Le « Mistral gagnant » de Renaud n’était pas que du vent !
QU’EST-CE QUE VOUS ME CHANTEZ LÀ ? Si les enfants du Liban des années 60-70 ont toujours eu en mémoire les chewing-gums « Bazooka », Renaud, lui, a son « Mistral gagnant ».
Colette KHALAF | OLJ
10/08/2012
Une chanson « douce-amère » composée en 1985 et qui parle de la nostalgie de l’enfance. Dans son roman À la recherche du temps perdu, Marcel Proust a établi ce lien devenu célèbre entre une simple madeleine et un souvenir. À travers une simple gâterie, il réussit à remonter le fil de la mémoire. La madeleine de Proust, c’est le détail qui rattache au passé, qui réveille les sens. Renaud fait le chemin inverse. Il s’agit là encore d’une mignardise qui touche donc au sens gustatif, mais pour lui c’est la nostalgie qui ramènerait à ce bonbon aujourd’hui disparu. Renaud évoque dans cette chanson ces choses éphémères qui disparaissent et ce temps qui file entre les doigts. « Te raconter un peu comment j’étais mino/ les bonbecs fabuleux qu’on piquait chez l’marchand/Car-en-sac et Minto, caramel à un franc/ et les Mistral gagnants. »
C’était en 1985. Renaud a changé d’allure. Il a troqué son habit de petit titi parisien et par la suite d’affreux loubard en blouson de cuir contre une figure paternelle plus douce. Dans Mistral gagnant, il ne s’agit plus de chanson engagée comme Laisse béton ni même anarchiste, mais d’un texte adressé à sa fille. Il se confie à elle en parlant « du bon temps qu’est mort ou qui r’viendra ». Mais ce n’est pas exactement de son enfance dont il s’agit puisque ces bonbons, dont l’emballage contenait une mention soit « perdant » soit « gagnant » et qui permettait éventuellement d’obtenir un nouveau mistral gratuit, avaient déjà disparu du marché. Renaud aurait donc « édulcoré » sa mémoire en dessinant à sa fille Lolita sa propre enfance. Ce n’est plus un enragé, « un énervé » comme il se définit, qui chante, mais un père nostalgique. « Un Mistral, c’est un bonbon que je mangeais quand j’étais petit. Ça se présentait comme un petit sachet avec une petite poudre acidulée dedans qui s’aspirait avec une petite paille en réglisse. C’était très bon. De plus, il y avait une petite languette en bas du sachet qui se soulevait, et où il était marqué “gagné” ou “perdu”. Lorsqu’on tombait sur le “gagné”, on avait droit à un autre Mistral. Nous étions tous à la recherche des Mistral gagnants parce que pour un on en avait deux, dit-il. C’est une chanson qui parle de mon enfance et de celle de ma fille à travers mes yeux. Plus elle grandit, plus je me vois vieillir… »
Une chanson bien française trempée dans la culture gourmande de la France qui a été chantée par la suite par plusieurs artistes différents. Ce « Mistral » était aussi gagnant en 2001. Lorsqu’il reçoit une Victoire de la musique pour l’ensemble de son œuvre, Renaud monte sur scène pour interpréter cette chanson. Sa prestation est alors catastrophique. Sa voix est complètement faussée et l’alcool le rend méconnaissable. En regardant par la suite sa performance, le chanteur se rend compte de l’urgence de se ressaisir.
Mistral gagnant : un piano et Renaud ainsi qu’une nostalgie maladive de l’enfance et une conclusion qui résume en quelques mots le parcours de cet écorché vif : « …Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie et l’aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants, et les Mistral gagnants… »
Source : L’Orient-Le Jour