Par Guillaume Grasset
Renaud, 71 ans, malgré sa voix limitée, a ému et mis dans sa poche le public de Margny-lès-Compiègne.
On ne va pas vous refaire le coup du «toujours debout». Mais c’est le sentiment général partagé par les spectateurs du concert de Renaud, après deux heures sur la scène du Tigre à Margny-lès-Compiègne.
Mardi 11 octobre, bandana rouge autour du cou, blouson de cuir ou blouson en jean sur les épaules, les fans du poète gavroche sont venus partager un moment intimiste avec l’artiste. Toujours debout, oui, et toujours généreux, tant dans la présence que dans les confidences sur sa vie. Il ne cache rien, Renaud.
«Depuis trois ans, j’ai pas bu une goutte d’alcool», s’approchant du piano pour s’y accouder comme à un comptoir de bar, afin de s’enfiler quelques gorgées. «C’est de l’eau», précise-t-il. C’est vrai, c’est transparent. «Et ça fait dix-sept mois que j’ai pas fumé une cigarette», une abstinence «plus héroïque encore que pour l’alcool», estime-t-il. Tout le monde applaudit la performance.
On ne va pas juger, sachant qu’on a envie de faire pipi, après deux verres d’apéro. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait rater l’entrée de Renaud, sur scène à 20 heures pétantes.
Renaud avec un orchestre sur scène
«Les photos ne sont pas interdites, c’est des conneries…» dit Renaud pour rassurer le public. Quelques téléphones s’élèvent à l’horizon, pour une photo discrète ou une vidéo. Mais pas d’abus. Le public ne veut pas voir Renaud à travers son écran.
Il n’est pas tout seul, Renaud. Il est accompagné de six violonistes, d’une violoncelliste, d’une guitariste, d’un accordéoniste et d’un pianiste. Assis au troisième rang, un peu à gauche de la scène, j’aperçois d’ailleurs la plus jolie violoniste au monde. Elle est au premier plan.
Mais Renaud a ce pouvoir magnétique de me faire (par moment) détourner le regard vers lui. Et aussi vers les autres violonistes, que je n’avais pas encore vues. Une violoniste est toujours jolie, c’est comme ça. Tout comme, finalement, une violoncelliste, une guitariste, mais aussi un pianiste ou un accordéoniste. Voilà, comme ça, pas de jaloux ! Et surtout, pas de sexisme !
Le public chante à la place de Renaud quand c’est trop aigu
Le petit chat est mort, dit-il tristement. Ça me fend le cœur. Mais mon voisin me dit que c’est le titre de cette première chanson. Avant d’enchaîner sur La Pêche à la ligne. Le public connaît les titres par cœur. Quand Renaud tend le micro, les spectateurs prennent le relais.
Un échange poussé au maximum, pour Manhattan Kaboul, le tube qu’il chantait avec Axelle Red au début des années 2000. C’est le public qui chante les passages autrefois entonnés par la Belge.
«Vous êtes chauds bouillants», félicite le Titi. Avec sa voix cassée, rocailleuse, perdue à jamais… mais si touchante, quand on se retourne sur le parcours de vie de l’artiste. On ne comprend pas toujours, mais peu importe, confirme Ludo, Compiégnois de 45 ans, qui vient de s’acheter un bandana et un mug «Renaud».
«Cerise, mon amoureuse»
«C’est Cerise qui l’a remis sur le droit chemin», dira Pierrette Depret de Braine-sur-Aronde, après le concert. Cerise ? «C’est mon amoureuse depuis quatorze mois et pour toute la vie», confie Renaud sur scène. Ma Gonzesse, celle que je suis avec… entame Renaud. «Une chanson écrite pour ma femme de l’époque mais chantée pour celle d’aujourd’hui», précise Renaud.
Le registre passe du philharmonique au folk, voire à la musique cajun. Le public a droit à En cloque, Marchand de cailloux, C’est quand qu’on va où, Manu, Mort les enfants (une chanson anti-militariste), Germaine, une Face B d’album intitulée les Cinq sens, La Mère a Titi…
Et une reprise de «Michel Sardou, un grand chanteur français», c’est Renaud lui-même qui le dit. «Aucune réaction dans le public», constate l’artiste. Normal, c’est une blague. «En fait, c’est une reprise de Patrick Bruel», plaisante-il à nouveau. «C’est pas mieux», estime mon voisin de chaise. C’est vrai que Renaud est un chanteur de gauche. Mais finalement, il va reprendre, comme un clin d’œil, Quand j’étais chanteur, la chanson de Michel Delpech qui dit «j’ai appris que Mick Jagger est mort dernièrement».
Et en plus, on a le droit de prendre des photos pendant le concert
On enchaîne avec Cinq cents connards sur la ligne de départ, puis Son bleu… Un intermède Mozart avec les musiciennes de Renaud qui vont interpréter brillamment La Petite musique de Nuit.
A la fin du concert, pour les dernières chansons, les spectateurs sont invités à investir l’espace entre la scène et le premier rang. Là, il y a moins de retenue pour les photos et les vidéos. Au grand dam des spectateurs des premiers rangs. Ça bougonne un peu… C’est vrai que c’est agaçant. Je le sais, j’ai tout filmé !
Arrivent les chansons éternelles : Mistral gagnant, Dès que le vent soufflera… Un titre méconnu : Tant qu’il y aura des ombres. Puis Morgane de toi, écrite pour sa fille Lola. Dans le public, Marine, 23 ans, et Julien, 31 ans, de Saint-Just-en-Chaussée, sont aux anges. C’est pour leur passion commune pour Renaud qu’ils ont baptisé leur fille Lola, âgée de six mois.
Planter un oranger pour se quitter
La ballade nord-irlandaise Planter un oranger clôt définitivement le concert.
«On vient aussi pour ses textes, reprend Ludovic Dupuis, à la sortie, avec son pote Sébastien Durand. C’est un poète. Ces chansons sont toujours d’actualité. Mistral gagnant est la plus belle chanson de France.»
Adrien Erlich, un fan de Grandvilliers, attend au cas où, d’apercevoir son chanteur préféré, qui viendrait signer quelques autographes à la poignée d’irréductibles. Il ne viendra pas. «On a vu une voiture dans laquelle il devait être», se résigne, avec le sourire, ce jeune homme qui a ses places pour les concerts de Forges-les-eaux et Amiens.
Le Compiégnois Régis Lefèvre, ancien journaliste au Parisien, et auteur d’une biographie sur le chanteur, a écrit ses impressions sur Facebook. «Malgré mon inquiétude légitime par rapport à ses performances vocales, Renaud nous a enchantés. Revisitant ses grands succès, ceux qui nous ont fait rêver pendant notre jeunesse, il a transporté son public, criant, chantant, et klaxonnant même sur le parking !»
Source : Oise Hebdo