N° 122, 28 mai au 10 juin 1980
Renaud fait dorénavant partie des têtes de la chanson française. Son personnage, son style sont aujourd’hui bien installés. A Salut !, nous nous sommes penchés sur ses textes que nous avons relus avec beaucoup d’attention et c’est justement en lisant les textes de Renaud que nous est venue l’idée de faire ce dictionnaire sur le langage de Renaud, de « Laisse béton » à « Marche à l’ombre », titre de son dernier 30 centimètres. C’est lors d’un déjeuner qu’il nous a donné la signification de tous les mots en argot ou en verlan qui figurent dans ses chansons. Si certains mots ou phrases vous ont échappé, ce dictionnaire vous permettra d’en comprendre le sens et peut-être de pouvoir les utiliser à l’avenir. Alors lisez vite ce drôle de dictionnaire.
Laisse béton :
C’est du verlan. C’est également de l’argot urbain qui s’emploie notamment dans toutes les villes. Le verlan est très utilisé maintenant. Il consiste à intervertir les syllabes dans les mots pour que les flics et les bourgeois ne comprennent pas. « Laisse béton », en l’occurrence, ça veut dire laisse tomber.
J’étais peinard :
J’étais tranquille, à l’aise.
Les santiags :
Ce sont des bottes pointues mexicaines avec le talon en biseau et une tige haute sur laquelle sont dessinés de aigles. C’est ce que je porte le plus souvent. Santiags, ce n’est pas une marque de botte mais un style.
Mecton :
C’est un mec, un petit mec. Je pense qu’un mec tout le monde sait ce que c’est.
Je te chouraverai :
C’est la première personne du futur du verbe chouraver qui signifie voler, en manouche. C’est de l’argot qui était utilisé à la base par les manouches et qui, maintenant, est employé par tout le monde.
Arrête ta frime :
Arrête ton cinéma.
Pas crégnoss :
Je ne sais pas exactement d’où ça vient. Je ne connais pas l’étymologie du mot, mais ça doit venir, je pense, du mot craindre, donc c’est quelque chose qui ne craint pas, quelque chose de bien.
Une mandale :
C’est une gifle, c’est de l’argot populaire.
Y’aura peut-être des morues :
Y’aura peut-être des jeunes filles pas vraiment distinguées.
Ma gonzesse :
C’est ma fiancée, ma minette, ma petite amie.
Des épaules de velours :
C’est une phrase poétique, c’est une phrase en rapprochement avec le fameux proverbe « une main de fer dans un gant de velours » ; alors moi j’ai dit un blouson clouté sur des épaules de velours. On peut avoir un blouson clouté qui fait viril et voyou, les épaules dessous le blouson sont douces, pas violentes, même pas musclées, ni méchantes.
Un futale :
C’est un pantalon. On dit aussi un fute.
Elle partage mon cassoulet :
Elle partage mon bifteck, elle partage mon pain quotidien, si on veut être chrétien. J’ai choisi cassoulet à cause de la rime, ça aurait pu bien être un jambon-beurre ou spaghettis.
On dirait des calots :
C’est les yeux. Ça n’a rien à voir avec les petits chapeaux millarès, ça a un rapport avec les grosses billes qui valent cinq balles, elle a des yeux tellement beaux qu’on dirait des calots.
J’t’allonge une avoine :
C’est je t’envoie une baffe ou un coup de poing dans la gueule.
Ça sera pas du cinoche :
Ça sera pas du cinéma, ça ne sera pas de la frime, ça sera pas pour de rien, tu t’en souviendras.
Sans déc’ ? :
C’est sans déconner, c’est vrai ce que tu dis, tu déconnes pas ? ou j’t’assure que c’est vrai ce que je dis, je raconte pas de conneries.
Lui coller un marmot :
C’est lui faire un enfant. Et quand elle fait son enfant, elle crache son singe ou son nain.
Ça fait un bail qu’on s’est plus bastonné avec la flicaille ou des garçons bouchers :
Ça fait un moment qu’on ne s’est plus battu avec des flics. Quels qu’ils soient, pour moi, dans ma tête, les garçons bouchers, c’est le symbole du mec qu’a du sang plein les pattes, dans le tas il y en a peut-être des sympathiques, des anars.
On a pris les bécanes et on s’en arraché :
Nous avons enfourché nos motocyclettes et nous sommes partis.
Moi j’suis pas un fondu :
Moi, j’suis pas complètement débile, stupide.
Qui nous mataient à mort :
Qui nous regardaient terriblement, qui nous regardaient avec insistance.
On s’est frité :
On s’est battu.
J’t’éclate la cervelle :
Ou je t’éclate la tête.
Et l’espèce de ringard :
Une espèce de pauvre mec.
Marche à l’ombre :
C’est une expression qui vient de Marseille, enfin, je pense, car moi je l’ai apprise à Marseille, c’est de l’argot méditerranéen. Marche à l’arrière, passe à l’ombre, méfies-toi du soleil, il t’a déjà pas mal tapé sur la tête.
L’baba-cool cradoque :
Cradoque c’est cradingue, crasseux. Baba-cool, c’est le genre de gens qui ont mal vieilli, qui ne veulent pas vieillir, qui sont restés dans la tête et dans l’aspect physique, esthétique, vestimentaire très Mai 68. Une mentalité très Krishna, peace et love, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Un baba-cool, dans la tête des loubards, c’est tout ce qui n’est pas loubard.
Tu m’fous les glandes :
Ça veut dire : tu m’énerves. J’ai les glandes du bas du corps qui remontent à la gorge.
Qu’est-ce qu’elle vient nous frimer la tête ? :
Pourquoi vient-elle nous faire son cinéma, nous regarder de haut ?
Maquillé comme un carré d’as :
J’ai surtout mis ça pour la rime, bien maquillé, trop maquillé.
Débarqué dans mon gastos :
Ça vient de l’allemand gasthaus, qui veut dire auberge, expression employée surtout chez les prolos.
Reluque la tronche à la poufiasse :
Reluquer c’est regarder, la tronche c’est le visage, poufiasse c’est plus gentil que morue, une poufiasse c’est une pauvre conne.
Vise la culasse et les nibards :
Regarde les fesses et les nichons.
Arrache-toi d’là :
Casse-toi, va-t’en, tu sens mauvais.
J’peux pas saquer les starlettes :
C’est-à-dire les petites gonzesses qui se prennent pour des stars de cinéma.
Un p’tit rocky barjo :
C’est-à-dire un p’tit mec qui porte un blouson de cuir, et qui veut rouler. Barjo, je crois que c’est du verlan, qui vient de jobard, qui veut dire paumé, débile.
Je suis bâti comme un sandwich S.N.C.F. :
C’est-à-dire tout petit, tout maigre, rachitique.
Source : Salut !