Le naufrage de Renaud

Nos lendemains

Renaud – Image du clip Coronavirus, connard de virus.

Pourtant, qu’est-ce qu’on l’aimait, ce petit gringalet, épais comme un sandwich sncf, avec ses cheveux blonds filasse, sa croix autour du cou, son perfecto et ses révoltes, nos révoltes, qu’il chantait d’une voix hésitante et souvent fausse et savait, mieux que personne, nous parler de l’intransigeante Margaret Thatcher, de l’injustice vécue par les petites gens, de l’écologie ou de la nostalgie du temps qui passe : Mistral Gagnant a été sacrée plus belle chanson française de tous les temps avec Ne me quitte pas, de Jacques Brel et l’Aigle noir, de Barbara. Frissons garantis.

Aujourd’hui, j’avoue que je n’ai pas pu regarder son dernier clip jusqu’au bout. Par gêne pour lui. Par déception pour la prose indigente, et raciste qu’il appelle une chanson. Jugeons plutôt « Coronavirus, connard de virus. Retourne en Chine, ou on mange des chiens et des pangolins etc… etc… ». Tout est à l’avenant. Y compris cette sorte d’orchestre improvisé dans son jardin de l’Isle sur la Sorgue où il vit depuis de nombreuses années.

Vieux loubard abîmé par l’alcool, perfecto sans manche sur des bras tatoués et boursouflés. Ce qui faisait le charme de ce post ado à la rengaine poétique et populaire devient, 35 ans après Miss Maggie, quasiment insoutenable aux yeux, au cœur et aux oreilles.

Quel producteur disjoncté a pu laisser sortir ce single et cette vidéo sur internet sans tenter par tout moyen, d’empêcher l’artiste de le faire. Tout fait naufrage : la voix, les textes, la musique, l‘orchestre, le look. Pauvre professeur Raoult, embarqué dans cette galère artistique, et qui n’en demandait pas tant.

Alors plutôt que de se précipiter sur ce clip navrant, pour constater de visu le célèbre adage « la vieillesse est un naufrage », allons plutôt réécouter ce bijou :

« À m’assoir sur un banc 5 minutes avec toi /Et regarder les gens tant qu’il y en a .(…)
Et entendre ton rire s’envoler aussi haut
Que s’envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie
Et l’aimer même si
Le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants …
 »

 

  

Source : Nos lendemains