glisse dans la salle et rejoint Renaud juste avant le rappel, pour lui apporter une petite tisane, avec du miel. Malgré l’expérience, il a toujours le trac en montant sur scène. « Que le public m’attende ça me fout le trac. » Il faut donc que Cerise soit présente, un peu comme pour ce rendez-vous avec la presse… qui se révèle inévitablement touchant.
Album « Dans mes cordes » (Parlophone) de Renaud, parution aujourd’hui.
En concert le 12 mars à 20 h 30 au Pasino Grand à Aix, de 39 à 69 €.