La chronique à Renaud : Renaud se convertit

Causette

N° 69, juillet-août 2016

Une partie de mes potes Boozefighters du Chapitre 74 de Méthamis. En bas à gauche, Strom, le président. Des têtes de bandits, mais en réalité des anges…

Ça va les filles ? Ce mois-ci, je vais vous parler de ma famille, heu… pardon, de MES familles. J’en ai plein. Plein dans lesquelles j’ai été adopté comme un enfant perdu. D’abord de mes potes bikers des Boozefighters de Mécrin, dans la Meuse, et de Méthamis sur le mont Ventoux, soit à quatre pas de ma maison de L’Isle-sur-la-Sorgue. Les Boozefighters, comme leur nom ne l’indique pas, ne sont pas des bagarreurs à la bière, mais un club créé en 1946 aux États-Unis, un an après les bastons dans la ville de Hollister qui inspirèrent le film L’Équipée sauvage, avec Marlon Brando et Lee Marvin. À l’origine « Boozefighters » signifiait « les bagarreurs contre la bière », une bande de motards style Hells Angels qui luttaient contre toutes les addictions, notamment contre la bière. Le club de France a été créé quelques années plus tard, il fut le premier en Europe, aujourd’hui il est présent partout. Ceux dont je viens de vous parler, plus un en Bretagne (les Celtic’s), et depuis en Suisse, en Allemagne, en Scandinavie, en Belgique et même en Lituanie. J’en oublie.

La première fois qu’un ami (Henri Lœvenbruck) m’a introduit chez eux (c’est une image), ce fut il y a plusieurs mois à Mécrin. Un accueil exceptionnel, des amours de mec qui, sachant que j’étais sobre depuis quelque temps, ont dîné avec moi et vingt-cinq autres bikers et se sont tous sustentés pendant le repos au Coca zéro et à l’eau minérale. Sympa pour de grands buveurs de bière… Cela m’a touché infiniment. Peu de temps après, ils m’ont invité à un swap meet (une bourse d’échange de pièces de bécanes). Une ambiance folle, élection du plus beau chopper, de la plus belle moto, toutes travaillées, modifiées par leurs soins, un joli strip-tease par de bien belles bikeuses tatouées de partout, des stands de toutes sortes, badges, tee-shirts, insignes, pièces de bécanes en inox, cuivre, laiton, etc. Beaucoup de nanas, bardées de cuirs aux couleurs du club (ils appellent ça un chapitre), dont les filles des boozefighters, appelées les Boozettes.

Récemment, je me suis rendu à Gérardmer, dans les Vosges, où Harley-Davidson (pas rancunier, je roule en Indian) m’a proposé d’être parrain d’un festival sur trois jours. Trois jours de dédicaces au milieu de vingt mille bikers, encore une fois membre du jury pour la plus belle bécane, ouvrant le deuxième festival des Gérardmer Motordays et remettant les prix aux heureux vainqueurs. Le matin, belle virée en bécane autour du lac de Gérardmer, et puis trois jours de dédicaces pour environ 2500 pellos qui n’étaient là que pour moi… Ma deuxième famille c’est eux, ceux de mon public, si chaleureux, si sensibles, tellement humains… Comme je dis souvent : mon public, c’est mon meilleur pote.

Et plus j’ai connu Michel…

Michel est un biker juif, on est devenus potes (amis, même) et j’ai commencé par lui poser quelques questions… L’ami m’a quasiment converti. Oui, vous avez bien lu, converti au judaïsme. J’avais déjà pas mal d’amis juifs, parmi mes musiciens entre autres, j’en ai beaucoup plus aujourd’hui et ce depuis ma chanson Hyper Cacher. Raphaël Mezrahi m’a expliqué que ses petits cousins juifs tunisiens pleuraient en l’écoutant. Philippe Draï m’a dit la même chose sur sa famille à Jérusalem, et une nouvelle amie, Françoise Smadja, m’a offert et a posé, à ma demande, une mézouza sur la porte de mon appart parigot. Elle m’a aussi donné un livre de psaumes écrit par le Roi David, j’en lis un par jour et je ne vous dis pas ce que ça m’apporte comme sérénité dans ma vie de saltimbanque déchiré de partout. Michel m’a offert la Torah, que j’attaquerai bientôt, et j’envisage de porter une kippa en quelques occasions. Michel m’a expliqué la culture juive, la religion et ses préceptes, m’a expliqué les traditions (trop belles) d’une douzaine de millions d’âmes. C’est encore sûrement trop pour certains antisionistes qui, le plus souvent, utilisent le désarroi du peuple palestinien pour dissimuler un antisémitisme larvé. Personnellement, tout en pleurant la mort de tant d’enfants dans ce conflit, je suis réellement devenue philosémite, judéophile, militant toujours pour deux États libres et fraternels. Après tout, les Palestiniens sont bien des Sémites, eux aussi…

Michel m’apprend quelques mots d’hébreu, je me régale à les utiliser, je veux toujours en savoir plus et il me trouve bon élève… Voilà pour ma troisième famille. De cœur et d’esprit. De foi.

Je sens que je vais me faire voler dans les plumes par les pro-Palestoches de tous bords, mais je m’en fous, j’ai les filles de Causette avec moi. Enfin, j’espère…

  

Source : Causette