Le dieu Renaud sur un arbre perché

Le Courrier Picard, le

par Jacques Goffinon

Près de 4 000 personnes ont assisté jeudi soir au parc des expos d’Amiens au spectacle champêtre de Renaud. Inclassable, Renaud a préféré se hisser au-dessus des autres chanteurs en se réfugiant dans son arbre !

Avant-hier soir, ça bouchonnait à plusieurs centaines de mètres de l’entrée du parc des expositions de la capitale picarde. Les automobilistes faisaient-ils la queue pour aller à un meeting politique ? Non, tout simplement le chanteur Renaud avait donné rendez-vous à son public picard après l’avoir boudé pendant de nombreuses années.

Le grand hall du parc des expos semblait presque vide et pourtant quatre mille spectateurs étaient venus ; parmi ceux-ci de nombreux sosies de Renaud. Les cuirs cloutés, les chevelures blondes, les jeans pour fesses étroites et les santiags étaient de rigueur pour cette communion avec celui qui veut être en marge du show-business. Même s’il adore cracher dans la soupe, il n’a pas oublié d’empocher jeudi soir la très coquette somme de sa prestation, plusieurs années de salaire d’un smicard !

Le renard et le corbeau

Pas facile d’accéder dans le saint des saints, la loge du Dieu vivant ; ses gorilles recrutés plus sur leur physique que sur leur intelligence, font un rempart de leurs muscles et de leur graisse. Puisque « Le Courrier » patronnait ce gala, nous étions les seuls à pouvoir pénétrer dans le temple.

Désolé, mais mis à part quelques banalités, Renaud décompresse avant de monter sur scène : il doit choisir quel tee-shirt savamment déchiré il va mettre, quel blouson perfecto il va enfiler et quelle teinte va avoir son pantalon étriqué. Quel dur métier, heureusement qu’il y a sa (basse) cour pour lui remonter le moral.

Pendant ce temps-là, le public grossit et commence à appeler son Renaud ; celui-ci est l’un des seuls chanteurs français à respecter les spectateurs. A l’heure dite, le gala doit commencer. A Amiens, il débutera avec près d’un quart d’heure de retard, tout le monde cherchait le technicien municipal pour qu’il éteigne les lumières dans la salle !

Le voile noir qui masquait l’immense scène est retiré. La surprise est grande sur un vaste gazon naturel est planté un colossal chêne de six tonnes dans lequel sont juchés les choristes et musiciens.

Au pied de l’arbre, Renaud qui va jouer pendant près de deux heures un des remakes d’une fable de La Fontaine, Le renard et le corbeau. Cela va être grandiose.

Avec ses tripes

Le chêne est l’arbre de vie ou des vies de Renaud. Il sera tour à tour drôle, caustique, chansonnier, romantique … Il adore dialoguer avec son public qui n’attend que cela, mais aussi avec ses musiciens. Avec ces derniers, c’est un peu trop long et cela coupe la dynamique du spectacle.

Le show de Renaud est grandiose. La moitié de la réussite vient des décors et des fantastiques jeux de lumière et l’autre moitié du talent du chanteur anticonformiste, qui prend un malin plaisir à ridiculiser le petit monde artistique, comme Gui Béart, Rika Zaraï, Florent Pagny, David et Jonathan … c’est facile et démago.

S’il déteste le Top 50, il aime vendre beaucoup de disques. Avec « Femmes que j’aime », « Ne me jette pas », il est le Renaud qui oublie de chanter avec ses tripes, mais qui s’exprime avec son cœur.

Eternel révolté, il est écœuré par l’attitude de certains : « La connerie et la méchanceté sont malheureusement bien partagées dans tous les pays. En France, le tiercé est l’opium du peuple ». Il adore jouer les moralistes et faire un clin d’œil à la politique. S’il adore le tonton de l’Elysée, il mettra en boîte ses potes Hernulang

Dans la capitale picarde, Renaud a fait un tabac. Son public avait vraiment besoin de lui et espère qu’il n’aura pas à attendre de nombreuses années pour le revoir.

 

Source : Le HLM des Fans de Renaud