Le Québec, terre d’exil pour Renaud

Le Devoir

Étienne Paré
Publié et mis à jour le 11 mai

Culture | Musique

Photo: Julien de Rosa Agence France-Presse
L’enfant terrible de la chanson française a toujours senti qu’un «rapport d’amour et de complicité» l’unissait au Québec.

Après plus de 15 ans d’absence, Renaud retrouve enfin son public québécois pour une série de spectacles qui l’amènera de Gatineau à Québec, en passant par Montréal et Trois-Rivières. Cet enfant terrible de la chanson française a toujours senti qu’un « rapport d’amour et de complicité » l’unissait au Québec. Tellement qu’il laisse entendre qu’il pourrait s’établir ici advenant l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République française en 2027.

Celui qui fête ses 72 ans samedi n’est sans doute plus le fougueux chanteur de ses débuts, quand il arborait toujours un blouson de cuir avec un bandana rouge noué au cou. Sa gueule d’ange a cédé à un visage aux traits durcis par des années d’abus. Sa longue chevelure blonde est devenue grisonnante. Mais il reste cet artiste de gauche, perpétuellement indigné. « De plus en plus, même », confie-t-il, désespéré par les injustices économiques galopantes et « tout le mal qu’on fait à la planète ».

Inutile de dire, donc, que la montée de l’extrême droite en France, créditée de près de 40 % des voix dans les sondages en vue du premier tour de la prochaine présidentielle, le préoccupe. Car il a combattu toute sa vie les idées de Le Pen, père comme fille. « Ça m’inquiète. Mais ce qui me rassure, c’est que je pourrai toujours aller vivre au Québec », lance Renaud, joint par téléphone chez lui, à Paris, à quelques jours de son départ pour au Québec.

Est-il sérieux lorsqu’il dit qu’il pourrait s’exiler ou s’agit-il d’une boutade ? Difficile de le savoir. À l’autre bout du combiné, l’interprète de Mistral gagnant paraît insaisissable. Ses réponses sont souvent courtes et évasives. On peine parfois à entendre ce qu’il dit à cause de sa voix éraillée, résultat de ses très médiatisés problèmes d’alcool. « Ça a bouffé 15 ans de ma vie », marmonne celui qui essaie aujourd’hui, tant bien que mal, de rattraper le temps perdu avec ses deux enfants.

Public indéfectible

Qu’importe si sa voix est tremblotante, personne ne va voir en concert Renaud en pensant assister à un grand tour de chant. Ses (nombreux) admirateurs s’y ruent pour vivre un pur moment de communion avec cet artiste rebelle au coeur tendre, à qui l’on a toujours pardonné ses excès.

Nombre de fois les médias ont proclamé la fin de sa carrière. Chaque fois, il est revenu plus fort. Comme en 2002, avec son duo Manhattan-Kaboul avec Axelle Red, hymne pacifiste post-11 Septembre qui avait été couronné chanson de l’année en France. Puis en 2016, lors de la sortie de son album éponyme, le disque le plus vendu en France cette année-là.

Comment expliquer cet amour inconditionnel que lui porte le public depuis près de 50 ans ? D’une part, des mélodies terriblement accrocheuses. De l’autre, une prose qui puise dans l’argot parisien, en apparence simple, mais dans laquelle on décèle une vraie recherche poétique, parfois politique. Les chansons de Renaud sont tantôt engagées, comme Miss Maggie et Hexagone ; tantôt plus sensibles, citons seulement Morgane de toi, Manu ou encore En cloque, sa préférée entre toutes. Les tubes sont nombreux, et les admirateurs de Renaud les connaissent souvent par coeur.

Les extraits de ses derniers concerts en France qui ont fuité sur les réseaux sociaux montrent un homme fragilisé, qui chante assis, mais qui peut compter chaque fois sur sa horde d’admirateurs pour entonner ses chansons. « Quand je perds la voix, le public les termine pour moi », s’émeut-il. Parions qu’il en sera de même durant sa série de cinq concerts en sol québécois, qui s’amorce mardi à Gatineau.

« Je suis dans la meilleure période de ma vie. Cette tournée est ma préférée », confie l’auteur-compositeur-interprète, qui est accompagné sur scène d’un ensemble de musiciens à cordes.

Renaud nouveau

En entrevue au Devoir, le chanteur aux 20 millions d’albums vendus au cours de sa carrière jure ne pas avoir bu une goutte d’alcool depuis trois ans. Il a même arrêté la cigarette et s’est mis à la vapoteuse. L’amour l’a changé, faut croire, lui qui s’est marié pour la troisième fois il y a quelques jours.

Il n’est pas du tout dans le même état que lors de son périlleux passage au Québec en 2001, quand il était apparu fortement intoxiqué sur scène, au point d’avoir du mal à chanter. C’est un Renaud nouveau qui nous rend visite ces jours-ci. Sur scène, il promet de jouer plusieurs de ses plus grands succès, mais également de faire connaître des titres moins connus de son répertoire. Il compte également présenter une reprise de Sur mon épaule des Cowboys Fringants, groupe qui a souvent cité Renaud comme l’une des principales influences.

« Je les ai déjà rencontrés. Je les adore ! Je les ai même fait découvrir à ma nouvelle épouse », raconte-t-il avec un enthousiasme soudain. Renaud dit avoir été charmé par la comédie musicale Pub Royal, qui a été présentée il y a quelques semaines à Paris. « C’est un groupe qui fait de la musique qui sait parler au coeur des gens », avance ce monstre sacré de la chanson française pour expliquer le succès retentissant des Cowboys.

Sans doute pourrait-on lui renvoyer le compliment.

Dans mes cordes

À la salle Odyssée de Gatineau le 14 mai. Au Patriote de Sainte-Agathe-des-Monts le 16 mai. Au théâtre Maisonneuve de Montréal le 17 mai. À l’amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières le 19 mai. À la salle Albert-Rousseau de Québec le 21 mai.

  

Source : Le Devoir