Le plus grand défi de Berri

Le Droit

30 octobre 1993

CINÉMA

«Mon père a été un personnage très important dans ma vie et Germinal, c’est un peu lui».

 

Claude Berri, le producteur-réalisateur de Germinal, est un homme qui parle pou. Toute­fois, c’est dans ses films qu’il s’exprime. Sa filmographie est l’une des plus impressionnante du cinéma français.

FRANCINE
SAINT-LAURENT

Le réalisateur de Tchao Pantin, Jean de Florette et Manon des Sources a aussi eu la main heureuse lorsqu’il a produit ou co-produit les films de ses pairs: il a obtenu de grands succès avec Tess, de Roman Polanski, ainsi qu’avec L’Ours et L’Amant de Jean-Jacques Annaud.

Pourtant, c’est avec Germi­nal, l’adaptation du roman my­thique d’Émile Zola, qu’il a rele­vé son plus grand défi. Un défi qui le laisse épuisé. En entrevue au Droit, il a avoué «ne pas avoir d’autres projets que celui de me reposer».

«Je suis né à Paris dans un quartier ouvrier. Mon père était artisan fourreur. J’identifie le personnage d’Étienne Lantier à mon père. L’aspiration d’un être à un monde meilleur et plus juste. Lorsque j’étais ga­min, il m’entraînait dans des assemblées politiques. L’am­biance de la salle et les slogans m’ont marqué à jamais», lance-t-il.

Germinal
Le tournage fut une véritable épopée: le film comprend 60 rôles, dont le principal accordé à Renaud, en bas, à droite, et 2800 figurants, et fut le long métrage le plus dispendieux de l’histoire du cinéma français.

Alors, Germinal est un film politique? Certainement, affir­me le réalisateur. «C’est un cri d’espoir: il faut rêver à un mon­de meilleur. Mon souhait, c’est de faire réfléchir les gens.»

Un tournage difficile

Le tournage de Germinal n’a toutefois pas été une partie de plaisir. Pour Renaud, l’auteur-compositeur qui jouait son premier rôle à l’écran, l’apprentissage d’un nouveau métier ne s’est pas fait sans heurts.

«Je suis habitué à diriger moi-même mes spectacles, de produire mes chansons. Mais là, tous mes faits et gestes étaient dictées par un patron. C’est difficile», avoue-t-il.

Les relations avec Claude Berri n’ont pas été de tout repos non plus: «Il me piquait des co­lères pour un rien. Je me suis senti humilié. J’ai même songé à tout plaquer en plein milieu du tournage, mais j’ai compris que Berri jouait sa vie avec ce film. Il lui coûte 40 millions de dollars pour tour­ner Germinal».

Pour Berri, la page est tournée. «Pourquoi Renaud? Je ne voyais pas d’autres que lui. Nommez-moi un acteur
qui aurait pu incarner Lantier? Aucun! Et cela m’importait peu que Renaud soit ou non acteur. Cela ne me posait aucun problème.»

Aujourd’hui, les deux hommes ont manifestement fait la paix, même si Renaud avoue toujours ne pas s’être senti à la hauteur du personnage d’Étienne Lantier.

«Lorsque j’ai visionné les «rushes», je me suis trouvé moche. Je trouvais que ma démarche était épouvantable», avoue-t-il d’emblée. Mais aujourd’hui, les deux hommes ont manifestement fait la paix.

Si le tournage de Germinal fut une véritable épopée (le film comprend 60 rôles et 2800 figurants, et fut le long métrage le plus dispendieux de l’histoire du cinéma français), Claude Berri ne regrette rien.

«Bien qu’une partie des sé­quences aient été tournées dans les fonds claustrophobiants des mines de charbon, c’est beau de voir les visages des comédiens charbonneux éclairés par les lueurs des lanternes.»


 

Source : Le Droit