La Commune refleurira

BREAK MUSICAL

Il y 150 ans se déroulait la Commune de Paris. De cet anniversaire est née l’idée d’un album collectif pour en revisiter les grandes chansons [« Le temps des cerises », « L’Internationale »…] et des textes de Louise Michel, Jules Vallès, Arthur Rimbaud ou Victor Hugo.

Et il y a du beau monde sur ce disque, des artistes de toutes générations qui partagent une certaine conception de l’engagement : Les Ogres de Barback, Francesca Solleville, François Morel, Christian Olivier, Mouss & Hakim, Michèle Bernard, HK, Florent Vintrigner, Agnès Bihl, Corentin Coko, Melissmell, Thomas Pitiot, Les Croquants, Manu Théron, La Mal Coiffée, Damien Toumi, Ben Herbert Larue, Michel Bühler, Eyo’nlé…

Avec un titre d’album comme celui-ci, j’étais un chouilla déçu à la découverte de tous ces beaux noms de la chanson française, car moi j’ai découvert l’histoire de La commune avec l’album Amoureux de Paname de Renaud et spécialement pour la chanson Société tu m’auras pas. Et puis dès la découverte du premier extrait sorti en septembre dernier Ne dérangeons pas le monde par Les Ogres de Barback j’étais content d’entendre la voix du poto. Bon c’est le temps de trois secondes, mais ça suffit à mon bonheur… Car injustice serait qu’il n’y avait pas un clin d’œil de loin ou de près pour le titi parisien qu’il était. Demain, prends garde à ta peau, à ton fric, à ton boulot / Car la vérité vaincra, La Commune refleurira / Mais en attendant, je chante et je te crache à la gueule / Cette petite chanson méchante que t’écoutes dans ton fauteuil

Bref voilà, tout ça pour en venir à ce disque, qui au-delà de l’hommage pour les Communards qui ont défendu une République sociale contre la monarchie il y a 150 ans (séparation de l’Église et de l’État, instruction gratuite, laïque et obligatoire pour tous les enfants, ou encore droits des femmes), c’est aussi un hommage aux poètes et paroliers de l’époque (et par ricochet aux générations suivantes) qui ont fait vivre cet évènement important et historique de notre pays à travers leurs textes et leurs mots. Et c’est en toute logique qu’on retrouve sur ce double disque des noms claquants qui sont habitués à chanter haut les verbes, haut les points, la langue jamais dans la poche. Dans mes petites préférences, il y a Les Croquants qui chantent La semaine sanglante. Je pense à Melismell aussi, avec sa voix qui me fait trembler surtout quand elle reprend L’insurgé de Jules Vallès. Un texte hommage à Auguste Blanqui, prisonnier politique le plus « précieux » des adversaires de La Commune. J’aime aussi profondément Le temps des cerises. Reprise légère et pleine de vie entre amourettes printanières et désillusion révolutionnaire par HK. Ce n’est que mon avis, mais ce titre de Jean-Baptiste Clément qu’il dédia à une jeune ambulancière des barricades devrait être notre hymne nationale. La Commune refleurira c’est aussi de la chanson française nourrie d’accordéon, de cuivres, de guitares, d’un soupçon de java sur fond de bal populaire et d’une multitude d’instruments s’ouvrant au-delà des horizons avec parfois des airs de salsa, orientales, tsiganes et de tradition occitane. Des airs bien ancrées dans la tradition musicale des Ogres de Barback à la coordination artistique avec Corentin Coko. De quoi coller harmonieusement à ces textes d’avant-guerre, tout en y insufflant un voile de fraicheur. En ce sens je pense à l’excellente ouverture de l’album avec Elle n’est pas morte par Michèle Bernard ou encore à la surprenante version de L’internationale par Eyo’nlé et Francesca Solleville. C’est joliment osé et je salue l’ouverture vers l’originalité. Mais connaissant l’univers des Ogres rien ne peut nous surprendre. J’applaudis aussi Chant de guerre parisien d’Arthur Rimbaud par Christian Olivier, pour le texte, pour l’interprétation bouleversante, pour cette ambiance envahissante d’espoir qui vient se loger sous la poitrine. Puis aussi un peu pour l’introduction et la conclusion musicale qui me rappelle que l’ombre de Renaud plane plus que je ne l’imagine par ici. Bien qu’étant très récepteur de ce genre de projet, je ne ressens pas La Commune refleurira comme une nouveauté. Ce fil musical et historique que l’on tisse entre passé et présent je l’ai déjà apprécié avec Mouss & Hakim (présent sur l’album avec La Canaille) du temps de 100% Collègues et leur album de chants révolutionnaires « Motivés ». Qu’est-ce que je l’ai usé celui-ci… Dans une tout autre direction, j’avais une vieille k7 compilation rock « Sang Neuf en 89 » (ouais je suis vieux !)  qui fêtait les 200 ans de la révolution française avec Les Négresses Vertes, Les Chihuahuas, Les Wampas, Fifi & Masto, la Mano Negra… le gratin de l’époque. Puis y a eu l’album surprenant mais excellent de Ludwig Von 88, totalement inédit pour ne pas oublier l’horreur d’Hiroshima. Les Grandes Bouches avec « Jaurès ! Le Bal Républicain » aussi.

Le peuple au collier de misère
Sera-t-il donc toujours rivé ?
Jusques à quand les gens de guerre

Tiendront-ils le haut du pavé ?
(La semaine sanglante)

Bref, ce besoin de revenir dans l’histoire en musique, cet envie de perpétuer le devoir de mémoire est à applaudir un milliard de fois. Avec un album comme celui-ci, on ne doit rien lui reprocher. Comment se permettre de « critiquer » une intention si noble, si belle. L’album est fédérateur, c’est malgré l’horreur enthousiaste, c’est bienveillant sans jamais tomber dans le mielleux. Alors comment et pourquoi tenter se lancer dans des détails de fin critique musicologue alors qu’en face, des artistes s’engagent, partageant leur conscience militante pour nous permettre de ne pas oublier, pour nous aider à comprendre, pour nous offrir des connaissances, pour nous donner les clefs de la curiosité ? Et moi, un peu plus grandi par ces écoutes enrichissantes -car même si je connaissais un peu l’histoire de La Commune, je suis quand même allé sur l’internet pour relire, redécouvrir et par l’occasion apprendre de nouvelles choses- c’est bien l’un des points des plus essentiels de cet album-hommage : se nourrir du savoir de notre patrimoine. On en sort forcément toujours un peu moins bête. Je rajouterais que ce disque peut nous permettre aussi de nous retrouver, de nous rassembler autour d’un héritage. Pour danser, taper des mains et chanter cet héritage communard qui résonne encore dans certains faits de notre époque ! Ouais chanter l’espoir, scander la lutte et rêver d’utopie !


Tracklist

01 – Elle n’est pas morte / Michèle Bernard
02 – Bonhomme / Thomas Pitiot & Damien Toumi
03 – Quand viendra-t-elle ? / François Morel
04 – L’insurgé / MelissMell
05 – Paris brûle / Fredo
06 – La semaine sanglante / Les Croquants
07 – Jean Misère / Agnès Bihl
08 – L’internationale / Eyo’nlé & Francesca Solleville
09 – Sabem plan / Laurent Cavalié & La Mal Coiffée
10 – Chant de guerre parisien / Christian Olivier
11 – Paris agonisait / Coko
12 – Le temps des cerises / HK
13 – Le grand krack / Francesca Solleville
14 – Ne dérangeons pas le monde / Les Ogres de Barback
15 – La canaille / Mouss & Hakim
16 – Lo pan maudich / Manu Théron, Audrey Peinado & Arthur Bacon
17 – La mort d’un globe / Coko
18 – L’économie politique / Michel Bühler & Nathalie Fortin
19 – Sur une barricade / Ben Herbert Larue, MelissMell & Florent Vintrigner
20 – Le 26 mars / François Morel
21 – La Libertat / Le Choeur du Lamparo

08 octobre 2021
Irfan, le Label

www.irfan.fr

  

Source : BREAK MUSICAL