Kyo entre fiction et (triste) réalité (Interview)

L’Avenir

Kyo produit un 6e album avec un son plus brut que l’opus précédent.
Photo: Mélanie Lhote

 

Sur son dernier album, Kyo a imaginé un récit autour d’un triangle amoureux. Il évoque aussi avec pudeur les attentats de Paris.

Quasi quatre ans jour pour jour après la sortie de Dans la peau, Kyo propose son 6e album, La part des lions. Un disque qui revient aux fondamentaux rock du groupe, après avoir expérimenté d’autres sons sur l’opus précédent. Un disque enregistré chez nous qui contient aussi un mini-récit fictif autour d’un trio amoureux, ainsi qu’un duo avec Alice on the Roof. Rencontre en groupe avec Ben Poher, Nicolas Chassagne, Florian Dubos et Jocelyn Moze, le nouveau batteur.


Ben, vous êtes passé entre les gouttes au niveau de la pandémie…

B.P.: C’est vrai que beaucoup de groupes ont dû annuler leurs tournées, alors que nous, nous étions en train de finir l’écriture pour l’album lors du 1er confinement.

Avez-vous gardé la même méthode de travail que sur le précédent album, avec des instrus envoyées par les autres membres du groupe?

B.P.: Oui, on a continué à travailler comme ça… Mais pas mal de morceaux ont été écrits à l’ancienne, à la guitare acoustique, avant de les arranger de façon assez rock. En tout cas sur les morceaux du début: Margaux, Omar Marlow; Mon époque; Enfant de la patrie… Ensuite, cela reste assez organique dans des titres plus doux comme Quand je serai jeune…

 

Vous faites aussi un petit clin d’œil à Nirvana sur «Mon époque»…

B.P.: Ce n’était pas voulu. À la base, ce morceau était beaucoup plus lent. C’est en rajoutant des guitares, en cherchant des versions que cela sonne comme Nirvana.

Dans ce disque, plusieurs chansons se rejoignent autour d’un trio amoureux…

J.M.: C’est quelque chose qui est venu après l’écriture, quand nous étions en train de finaliser en studio. C’est Nico qui a remarqué que les personnages de Margaux, Omar et Marlow pouvaient se retrouver dans de nombreux titres. On a alors eu l’idée de faire des clips sur tous, et finalement on l’a fait pour quatre chansons, avec Akim Laouar (réalisateur de clips pour Lefa, SCH, Cascadeur…). Les trois premiers sont déjà sur Youtube et le quatrième arrivera en début d’année.

Ben, y a-t-il eu un film ou une histoire qui a servi de référence pour imaginer ce trio amoureux?

B.P.: Non, pas vraiment… Enfin si, la seule référence que j’avais, c’était le film d’animation J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin (NDLR: César du meilleur film d’animation) que Jocelyn avait vu. Il y a une ambiance particulière, avec une super-musique. Certains nous ont parlé de Breafast Club, que je n’ai pas vu. Le trio amoureux, c’est intéressant à développer. C’est déjà riche quand il y a deux personnages, alors quand il y en a trois…

Ils sont un peu paumés…

B.P.: Complètement! Omar est peut-être celui qui a le plus la tête sur les épaules. Mais il a aussi ses démons. Il y a cette relation à Margaux qui est ambiguë… Et il est un peu jaloux de Marlow qui a un esprit plus libre… Ce sont des personnages que l’on a beaucoup plus développés que ce que j’en dis dans les chansons, afin de les rendre le plus réels possible…

Ce n’est pas une volonté de changer pour nous, mais plutôt de transmettre.

Sur «Quand je serai jeune», vous évoquez la possibilité de changer le passé… Il y a des choses que vous voudriez changer, vous?

B.P.: Comme tout le monde, j’ai des petits regrets sur certaines choses, mais c’est anecdotique. Et puis il y a aussi cette peur de changer quelque chose qui aurait de l’effet sur le positif d’aujourd’hui… Mais la question ne se pose pas, puisque ce n’est pas possible (sourire).

F.D.: Cette chanson, c’est aussi passer un flambeau ou des conseils sur des choses dont on se rend compte plus tard, afin de poser les bons choix. Ce n’est pas une volonté de changer pour nous, mais plutôt de transmettre.

C’est un premier duo entre vous deux…

B.P.: Oui, et le prochain album, ce sera avec Nico, puis Jocelyn… (rires).

N.C.: Il y a déjà eu ce côté duo sur scène, mais jamais sur disque.

F.D.: Je pense que c’est dû au thème. Tous ne se prêtent pas à des duos. Ici, il y a une sorte de conversation qui s’installe.

B.P.: Flo a aussi eu l’idée de faire appel aux fans pour compléter la phrase «Quand je serai jeune, je…» et de prendre les meilleures propositions pour les chanter sur scène. Mais c’est peut-être un peu compliqué… On va voir…

C’est quand nous sommes venus ici en Belgique pour travailler avec Charles De Schutter que l’on a eu un coup de cœur sur la voix d’Alice.

Rayon duo, il y en a un autre avec Alice on the Roof, sur «Comète».

J.M.: C’est un morceau sur lequel on a tout de suite imaginé une voix féminine, mais sans idée précise de qui… Et puis c’est quand nous sommes venus ici en Belgique pour travailler avec Charles De Schutter (NDLR: ingénieur du son qui a travaillé avec -M-, Ghinzu, Empyr, Superbus…) que l’on a eu un coup de cœur sur la voix d’Alice, que l’on ne connaissait pas. Elle a dit oui et dès la première prise, on a été conquis.

Vous n’avez pas pour habitude de rattacher vos chansons à l’actualité. Mais sur ce disque, il y a «Paris», qui évoque les attentats du 13 novembre 2015…

B.P.: Quand les événements ont eu lieu, ce n’était pas le moment d’écrire une chanson. Nous étions sous le choc… C’est un morceau avec beaucoup de pudeur, cela reste difficile d’en parler.

Parmi les titres marquants, il y a aussi «Stand up», qui parle des pervers narcissiques…

B.P.: C’est un phénomène dont on parle de plus en plus. Cela m’était complètement étranger, mais j’ai trouvé qu’il y avait un mode opératoire commun à tous ces gens-là. Cela glace le sang et j’ai donc eu envie d’aborder ça…

Cela me faisait plutôt marrer ces petits trucs de voisinage. Et il y a des trucs que je n’ai pas dits…

L’album se termine par «Mon immeuble». On peut la qualifier de version «dark» de «Mon HLM» de Renaud?

B.P.: Vous n’êtes pas le premier à me dire ça… Il faut absolument que je l’écoute car je ne connais pas cette chanson de Renaud. Je me suis basé sur mon expérience, dans trois immeubles différents. Mais moi, je ne la trouve pas spécialement «dark». Cela me faisait plutôt marrer ces petits trucs de voisinage. Et il y a des trucs que je n’ai pas dits… Il y aura un Immeuble 2 sur le prochain album (rires).

La tournée se prépare?

N.C.: On a hâte, on a commencé à faire quelques petits concerts de 5 ou 6 morceaux à Montpellier et à Bordeaux. Là, on discute de l’ambiance que l’on voudrait sur scène. Cela commence fin février et l’envie est là!

Kyo, «La part des lions», Sony Music. En concert le 25 février 2022 au Cirque Royal, Bruxelles et le 26 mars 2022 à la Rockhal, Luxembourg.

 

Source : L’Avenir