Québec, lundi 15 juillet 1991
Laurence Jalbert en tomber de rideau
Le Festival d’été international de Québec, qui s’est terminé hier sur une note chaleureuse avec la prestation enflammée de la rousse Laurence Jalbert, aura été, cette année, le festival des tornades blondes !
une critique de FRANCINE JULIEN
LE SOLEIL
Tour à tour, Marjo, Renaud et… Jean Leloup ont soulevé l’enthousiasme ou provoqué la controverse dans cette 24e présentation qui s’annonçait au départ bien banale.
L’orage qui a chassé Marjo de la place d’Youville, les pompiers qui ont chassé Renaud du bar d’Auteuil et le verre cassé des bouteilles de… blonde qui a marqué le spectacle de Jean Leloup seront probablement les événements du cru 1991 qui passeront à la postérité.
Cette année, le volet international de la programmation proposait davantage d’heureuses retrouvailles (tels que Salif Keita ou The Nits), que de véritables découvertes. Le public a quand même craqué pour certains : la musique arabe dissidente de Cheb Khaled, le tzigane des Français Bratsch, la guitare hippie de l’Américain David Lindley, le théâtre musical de Philippe Léotard.
Noir de monde
Mais, hier, à la place d’Youville, les 10 jours passés semblaient déjà loin dans la tête des festivaliers qui ont profité de la chaleur enfin revenue pour s’offrir une soirée de ciné-parc au son de la voix de Laurence Jalbert… Car il fallait se rabattre sur l’écran géant installé à côté du palais Montcalm pour voir quelque chose, tellement la foule était compacte et… immobile ; pas de marée humaine qui montait et descendait en vagues sur la route qui sépare le rue Saint-Jean de la côte Dufferin, mais une mer stagnante, dense, impossible à fendre. Dire que les Montréalais croient avoir tout vu en matière d’embouteillages !
II y en avait partout, même derrière le palais Montcalm, sur les murs suivant la rue Dauphine, assis par centaines dans l’entrée du stationnement de la place d’Youville et même à l’emplacement prévu pour le bar-terrasse du festival d’été, défait il y a quelques jours… faute de clients !
La rousse chanteuse a ravi tout le monde avec ses airs que tout le monde reconnaissait instantanément, ses interprétations de Pag et de Janis, ainsi que quelques nouvelles compositions qui ont eu l’heur de plaire à tout le monde. Comme quoi il serait bien temps que Laurence Jalbert retourne à ses cahiers et ses claviers pour concevoir un petit frère à son disque Tomber !
Cette soirée de fermeture démontrait bien, une fois de plus que le public québécois préfère encore les valeurs sûres, les sentiers battus et a accouru pour les Leloup. Lavoie et compagnie.
À l’Afrique
D’ailleurs. Marjo a reçu le prix du spectacle le plus populaire, attribué par le public au scrutin universel. Le résultat a été dévoilé hier, en fin de journée.
Et pendant que les habitués du festival affichaient leur enthousiasme pour Marjo, le jury du 3e Prix de la chanson francophone marquait son évidente préférence pour les artistes africains : l’Algérien Cheb Khaled, dont le rai pop-arabe a fait danser la foule au Pigeonnier, vendredi, a reçu le prix de l’espace francophone ; le Malien Salif Keita, a reçu le prix spécial du jury, pour « l’émotion intense qu’il a su transmettre avec élégance et sobriété », tandis que le Sénégalais Ismaël Lô recevait une mention spéciale pour l’originalité de sa démarche.
Le jury a par ailleurs attribué le prix de la meilleure prestation scénique à la chanteuse Carole Laure — la seule artiste du Québec qui n’a pas attiré de foule record à la Place d’Youville — et accordé une mention spéciale à l’unique spectacle que Steve « Cassonade » Faulkner a livré au Pigeonnier, vendredi.
Enfin, le prix de la chanson d’expression française est allé au comédien-chanteur Philippe Léotard pour qui le jury a reçu un « coup de foudre à haute altitude », selon le président de cette année, le romancier français Yves Simon. Celui-ci a cependant voulu souligner la ferveur du jury à l’endroit du chanteur Richard Desjardins. « Mais comme il a reçu le prix du dernier festival, on aurait eu l’impression de reculer en arrière » en lui remettant de nouveau un prix.
Le reste du jury était par ailleurs composé de Marie-France Bazzo, Anne-Marie Paquotte, Jean-Servais Bakyono, André Mignolet, Manda Tchebwa Tcha Malu et Jean-Luc Wallraff.
Puis, comme à chaque année, le Festival d’été a voulu rendre hommage à un artisan du monde de la chanson en décernant son prix cette année à Luc Plamondon, qui succède ainsi à Léo Ferré.
Source : Le Soleil