N° 51, 16 juin 1993
Renaud : Bille en tête
Les cendres de Pétetin à Douaumont !
Je sais toujours pas où j’ai envie de partir en reportage. En fait, j’aimerais bien trouver un coin de planète où il ne se passe rien. Mais alors, rien du tout. Mais un « rien du tout » qui fasse un bon papier quand même. Ma femme m’a bien conseillé le siège du P.S., rue de Solférino, mais ça remplit que la première moitié des conditions. Si vous avez une idée, amis lecteurs, n’hésitez pas à écrire à mon rédac’ chef. J’aimerais que ça soit pas trop loin, qu’il fasse ni beau ni moche, que personne me reconnaisse mais qu’on m’admire un peu quand même, que je puisse emmener mon chien, et qu’il y ait des nouilles.
J’irais bien en Italie.
Mais les nouilles sont pas terribles, là-bas. Et puis, c’est un pays où y s’passe plein de trucs, comme ici. Magouilles politiciennes, violence urbaine, racisme, chômage, droguage, misère et télévision. Avec en plus la Mafia qui fait péter les musées, c’est nouveau, ça vient de sortir. Pis c’est très légèrement dissuasif. Si tu vas en Italie sans faire les musées, autant rester en France sans faire les restos. Le plus beau de l’Italie est dans les musées. Le reste est assez moche. Bon, la Toscane, passe encore, une pâle imitation du Lubéron, quadras du P.S. en moins… La Toscane fait penser à ces paysages miniatures autour des trains électriques : c’est joli à regarder, mais faut pas marcher dessus. Sinon, quoi ? La Riviera ? Une Côte d’Azur en crade. La Lombardie ? On sait même pas où c’est. Les Pouilles ? Un terrain vague planté d’oliviers et qui rime avec rien. Quant à l’Italien, excusez-moi, mais bof… Il est gai quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin, mais ça, le Français aussi, même s’il a pas d’amour…
À moins que je parte dans les Pyrénées. Dans la vallée d’Aspe exactement. Là, hormis quelques batailles rangées entre méchants gendarmes et gentils écolos, quelques invectives entre anti et pro-tunnel, c’est pour ainsi dire le paradis terrestre. Je sais plus qui disait « la montagne, c’est le dernier jardin avant le Bon Dieu », eh ben, la vallée d’Aspe est bordée de montagnes comme j’en ai jamais vu d’aussi belles, même si j’en ai jamais vu beaucoup. La vie s’y écoule au rythme des saisons (putain, c’est beau !) et au milieu coule une rivière (c’est de moi). Mais dans la vallée d’Aspe, j’ai plus mon guide de montagne perso. Éric Pétetin s’est encore démerdé pour se faire enchrister. Huit mois. Si sa peine n’est pas diminuée lors du procès en appel qui aura lieu le 22 juin à Pau, il y a fort à parier qu’à sa sortie les bulldozers auront repris leurs activités valléicides. Alors, le dernier jardin avant le Bon Dieu sera devenu ce que les élus de tous bords en attendent depuis si longtemps : la dernière autoroute avant l’Espagne.
Je sais toujours pas où j’ai envie de partir en reportage. Mais j’ai intérêt à me magner de trouver un endroit, y m’reste plus qu’une semaine…
Source : HLM des Fans de Renaud