Le Basque est-il musulman ?

Charlie Hebdo

N° 29, 13 janvier 1993

Renaud : Bille en tête

Sous la pelote, la main

Le Pays basque est un pays à peu près tout petit mais coupé en deux par les Pyrénées. Dans le nord vivent les Basques du Nord, dans le sud vous avez deviné. Plus généralement, nous appelons les Basques du Nord des « Français », et ceux du Sud des « espingouins ». Et quand je dis « nous », je me comprends, c’est de « vous » que je parle. Mais après tout, me direz-nous, z’avaient qu’à pas se fabriquer un pays à cheval sur deux autres. Nous avez raison. Au départ, en mille ch’ais pas combien, le Pays basque était un vrai pays avec tout ça qu’y faut, des frontières, une armée, un drapeau, une langue, des auto-écoles et tout et tout. Puis la France et l’Espagne, dans un souci de rapprochement tout à fait compréhensible, et énervées par ce petit pays minusculaire qui se permettait de faire payer des droits de passage pour accéder aux stations de sports d’hiver pyrénéennes, décidèrent de l’annexer, fifty-fifty, tu prends le Nord, yo prendo el Sud.

Depuis, donc, nous avons deux régions qui veulent redevenir un pays à part entière et c’est assez chiant car, à l’heure où l’Europe abolit ses frontières, elle va pas s’emmerder à en créer de nouvelles pour faire plaisir à un tout petit peuple de rien du tout. Et quand je dis « peuple », je suis très généreux. Car finalement, qu’est-ce qui différencie un Basque (du Nord) d’un Béarnais ? Et un Basque (du Sud) d’un Catalan ? Deux-trois traditions folkloriques, un dialecte bizarre avec plein de X et de TCH, et un sentiment d’appartenance à un peuple différent, héritier d’une culture différente. Cela suffit-il pour redessiner l’atlas ?

Si encore le Basque était musulman comme le Bosniaque en Serbie ou arménien comme le Croate au Kosovo…

Cela mis à part, il est vrai que le Basque possède une culture bien à lui. Prenons les bergers, par exemple. Au Pays basque, ils sont perchés sur des échasses. Quand un berger normal fait pipi contre le mur de la grange, le berger basque pisse sur le toit dans la cheminée. La tradition du bergeage sur échasses remonte à des temps tellement immémoriaux qu’aujourd’hui plus personne ne sait les raisons qui poussèrent les premiers bergers à ainsi s’échasser. On prétend qu’autrefois, au lieu de garder les moutons, les bergers basques gardaient les ours. L’ours est un redoutable bouffeur de couilles de berger. D’où, peut-être, l’obligation de se percher pour le mener paître. Aujourd’hui, c’est l’ours qui s’est fait couper les couilles par la politique autoroutière franco-espagnole, mais la tradition continue.

Une autre spécialité basque est la « pelote ». La fameuse « pelote basque », qui est un peu au tennis ce que l’onanisme est à l’orgasme : on ne joue qu’avec la main et on gagne à tous les coups. Car en pelote basque le joueur n’a pas d’adversaire. Il joue tout seul contre un mur à la con. Il peut donc tricher tout son saoul, le mur reste de brique. La pelote basque fut inventée par un carabinier espagnol, Ramuntcho Pelotas, avec qui personne au pays ne voulait jouer à la baballe. « On youe pas aveco les jachachins ! » lui répondaient systématiquement ses petits camarades de l’ETA. Comme, de toute façon, il n’avait pas de raquette, il s’en alla, dépité, lancer sa baballe contre le mur d’une grange, elle lui revint dans la tronche, pleine de pisse de berger, le jeu était né. Aujourd’hui encore, la pelote basque se pratique à la main, mais aussi avec une « chistera », petit panier d’osier cintré comme une banane mais moins bon. D’ailleurs, en anglais, « panier » se dit « basquette », je l’ai pas inventé, ces gens-là nous ont tout piqué.

Enfin, nous voilà avec le « béret basque », très apprécié des touristes japonais qui visitent la butte Montmartre. Le béret basque n’est pourtant jamais qu’un étui à Frisbee légèrement prétentieux…

Comme villes, au Pays basque nous avons Bayonne, Biarritz et Saint-Jean-Pied-de-Port, dont les spécialités sont, respectivement : le jambon, les surfeurs hawaiiens, et les réfugiés basques menacés d’expulsion. Le jambon de Bayonne est très bon (à part peut-être pour le Basque musulman), le surfeur hawaiien n’est pas mauvais non plus, quoiqu’on puisse lui préférer son homologue féminin sensiblement plus bandante dans sa combinaison fluo, quant au réfugié, très joli également, il attend dans la clandestinité que les flics socialistes le livrent à la police espagnole qui torture joliment aussi.

 

  

Sources : Chroniques de Renaud parues dans Charlie Hebdo (et celles qu’on a oubliées) et le HLM des Fans de Renaud