Laisse tomber, gros (paroles)

Intéressant article paru le 9 décembre 2018 dans le journal L’Est Républicain à propos d’une version Lorraine de la chanson de Renaud « Laisse béton » :

Si Nancy n’a pas de patois officiel. Il a sa reprise du titre « Laisse béton » de Renaud (1977). Un concentré de verve locale pur jus, avec « Laisse tomber, gros ».

Une reprise, écrite « en 1997 dans l’atmosphère sordide du fumoir de la Caf de Nancy où j’effectuais une mission en intérim… » explique le musicien Olivier de Saint-Max, auteur de l’adaptation. Et inspiré de la jeunesse de ce Nancéien pure souche, élevé à l’ombre des tours du quartier populaire de Champ-le-Boeuf. Et si dans la version de Renaud, l’action se situe dans un rade autour du flipper, dans l’adaptation Nancéienne, c’est autour de la mobylette que se décline le titre.

« Notre jeunesse dans le quartier, c’était la mob. On partait avec les copains en vacances à Gérardmer en mob ! »

Au-delà de l’expression « Comment qu’c’est gros, ça geht’s môl ? », inscrite au Panthéon du parler local Nancéien, le morceau compile toutes les expressions locales qui résonnent aux oreilles du cru comme autant de madeleines de Proust.

« C’était le langage de la banlieue Nancéienne. On empruntait à divers parlers. Comme le terme ‘’michto’’ (bien) à la langue des Tsiganes manouches, où ‘’natchave’’ (partir) qui devenait chez nous ‘’la tchâve’’. On empruntait aussi à l’argot parisien. Une ‘’poucave’’ (une balance) devient ici ‘’boucave’’, la ‘’meuf’’ (femme) est devenu ‘’mosse’’. En réalité, un type avait mal entendu un terme, il était déformé et on le répétait mal à l’infini… ».

Ecrite en 1997, l’adaptation d’Olivier de Saint-Max restera en sommeil pendant trois ans. « En 2000 j’ai rencontré David Vincent, chanteur du groupe Nancéien Les Amis de ta Femme. Il avait entendu parler du morceau et m’a invité à venir le chanter sur leur album ‘’Faut Qu’Ça Lime’’. L’album des Amis de ta Femme sort en 2001, tiré à mille exemplaires. » Le titre « Laisse tomber gros », mis en ligne fait le buzz. Et frise les 800 000 vues sur YouTube. « Le morceau a parlé à beaucoup de gens, bien au-delà de la Lorraine. » Jusqu’aux oreilles de Thierry Séchan, le frère aîné de Renaud, visiblement peu sensible au parler de Nancy…

« La reprise n’était pas du Goût de Thierry Séchan. Il a accepté de passer l’éponge pour le premier tirage de l’album, mais a interdit le morceau pour les tirages suivants. » L’album des Amis de Ta Femme connaîtra un certain succès. Et sera réédité plusieurs reprises, sans le titre « Laisse tomber, gros ». Devenu de fait collector.

Voici les paroles de cette chanson :

Laisse tomber, gros

J’étais tranquille, j’étais peinard, j’picolais une bibine
Le câtch est entré dans le bar, v’là pas qu’y chpeunait ma copine
Puis y s’est approché de moi, y m’a regardé comme ça :
« ta gonzesse wouah p’tain c’est de la jerce !
J’parie qu’c’est une reuleuleu, elle a une vraie tête de beubeu
Quoique si elle avait pas de loucaves, j’la bouillaverais bien dans la cave
J’te la tchourre, mets-toi la tchâve »
Moi j’lui ai dit : « laisse tomber, gros »

Il m’a filé une torgnole, j’lui ai ai filé un coup d’crosse
Il a sorti son Laguiole, j’lui ai filé ma mosse

J’étais tranquille j’étais peinard, je réparais mon bas-moteur
Le câtch est entré comme une fots pétée par le Diable, j’ai eu peur
Puis y s’est approché de moi, y m’a regardé comme ça :
« t’as un carbu, Lulu, woua y pue pas du cul
J’parie qu’c’est un Dellorto, un carbu comme ça c’est michto
Une pipe de quinze et après tu châbles, mais bon si tu t’crounches, c’est la lâtche
Ote-toi de d’là, fais pas la fâtche
Moi j’lui ai dit : « hin laisse tomber, gros »

Y m’a traité d’tapette, j’ai dit « alors là mon cul »
Il a sorti sa serpette, j’lui ai filé mon carbu

J’étais tranquille, j’étais peinard, j’m’amusais à planter mon chlâsse
Le câtch est entré dans le bar avec son survet’ super classe
Puis y m’a tapé dans la panse, et m’a regardé d’un air dense :
« comment qu’c’est, gros, ça gets môl ?
Ch’uis marâve par les chtars, si tu m’as boucave, t’es tricard
On va se chtôsse dehors, l’Henri, à grands coups de kit Malossi
On s’retrouvera à Charles III »
moi j’lui ai dit : « haa laisse tomber, gros »

Y m’a dit « enculé d’ta mère », j’lui ai dit « tu traîtes pas ma mère »
Y m’as dit « quessia t’as les pounches ? » j’lui ai dit « non j’ai pas les pounches »

Arkott la morale y’en a pas, allez Sandra on s’fout la tchâve
Monte derrière-moi j’ai un bicu, j’te mettrai p’têtre un doigt dans l’nez
En résumé yorsess ma mère, où qu’c’est qu’t’en est ? file-moi une chmère
Ici c’est rempli d’têtes de con, va y avoir d’la chtausse dans l’caillon »