Le nouvel album de Renaud sonne comme un autoportrait de jeunesse

Le Figaro

La pochette du prochain album de Renaud a été dessinée par Zep, le papa de Titeuf. Renaud

CRITIQUE – Nous avons écouté Les mômes et les enfants d’abord, dernier disque du chanteur inspiré par l’enfance. Une bonne surprise qui sort ce vendredi.

C’est dans son ancienne école maternelle, un établissement du 14e arrondissement qui l’a vu naître, que Renaud avait décidé de présenter son nouvel album à la presse. L’autoproclamé «autonomiste de la porte d’Orléans» comme il le chantait dans son Blues de la porte d’Orléans de 1977, est resté proche de l’enfant qu’il a été. Celle-ci fut si heureuse qu’il s’est souvent avoué incapable de trouver le bonheur à l’âge adulte. L’annonce d’un album inspiré par l’enfance – la sienne mais aussi celle de ses rejetons – avait de quoi réjouir. Malgré les rumeurs insistantes sur ses problèmes de santé ces dernières années, Renaud avait retrouvé l’envie et l’énergie d’écrire pour de bon après le triomphe de son précédent album, sorti en novembre 2016.

Inutile de tergiverser au sujet de la voix de Renaud. S’il n’a jamais brillé en tant qu’interprète, celle-ci est définitivement abîmée par les années d’excès que l’homme s’est infligé. Et ce n’est pas l’interminable tournée de 2017 qui l’a restaurée, tant s’en faut. Passé ce constat, l’écoute de l’album peut se faire tranquillement, sachant qu’il n’y a aucune bonne surprise à attendre du timbre du sexagénaire. Premier extrait du disque, Les animals a été dévoilé hier en fin de journée. Si le chanteur apparaît vieilli dans la vidéo, sa verve est bien présente. Et ce de manière plus subtile que sur Toujours debout. La chanson donne le ton de cet album introspectif, rempli de gros mots, qui s’écoute comme un autoportrait de l’artiste. Les exégètes du chanteur y retrouveront la tonalité de ses meilleures chansons, dans un art de l’auto-citation sympathique.

Réalisation impeccable

 Il convient de saluer la réalisation, impeccable, du disque. Celle-ci est l’œuvre de Bertrand Lamblot, qui fut longtemps directeur artistique de Johnny Hallyday, et Thierry Geoffroy, qui signe par ailleurs plusieurs compositions. Dans une veine folk et rock, les chansons font la part belle à des virtuoses de la guitare (Freddy Koella et Philippe Almosnino) mais aussi à des cuivres de diverses obédiences, d’une mandoline, d’un violoncelle, d’un accordéon.

Un chœur d’enfants complète certains refrains, mais pas de manière systématique. Sur Pin-Pon, au texte très cru, Renaud, qui a enregistré ses voix à l’Isle sur la Sorgue, où il réside, emprunte même l’accent du Luberon. On y entend du bugle et une modulation assez bien vue. Lolita est une nouvelle déclaration d’amour, pleine de tendresse, à l’adresse de sa fille aînée, aujourd’hui trentenaire, sur un accompagnement électrique zébré d’un harmonica très dylanien. L’ancien mari de celle-ci, le chanteur Renan Luce – que Renaud appelle son gendre favori – signe plusieurs mélodies de l’album. Notamment celle de J’aime rien, portrait d’un sale gosse habilement troussé. Renaud y crie son dégoût de la corrida et de la cigarette. Mes copains est une des deux chansons composées par Romane Serda, mère du jeune garçon du chanteur, dans une veine tendre. Ambiance franchement rock’n’roll sur On va pas s’laisser pourrir!, manifeste préventif contre l’alcool, la cigarette et la drogue aux accents étonnamment moralistes.

Difficile de ne pas entendre une confession intime dans les mots «J’connais un pote chanteur/Qu’a paumé dix ans d’sa vie/Dix ans d’errance, de malheur/Dépression, hypocondrie/Tout ça à cause du Pastis». Y zont mis l’feu à l’école, ballade de Renan Luce saupoudrée d’accordéon, est une mise en garde contre les «marioles» qui «mériteraient un bon coup de pied au cul». Le petit crabe et la langoustine est l’occasion de découvrir la plume alerte de Jacques Mahieux, batteur de jazz disparu en 2016. Y’a un monstre sous mon lit est une comptine enlevée sertie d’un tuba. Sur Ça va gueuler, offerte par le fidèle Michael Ohayon brille la Stratocaster de Philippe Almosnino dans le seul chorus de guitare du disque, tandis que l’auteur de J’ai embrassé un flic proclame son respect pour la police. «Quand j’serai grand moi j’aimerais bien/être policier ou gangster/être un bandit de grand chemin/ou encore mieux commissaire».

L’album se termine sur deux chansons un peu plus faibles, C’est La récré et Parc Montsouris, qui ne déshonore pas la tenue de l’ensemble.

Dire que l’on n’attendait plus un album aussi digne de son auteur relève de l’euphémisme. Les mômes et les enfants d’abord, qui sortira le 29 novembre, devrait à son tour connaître une belle carrière commerciale. Il n’est pas sûr que Renaud soit prêt à le défendre en tournée. Mais on ne sait jamais…

  

Source : Le Figaro